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Published on 3 July 2020

Actualités des régions - Crif Auvergne Rhône-Alpes: Commémoration des 7 juifs exécutes par la milice à Rillieux

Lundi 29 juin 2020 se tenait, devant le mur du cimetière de Rillieux, la commémoration en souvenir des 7 Juifs exécutés par la Milice il y a 76 ans. Le Crif Auvergne Rhône-Alpes était présent à la cérémonie.

Devant une assistance nombreuse, le contexte de ce massacre a été rappelé puis il a été mis en perspective avec la montée de l’antisémitisme en France et dans le monde.

Des dépôts de gerbes, la sonnerie aux morts, et la Marseillaise ont ponctué ce rassemblement que tous les représentants politiques, associatifs et religieux ont jugé plus que nécessaire dans le contexte actuel. 

Lors de la cérémonie, Nicole Bornstein, Présidente du Crif Auvergne Rhône Alpes a prononcé un discours. Nous vous proposons de le lire ci-dessous. 

 

Le 29 juin 2020, à Rillieux

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus, les présidents et /ou représentants des associations,

Et pour n'oublier personne en grade et qualité, Chers amis,

Après de longues semaines de confinement, puis dé -confinement timide en cette période de crise sanitaire, Monsieur le Maire, Monsieur Vincendet, a tenu à nous réunir en « live » pour cette cérémonie, et je l'en remercie.

Nous voici donc  recueillis en mémoire des 7 fusillés du 29 juin 1944, il y a 76 ans,7 otages lâchement  assassinés par la milice de Paul Touvier après avoir été sélectionnés simplement parce que nés juifs.

Je remercie Monsieur Vincendet pour sa constante fidélité à cette triste page de notre histoire.

Je  profite des circonstances pour le féliciter à nouveau pour sa réélection dans sa commune et ce , dés le premier tour des  élections municipales.

Perpétrer cette commémoration, c'est non seulement évoquer le souvenir de ces 7 victimes innocentes, mais c'est aussi chaque année l'occasion de replacer en perspective un événement du passé dans le présent,   un moment pour s'interroger, se pencher sur notre propre actualité, et cette année  particulièrement nous interpeller, nous, citoyens de 2020 !

Comment des français, enfants de cette terre de tradition chrétienne, cette terre qui a enfanté la République ont-ils pu devenir des miliciens criminels ?

Certes les miliciens agissaient en synergie avec la Gestapo.

Certes, les hommes du pouvoir de Vichy, initiateurs de cette milice, s'étaient installés grâce à la défaite de juin 1940, sous l’œil bienveillant de l'occupant nazi.

Mais les hommes de Vichy ne sortaient pas de nulle part !

Ils étaient eux-mêmes issus et porteurs de l'ancienne tradition réactionnaire antirépublicaine du 19iè siècle, puis des années 30, celle des antidreyfusards, celle Maurassienne des « Camelots du roi » et autres ligues fascistes !

Les doigts qui ont, ici-même le 29 juin 1944 , actionné les mitraillettes pour abattre ces 7 malheureux otages sont le résultat de cette idéologie antisémite haineuse qui s'est développée et subrepticement introduite dans la liberté de pensée garantie par la troisième république.

En ce début de 21ème siècle, ici, en France, une haine fruit d'une culture antisémite ancestrale conjuguée au courant de l'islamisme radical s'est propagée par internet et les réseaux sociaux et a conduit à l'assassinat de 12 de nos concitoyens, femmes, hommes et enfants au seul motif qu'ils étaient juifs !

Une loi, la loi Avia, pour tenter de combattre  la propagation du racisme, de l'antisémitisme, de la xénophobie, de l'homophobie et   de toutes les formes de haine a été élaborée, votée à l'assemblée nationale, mais vient tout dernièrement d'être retoquée par le conseil constitutionnel au prétexte de préserver la liberté d'expression !

Curieusement, s'en sont félicités des admirateurs des régimes Castriste de Cuba, Maduriste du Venezuela, Poutinien de Russie, régimes dont chacun sait combien ils sont vertueux en matière de liberté de pensée !

Les philosophes qui ont prôné la liberté de pensée, des humanistes des 16iè et 17iè siècles jusqu'à ceux des lumières au 18iè siècle, étaient loin de s'imaginer que s' engouffreraient dans leur philosophie des ennemis de la liberté et des promoteurs de haine !

Ils mettaient toute leur confiance  en l'humanité , et doivent se retourner dans leurs tombes après ce 20iè siècle où par dizaines de millions en Europe certains ont été assassinés sous le joug de la pensée nazi, et d'autres de la pensée Lénino-Stalinienne !

Pourtant, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen issue de leur pensée était claire !

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui en rien ne nuit à autrui grâce à des bornes déterminées par la loi démocratiquement établie :

Permettez moi de citer l'article 11 de cette déclaration :

«La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »

Malheureusement, après le rejet de la loi Avia, aucune nouvelle proposition constructive n'a été pour le moment mise sur la table pour lutter efficacement contre la déferlante de haine sur le net !

Espérons que nous ne venons pas d'assister à son enterrement ! !

Mais la cour constitutionnelle n'est pas la seule cour de justice à faire valoir la liberté d'expression pour ouvrir la voie aux porteurs de haine.

Voilà que la Cour Européenne des droits de l'homme, après plus de 13 ans, vient de condamner la France pour s'être opposée au  mouvement BDS, virulent activiste du boycott des produits israéliens.

Comment ne pas voir que ce mouvement n'est que la vitrine présentable du projet de rejet des juifs à la mer  ?

Décidément, la machine à dénis est loin d'être grippée depuis Munich !

Les attentats que nous avons tous vécus très douloureusement, dont certains dans leur chair, souvenons- nous de cette jeune étudiante originaire de Rilleux et assassinée sur le parvis de la gare à Marseille, n'ont pas produit d'effets quant au rejet des haines... !

Elles continuent de prospérer, restent parfois  profondément ancrées dans les cultures, et sont mal contenues par les lois, même dans nos pays démocratiques.

Elles se manifestent au présent !

Ainsi, la mort d'un Afro- américain aux États-Unis provoquée par une intervention policière, dans un contexte de racisme endémique, qui a soulevé une juste vague internationale d'indignation.

Son retentissement, généré particulièrement par les jeunes, est un grand message d'espoir et d'optimisme...

Oui mais, comment ne pas s'interroger sur l'amalgame fait entre la police américaine et nos forces de l'ordre en France ?

Même s'il existe certainement des dérives condamnables par la justice, notre police n'est ni la police américaine ni la milice de 1944.

Souvenons nous de ce qu'elles ont enduré des attentats terroristes islamiques, y compris en pertes humaines !

Souvenons-nous de la protection qu'elles nous ont apportée et de celle qu'elles continuent d'assurer en ces temps difficiles !

Oui mais, comment ne pas s'interroger quand au milieu des manifestations antiracistes, on a dans le même temps entendu à Paris, Marseille, Toulouse des slogans antisémites, dont « mort aux juifs » ?

Et quelle tristesse de constater qu'aujourd'hui, c’est au nom de l’antiracisme que l’on se permet d'insulter les Juifs pour ce qu’ils sont dans l'indifférence la plus totale des participants aux manifestations !

Quelle tristesse de constater l'absence totale de réaction de la part même d'une association participant à la manifestation, association  née au cours de l'affaire Dreyfus et pour combattre les anti républicains et les antidreyfusards de l'époque !

 

Quelle déchéance  !

On ferme les yeux, on se bouche les oreilles, on baisse la tête, si seulement c'était de honte !

Certains se prêtaient à croire que l’après Covid 19 ouvrirait une ère meilleure...

Mon souhait d'aujourd'hui est que le souvenir et les âmes de ces 7 fusillés juifs à Rilleux électrisent les consciences.

Je vous remercie.

 

Nicole Bornstein, Présidente du Crif ARA