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Published on 22 October 2021

France - "Humilier les mécréants", "se préparer au combat"... Les prêches islamistes qui ont entraîné la fermeture de la mosquée d'Allonnes

Des membres des associations poursuivies auraient qualifié l'assassin de Samuel Paty de «martyr», et légitimé ouvertement le djihad ou la charia. Les responsables démentent de «manière catégorique» toute radicalisation.

Publié le 20 octobre dans Le Figaro

La mosquée d'Allonnes (Sarthe) a-t-elle été le théâtre de véritables déclarations de guerre contre la France et les chrétiens ? Selon des informations que Le Figaro a pu glaner auprès de sources du renseignement français, les discours à nette connotation islamiste y auraient cours depuis plusieurs années. Une attitude et des éléments précis qui ont amené le ministère de l'Intérieur à lancer une procédure administrative contre le lieu de culte, le 13 octobre dernier. Au terme d'une enquête contradictoire, un arrêté préfectoral pourrait être signé ces prochains jours, et aboutir à une fermeture de six mois.

Ces sources décrivent des discours particulièrement belliqueux. Dans certaines prises de parole, il aurait été question de la nécessité d'«humilier les mécréants ennemis de l'islam et des musulmans» et de «donner la victoire aux musulmans». Plusieurs propos tendant à légitimer le djihad armé, la haine et la discrimination des juifs, des chrétiens ou des Occidentaux en général, auraient été tenus. Particulièrement à la suite d'attentats meurtriers commis par des terroristes islamistes.

Quelques jours après l'assassinat de Samuel Paty, les dirigeants de la mosquée se seraient en effet félicités du destin du professeur, et auraient vu en la personne d'Abdoullakh Anzorov, son tueur, un «martyr». Il faut «impérativement se renforcer dans la foi et se préparer au combat», aurait jugé une des personnes prenant la parole dans l'enceinte de la mosquée. Un autre membre déclarait que l'assassinat de Samuel Paty renforçait sa détermination. Des propos qui auraient été encouragés en séance de prière. Un des membres actifs de la mosquée aurait vanté sa rencontre avec Djamel B., un djihadiste emprisonné pour des engagements proches de milieux terroristes. Devant des publications de Charlie Hebdo, un des imams associatifs Driss E.K. aurait ainsi professé que «ces gens méritent la mort, mais nous ne sommes pas en position de force».

La Taqiya, ou art de la dissimulation, encouragée ?

Plus inquiétant encore, les sources évoquent une politique de Taqiya, ou dissimulation des convictions islamistes sous un vernis et un comportement respectueux. Une pratique qui aurait été ouvertement encouragée par les dirigeants des associations. Ces derniers auraient ainsi exhorté les imams à «rencontrer les kouffars» (les mécréants) et à leur afficher un soutien de façade à la suite de l'assassinat de Samuel Paty.

À l’époque, comme en témoignait Ouest-France , le président de l'AAJM était venu assister à la messe de la Toussaint à l'église Saint-Martin du Mans. Il avait affirmé «dénoncer cette barbarie et rappeler notre attachement à la lutte contre tous ces actes terroristes, quels qu'ils soient». «Je peux vous l'affirmer : l'islam est une religion de paix. Le terroriste n'est pas un musulman. Et le musulman n'est pas un terroriste», déclarait-il également. Une attitude qui avait ému aux larmes certains fidèles catholiques, qui avaient salué un «message de paix». Le maire de la commune Gilles Leproust (PC), l'adjoint en charge de la Citoyenneté, Mostafa Nafaa, et la conseillère en charge des Droits humains, Audrey Joannic, étaient également présents à l'office. Des propos bien éloignés de ce qui se disait dans la discrétion de la mosquée, si l'on en croit le renseignement français. Les non-croyants y auraient été qualifiés d'«animaux».

Une école coranique d'endoctrinement

L'endoctrinement de la jeunesse est un autre point reproché aux deux associations. Dès 2015, un homme aurait enjoint à plusieurs enfants rassemblés dans l'enceinte de l'association de «ne pas respecter les minutes de silence et remercier Dieu, car il a vengé le prophète».

D'après nos sources, certains parents d'élève se seraient plaints, mais uniquement en interne, des contenus enseignés par un enseignant, Omar C., et surtout d'une ambiance confinant à la violence physique. Après ces plaintes, rien n'aurait changé sinon une plus grande discrétion des propos. Un autre responsable aurait continué de tenir des propos pro-djihad.

Les associations sont également accusées de propager aux plus jeunes un antisémitisme virulent, ou encore la haine des homosexuels. Des affirmations menaçantes auraient été prononcées devant eux. «Les attentats étaient des signes forts contre la France et les Français qui, enfin, comprennent que nous sommes armés et prêts à faire la guerre», rapporte ainsi une source au Figaro. Des souhaits et des invocations à partir sur les terres de l'État islamique auraient également été recensés. Selon nos informations, plusieurs habitués de la mosquée avaient d'ailleurs déjà été inquiétés pour des faits d'apologie de terrorisme.

La mosquée dénonce de graves accusations

Sur Facebook, l'AAJM avait toutefois dénoncé dès jeudi dernier 14 octobre les «graves accusations portées par le ministère de l'Intérieur», affirmant que «ses gérants ont toujours œuvré dans le bien et prêché l'islam du juste milieu». Le ministère «s'illustre une fois de plus dans une démarche et une politique d'affichage», regrettait la mosquée.

Contacté par Le Figaro, Karim D., gérant des associations AAJM et Al Qalam dit se refuser à tout commentaire, avant de prendre la parole ces prochains jours. Son avocate, Nabila Asmane, souligne que son client «s'inscrit bien sûr en faux et de manière catégorique» contre des éléments contenus dans un rapport d'enquête communiqué aux associations. Ce dernier ne mentionnerait aucune date, rendant impossible la convocation de témoins et l'établissement de preuves. Elle dénonce en outre une «procédure qui n'est pas sereine : lors de notre entretien avec le préfet au sujet du rapport, nous avons constaté la présence d'un agent de renseignement. Or, nous n'avons pas à nous adresser à une autre autorité que celle du préfet», explique-t-elle.

Les allégations du ministère de l'Intérieur «ne reflètent pas la manière dont ils [les membres des associations mises en cause, NDLR] sont connus sur place», poursuit-elle. «Ils n'ont jamais pratiqué de discrimination, ont récemment reçu le prix de la Paix de la commune d'Allonnes. Le maire dit lui-même à quel point il est tombé des nues en apprenant la fermeture», conclut-elle. Le dossier pourrait donner lieu à un recours devant le tribunal administratif voire devant d'autres instances. Nabila Asmane annonce ainsi avoir prévenu le rapporteur spécial des Nations unies sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.