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Published on 26 August 2021

Actu - Fermeture du site Internet antisémite "Je suis partout"

Ce site Internet nauséabond recensait des personnalités de confession juive du monde politique, des media, de la culture et de l'économie.

Le 10 août dernier, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé, via Twitter, avoir fait un signalement au procureur de la République pour que des poursuites soient engagées contre les auteurs du site antisémite "Je suis partout", une référence directe au nom du journal collaborationniste. Ce site recensait des personnalités de confession juive du monde politique, des media, de la culture et de l'économie. Reprenant les codes de l’extrême droite, il les présentait sur une infographie, parfois accompagnée d’une photo de la personne ciblée.

Plus tôt dans la journée, le Crif avait interpellé le Ministère de l'Intérieur au sujet du site et l'avait signalé auprès des plateformes compétentes.

 

En parallèle du signalement du Crif, de nombreux signalements des internautes avaient été envoyés à Pharos - la plateforme du gouvernement permettant de signaler des contenus illicites sur Internet.

Le lendemain, le site Internet était supprimé de la plate-forme GitHub qui l'hébérgait.

L'homme qui se cachait derrière ce site nauséabond, Samuel Goujon, a été déféré samedi 21 août et mis en examen pour injure publique en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, une race ou une religion. 

 

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Article publié le 23 août 2021 dans Le Monde - Samuel Goujon, de l’école Centrale aux listes de juifs

« Recensement dûment vérifié de personnalités françaises et internationales », se contentait de préciser le site « Ils sont partout », sans préciser l’implicite : ce recensement concernait des personnalités de confession juive – ou présentées comme telles – dans divers domaines (économie, médias, politique). L’adresse du site, jesuispartout.com, était une allusion transparente à l’hebdomadaire antisémite proche de l’Action française des années 1930.

Supprimé la semaine dernière de la plate-forme GitHub, qui l’hébergeait, le site a valu à son concepteur, Samuel Goujon, d’être mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, samedi 21 août, pour « injure publique à raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, une race ou une religion », « provocation publique à la discrimination, à la haine, à la violence » et « provocation publique à commettre des atteintes volontaires à la vie », ainsi que pour absence de mentions légales, comme l’a révélé Le Parisien.

Le 10 août, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait signalé au procureur ce site « antisémite (…) profondément scandaleux et nauséabond ». Le site et son créateur avaient déjà été identifiés depuis plusieurs mois par des activistes de l’Organisation juive européenne, mais également le blog « Balance ton antisémite » ou le compte Twitter « sources ouvertes ». D’autres informaticiens avaient pu mettre en lumière une cartographie similaire, publiée cette fois sur le site antisémite et antimaçonnique « Faits et documents », fondé par Emmanuel Ratier, figure de l’extrême droite française et mort en 2015. Le site « Ils sont partout » partageait également des adresses IP communes avec celui d’Hervé Ryssen, autre activiste d’ultradroite antisémite, plusieurs fois condamné.

Lorsque l’on se penche sur les traces qu’il a laissées en ligne, le concepteur de « Ils sont partout » présente un profil particulier : né en 1985, Samuel Goujon est originaire du Sud-Ouest. Il est titulaire d’un master en informatique obtenu en 2010 au sein de la prestigieuse Ecole Centrale de Paris (ECP). Au milieu des années 2010, Samuel Goujon semble, toujours d’après les quelques traces restant de ses comptes sur divers réseaux sociaux, pour la plupart supprimés, s’intéresser de près aux logiciels libres et aux cryptomonnaies.

 

Féru de Russie

Mais il a également une autre vie, plus militante. Féru de Russie, où il semble avoir résidé – plusieurs photos le montrent à Moscou et, fin 2020, il y proposait des cours de français –, il dispose d’un profil sur l’équivalent russe de Facebook, VKontakte (VK). Sur ce réseau, fréquenté par une partie de l’extrême droite française, Samuel Goujon « aime » de nombreuses pages d’extrême droite, dont celle du mouvement de Florian Philippot, « Les Patriotes », mais aussi celle d’Egalité et réconciliation, l’organisation de l’activiste antisémite Alain Soral, ou encore « Paris Nationaliste », section locale des Jeunesse nationalistes d’un autre militant antisémite, Yvan Benedetti.

Samuel Goujon est également cité comme le contact de référence d’une page, « Dextera », qui relaie les événements et conférences organisés par Dextra. Ce groupuscule est une scission de l’Action française, mouvement royaliste et antisémite très actif dans la France d’avant-guerre, qui s’est depuis divisé en de multiples chapelles. Dextra organise notamment des conférences où se pressent intellectuels et écrivains d’extrême droite.

En 2013, le mouvement avait co-organisé « L’université d’été pour tous » avec une autre organisation, le « Printemps français », frange la plus radicale du mouvement antimariage gay de la « Manif pour tous ». Parmi les invités, on trouvait un vieux routier de l’agit-prop numérique d’extrême droite, Samuel Lafont. Cet ancien cadre de l’UNI (organisation étudiante de droite), très actif lors des manifestations antimariage pour tous, passé depuis par l’association anti-impôts Contribuables associés et par la campagne de François Fillon, dont il animait la « riposte numérique », a fondé un site de « réinformation » nommé Damoclès. En 2018, ce site publiait une liste de « traîtres à la France », relayée par Samuel Goujon sur son compte Twitter.

Une image dénichée par le compte « Sources ouvertes » sur le profil Instagram de Samuel Goujon le montre, en juin 2020, en compagnie de M. Lafont. Ce dernier, devenu l’assistant parlementaire de la sénatrice LR des Français de l’étranger Joëlle Garriaud-Maylam, s’est depuis trouvé un nouveau cheval de bataille : il dirige la campagne numérique du polémiste Eric Zemmour. Contactés, ni M. Lafont ni M. Goujon n’ont répondu à nos questions.

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance