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Published on 17 March 2020

Crif - Coronavirus et fake news, rumeurs et désinformation

En ces temps difficiles, le virus se répand terriblement. Se répandent également les rumeurs insensées et les fake news, sur les réseaux sociaux.

Par Marc Knobel, Historien, Directeur des Etudes au Crif

Toutes les grandes épidémies et les pandémies dans notre histoire ont eu des conséquences dramatiques (1).

Toutes ces épidémies et/ou ces pandémies ont provoqué des catastrophes incroyables. Des régions entières, des pays ont été décimés. Ce fut une déferlante de détresse, de mort, de panique. Mais, cette nouvelle et terrifiante pandémie mondiale (le coronavirus 19) diffère sur au moins un point, peut-être même deux.

Commençons par le second point, très rapidement. L’insouciance a pu régner, ces derniers temps. Il s'agit là de l'autre avatar de l’aveuglement et de l’indifférence. Ceux et celles qui pensent qu’ils ne pourraient être atteints par le virus, se trompent lourdement. Ils ignorent une réalité médicale, les avertissements donnés et réitérés.

Le premier point est encore plus invraisemblable. Les rumeurs, les fake news se propagent et se sont multipliées sur les réseaux sociaux.

Expliquons.

Les internautes se shootent vraiment sur les réseaux sociaux. La communication y est extrêmement brève, rapide, nerveuse, extravagante. Elle est ponctuée de raccourcis, de quelques brefs mots, quelquefois d’insultes. Les termes utilisés sont simples.

Dans les réseaux sociaux, les informations ne sont d’ailleurs pas vérifiées. Souvent, on ne prend même pas le temps de lire un article dans sa totalité, de le confronter à d’autres sources, de se poser en réfléchissant. Quelquefois, la seule lecture d’un titre et du chapeau suffisent, ou une photographie. C’est elle que l’on regarde d’abord, le poids des images, encore et encore. Et quand bien même ? A peine a-t-on regardé rapidement un texte, en le survolant plus qu’en le lisant, que l’on est submergé par d’autres publications, que l’on clique ailleurs. C’est une frénésie folle, sans interruption, d’informations disparates ou d’informations people insolites et de sujets multiples, souvent sans intérêts.

L’entreprise d’abrutissement des masses fonctionnent ainsi.

On se garde même de consulter des articles publiés par les grands quotidiens, les hebdomadaires et les mensuels. Pourquoi ? Parce que l’on ne fait plus confiance aux journalistes.

En janvier 2019, dans le 32e Baromètre de la confiance des Français dans les médias réalisé par Kantar pour La Croix, la crédibilité accordée aux différents supports et la perception de l’indépendance des journalistes sont au plus bas . Si l’intérêt pour l’actualité remonte (à 67 %, + 5 points), les journalistes sont jugés indépendants par seulement un quart des sondés. La radio, traditionnellement jugée comme le moyen d’information le plus fiable, sort à peine la tête de l’eau (avec 50 % de niveau de confiance, - 6 points sur un an), devant la presse écrite (à 44 %, - 8 points), la télévision (à 38 %, -10 points), et Internet (à 25 %, comme en 2018).

Place donc à une « information » alternative. Et, les réactions sont forcément épidermiques. Chacun veut dire quelque chose, chacun pense savoir quelque chose sur quelque chose et devoir exprimer un contentement ou un mécontentement. D’ailleurs, lorsque de premiers messages ou commentaires sont publiés, d’autres commentaires affluent. Le ton risque très vite de monter, la violence est totalement gratuite. Pas de place pour la sérénité, ici. Car souvent, les arguments volent bas, au niveau de la ceinture. L’invective n’est pas loin. C’est bien d’un « appel du vide », dont il s’agit, un vide sidéral, abyssal. Et, en ces temps, de coronavirus, on lit n’importe quoi, partout, de partout, c'est complètement fou. Les propos injustifiées et les rumeurs complotistes, tout cela procède de la même pathologie. La bêtise.

Conclusion rapide

Plutôt que de propager de fausses informations et de se shooter aux réseaux sociaux et à ses invraisemblances, écoutons plutôt ce que les scientifiques disent. Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui savent, ce sont les scientifiques, parce qu’ils étudient les phénomènes, ils analysent les situations, vérifient les informations, sont dans un cadre hospitalier, soignent et sont confrontés à la pandémie. Si l’on peut douter ou si l’on veut douter de la parole médiatique/journalistique et/ou de la parole politique, on devrait tenter de faire confiance aux scientifiques qui maîtrisent les données, ont le savoir et veulent protéger la population.

Un dernier mot, enfin.

Il faut rendre hommage à tous les soignants qui affrontent des situations difficiles et s’exposent personnellement. Le courage des soignants est un formidable exemple. Ce ne sont pas les fake news qui soigneront les gens. Ce sont les soignants. Merci à eux.

 

(1) Certaines épidémies ou pandémies ont été si terrifiantes, comma la peste qu’elles ont suscité l’effroi et le chaos. Par exemple, la peste antonine -du nom de l’Empereur romain Antonin, qui règne de 138 à 161- frappe l’Empire romain, dès 166 ou la peste de Justinien en l’an 540. Celle-ci atteint Constantinople en 542, puis remonte vers le nord de l’Europe. Elle aurait fait près de 25 millions de victimes. Au moyen-âge, la variole accompagne les conquêtes musulmanes en Afrique du nord et dans la péninsule ibérique. En l’an mille, elle s’étend sur tout le littoral méditerranéen. En 1500, la présence de la variole en Espagne est à la source de son introduction en Amérique du Sud, par les conquistadors. Elle infeste l’empire inca et la variole est responsable de la disparition de plus des 3 quarts de la population amérindienne, dès 1518. En 1918, la grippe espagnole en 1918 tue près de 30 millions de personnes, certains parlent de 100 millions de morts. Sur la peste, voir par exemple Jean Vitaux, La peste, Paris, PUF, 2010.