Michèle Teboul : "Il faut donner une image unie de la communauté"

 
Interview de Michèle Teboul, Présidente du Crif Marseille-Provence, publiée dans la Provence le 27 juin 2016
 
Après six ans passés à la présidence du Crif, vous voilà contrainte de passer la main. Est-ce une expérience usante ?
 
Michèle Teboul : Je dirais même épuisante. Ce fut non-stop durant six ans avec de très nombreux actes antisémites, que ce soit à Toulouse, Bruxelles, l'Hyper cacher mais aussi Marseille où plusieurs juifs ont été agressés. Face à la gravité des actes commis à Toulouse par Mohamed Merah, les actes antisémites (insultes ou jet de la kippa) ont été "minimisés". Les victimes n'ont pas porté plainte car elles jugeaient que comparé à Toulouse, ce n'était pas très grave...
 
Vous attendiez-vous à être autant sur le devant de la scène ?
 
Cela fait plus de 25 ans que je suis au Crif. Avant, le Crif, c'était la mémoire, la lutte contre l'antisémitisme, beaucoup de philosophie et de nombreux combats politiques. J'ai été élue présidente au moment de la Flotille de Marmara (en mai 2010, l'armée israélienne est intervenue contre une flottille de bateaux de militants pro-palestiniens qui tentaient de briser le blocus de la bande de Gaza, Ndlr). Ce fut immédiatement très dur. Il a fallu répondre aux actes qui se déroulent en Israël, comme si l'on était l'ambassade d'Israël.
 
Sans être l'ambassade, le Crif fait quand même partie des soutiens privilégiés d'Israël...
 
Nous sommes un soutien inconditionnel d'Israël, dans ses statuts, sa légitimité et son droit à se défendre dans des frontières sûres. Mais le Crif est également favorable à deux États, avec des frontières distinctes.
 
Votre position a-t-elle été entendue ?
 
 Je l'ai fait entendre au plus haut niveau à l'occasion des différents dîners du Crif, un événement où plus de 70 % des 600 personnes présentes ne sont pas juives, avec la classe politique dans son ensemble, les médias, les intellectuels et la société civile. Les ministres de l'Intérieur, que ce soit Claude Guéant, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve ont semble-t-il entendu ma position.
 
Comment jugez-vous la réaction des hommes politiques à la suite des différents actes de ces dernières années ?
 
Je n'ai jamais vu autant d'empathie avec le peuple juif. Nous sommes en relation permanente avec le préfet de police ou la Ville. Nous n'avons pas eu besoin de mettre la pression. Mais désormais, il faut arrêter cette guerre des mots, car à mal nommer les choses, on ajoute à la misère du monde.
 
Peut-on prendre position, politiquement parlant, lorsque l'on est présidente du Crif ?
 
Non. Il faut avoir une neutralité politique, même si ce ne sont pas les sollicitations qui manquent. Notre priorité doit rester la défense de la communauté.
 
Cela n'empêche pas de combattre les extrêmes. Un juif, avec ce qu'ont vécu ses ancêtres, ne doit pas choisir un parti politique qui a une logique d'exclusion, de mise à l'écart. Il faut également lutter contre l'extrême-gauche. Car l'antisionisme est l'habit neuf de l'antisémitisme. Cela ne nous empêche pas de nous engager sur la manière dont est traitée la communauté juive... Lire l'intégralité.