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Published on 5 September 2019

Culture - Elie Chouraqui : "J’ai toujours aimé prendre le pouls du monde"

Actualité Juive s'est entretenu avec Elie Chouraqui à l’occasion de la parution du "Dictionnaire de ma vie" (Kero).

Publié le 2 septembre sur le site de Actualité Juive

Actualité Juive: Le défi relevé pour ce livre* était-il de dépasser la peur d’écrire, avouée dans l’avant-propos ?

Elie Chouraqui : Je n’aurais pas pu l’écrire plus tôt. Quand l’éditeur m’a fait cette proposition, je me suis dit que j’allais en faire un acte important de ma vie. Je suis trop admiratif des grands auteurs pour prendre l’exercice à la légère. Je pense que j’écris plutôt bien et que les mots que j’utilise pour transmettre mes émotions sont à la hauteur de ce que j’attends des autres. 

A.J.: « Qu’est-ce qui fait courir David » relevait de l’autobiographie. C’était il y a 37 ans. Au risque d’avancer un constat « tiré par les cheveux » (ce qui, vu votre capital capillaire, n’aurait pas de graves conséquences), 37 renvoie à ldg Gadal, devenu grand…

E.C. Il avait été question que je joue le personnage de David, remarquablement interprété par Francis Huster, et j’ai parfois un peu de regrets. C’est vrai, j’ai grandi : j’ai des enfants, des petits-enfants, je sais ce que je veux, ce que j’aime. Et j’ai laissé derrière moi tout ce qui  m’encombrait.

A.J.: La récurrence du mot « fou » - vous citez Roth, Ma vie d’homme : « J’étais fou » ; vous vous décrivez en « pantin un peu fou accroché au bar » ou en « pauvre fou encore vivant » après votre accident de vélo ; vous titrez le chapitre sur votre rencontre avec Bouvard, « Qu’as-tu dit, pauvre fou ? »…- n’indiquerait-elle pas que l’image de grand fou n’est pas pour vous déplaire ?

E.C. Pour faire ce que j’ai fait et ce qu’il me reste à faire, il faut être un peu fou. Je me suis lancé dans des aventures qui ne sont pas normales et auxquelles mon univers familial ne me prédisposait pas. Il fallait sans doute une part de folie…

A.J.: Le « C » ne pouvait échapper au mot « Cinéma ». Tout a commencé au ciné-club de l’école communale de Balard…

E.C. C’est surtout ce film, « Le Train sifflera trois fois ». Peut-être la soirée était-elle particulière : il avait neigé, ma sœur et moi étions fatigués, j’avais peur du noir. Le film et sa chanson incroyable sont restés gravés en moi. Est-ce que cela a compté quand j’ai commencé à faire du cinéma ? Je ne sais pas…

A.J.: D comme D.ieu : là, vous nous gratifiez d’un véritable Dvar Torah ! 

E.C. C’est une interrogation permanente, avec ce pari pascalien que je fais de dire qu’Il est là tout en citant la phrase de Guitry selon laquelle toute manifestation sera la bienvenue ! Comment se dire que l’énergie faite de force, de passion, d’amour et de violence qui est en nous, est vouée à disparaître ? Je pense qu’il en reste quelque chose. 

A.J.: Dans le chapitre Eli, Eli, vous racontez, de façon très visuelle, que pendant la guerre, votre frère aîné est mort de froid dans les bras de votre mère qui fuyait une rafle…

E.C. Cette scène est écrite comme un scénario. J’ai appris cette histoire tardivement. On sait aujourd’hui que pour évacuer quelque chose, il faut l’exprimer alors qu’on pensait auparavant qu’il fallait le cacher. Pendant des années, j'ai porté cette douleur en moi, sans savoir d’où elle venait…

A.J.: Vous faites état d’une certaine amertume face à la critique,  notamment au moment de la sortie de Ô Jérusalem (2006) et de L’origine de la violence (2016). C’est d’ailleurs après avoir écouté une chronique sur France Inter que vous avez décidé de faire votre alyah…

E.C. Ces gens appartiennent à un système de castes que j’exècre. Il y a aujourd’hui le BDS ou des metteurs en scène comme Mike Leigh qui s’autorisent à dire du mal du peuple israélien sans rien comprendre à ce qui se passe sur le terrain. Personne n’a rapporté que le Hamas avait tiré à balles réelles sur les Gazaouis qui manifestaient contre lui.

A.J.: Vous semblez heureux sur i24news où vous présentez, depuis 2017, « Elie sans interdit »…

E.C. J’ai toujours aimé prendre le pouls du monde. C’est quand même génial de pouvoir inviter qui on veut, de droite, de gauche, des intellos, des gens du peuple, des militaires israéliens, des Palestiniens… Pendant que moi je suis à Naplouse ou à Ramallah, des chroniqueurs parisiens donnent des leçons, sans savoir de quoi ils parlent. 

A.J.:  À « S » aurait pu figurer le Studio de l’acteur Elie Chouraqui, cours d’art dramatique que vous lancez à Paris en septembre prochain…

E.C. Je crois avoir compris deux ou trois choses du métier ! Mon projet est de rassembler une centaine d’élèves et de les leur transmettre. Ils en feront ce qu’ils voudront mais ils seront mieux équipés pour affronter cette vie. 

*Elie Chouraqui, Le dictionnaire de ma vie, Ed. Kero, 288 p, 17,50 euros 

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