Fachosphère : "L’ultra droite s’est appropriée Internet"

 
Interview par Denis Tugdual, publié dans Valeurs Actuelles le 21 septembre 2016
 
Dans un ouvrage de 300 pages, deux journalistes de Libération et des Inrocks analysent le succès numérique de ceux qui se revendiquent de "la réinformation".
Ndlr :Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif, est cité à plusieurs reprises dans leur ouvrage.
 
Valeurs actuelles. Vous écrivez un livre sur la "fachosphère", après une biographie du Front national (*) : y-a-t-il chez vous une obsession de l'extrême droite ?
 
David Doucet : Plutôt qu’une “obsession”, je parlerai plutôt d’un d’intérêt pour un sujet sur lequel les médias, les politiques ou les universitaires continuent encore aujourd’hui de s’entredéchirer. Si le FN est un vieux parti maintenant, on a encore beaucoup de mal à appréhender son évolution. Jusqu’où l’extrême droite peut-elle aller ? Se bornera-t-elle à une gestion locale ou ira-t-elle jusqu’à la conquête du pouvoir suprême ? Cette question traverse la société depuis que nous avons débuté en tant que journalistes.
 
Dominique Albertini : Si c'est une obsession, elle n'a jamais été aussi partagée ! Je préfère comme David le terme d'intérêt, pour ce sujet dont chacun constate aujourd'hui le caractère incontournable. Nous avions ouvert une première porte avec l'histoire du Front national ; il était tentant de poursuivre ce travail avec une approche plus actuelle, sur un terrain encore « vierge ».
 
Vous exercez comme journalistes à Libération et aux Inrocks. Ne craignez-vous pas l'accusation d'impartialité ? Est-ce facile, dans ces titres-là, de traiter de sujets à l'opposé de la ligne éditoriale de vos deux journaux respectifs ?
 
David Doucet : A mes débuts aux Inrockuptibles, la question du traitement du Front national s’est posée. Mais je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de mes collègues ont pu se rendre compte que le traitement moral de l’extrême droite est aujourd’hui largement contre-productif. Je continue à penser qu’il faut se rapprocher au plus près d’un traitement à l’anglo-saxonne à savoir “les faits rien que les faits”. Traiter du sujet sans passion et sans jugements moraux. A l’heure du web où toute critique circule instantanément, tout jugement différencié, parcellaire ou partial ne fait que nourrir la défiance des lecteurs de la “fachosphère” vis-à-vis des médias traditionnels. Cela leur donne le sentiment d’un traitement injuste et les incite à rester sur ces médias alternatifs, souvent moins fiables... Lire l'intégralité.