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Publié le 9 Avril 2008

Michel Bongrand : «Israël est une grande cause, celle du droit d’un peuple à survivre et à vivre»

Michel Bongrand, conseiller en communication, est l’inventeur du marketing politique en France. Il a conseillé les principaux dirigeants français dans leurs campagnes électorales. Résistant et ami d’Israël, il répond à nos questions.


Stéphanie Lebaz : Michel Bongrand, vous êtes l’inventeur du marketing politique en France, sur lequel nous allons revenir. Mais pour l’instant, intéressons nous à votre parcours dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale…
Michel Bongrand : Le 16 juin 1940, je voyais les troupes allemandes défiler aux Champs Elysées. Tout le monde pleurait et moi, je décidai de faire la guerre à Hitler : j’avais 17 ans et demi.
Après trois tentatives pour rejoindre de Gaulle, j’étais recruté en décembre 1940 par l’un des tout premiers réseaux constitués en France, agent de liaison auprès d’Henry Frenay (Combat), Jean-Pierre Lévy (Franc-Tireur), ou le Général Frère (Armée Secrète).
De mission en mission, je voyais tomber mes camarades. Officier de commando, lieutenant parachutiste, j’étais un survivant.
Mon frère de Résistance et de combat, Gilbert Hamburger aujourd’hui disparu, présent avec moi à Marseille en décembre 1940 auprès du Général Martin-Chevance, rescapé des camps, deviendra Secrétaire Général des Anciens de Dachau.
Je n’aime pas parler de moi pendant cette période, car tout ce que je suis devenu, je le dois à ceux qui ont disparu.
SL : Vous êtes connu pour être un ami d’Israël. D’ailleurs, en 1967, au moment de la Guerre des Six jours, vous avez conseillé à l'ambassadeur d'Israël à l’époque, Walter Eytan, de lancer, avec l'aide de Louis Pradel, maire centriste et modéré de Lyon, une pétition de soutien à Israël par le canal des mairies dans toutes les communes de France… Expliquez-nous vos liens avec ce pays ? Que représente t-il à vos yeux ?
MB : L’un de mes meilleurs amis, Maurice Bensimon qui vient de mourir, avec lequel j’avais tenté dès juillet 1940 de rejoindre de Gaulle, devenu pilote de bombardier pendant la guerre, s’engagea en 1948 dans les rangs de Tsahal pour aller chercher des avions en Tchécoslovaquie.
Un mauvais divorce, deux enfants à ma garde, m’empêchèrent de m’engager comme j’aurais voulu le faire.
Au delà du sionisme de Théodore Herzl, Israël était pour moi, comme Exodus l’a démontré : la revanche de la Shoah, un nouvel espoir.
C’est alors que je fis mon premier séjour dans un kibboutz à Kfar Guiladi, en face des Syriens, une mitraillette sous l’oreiller.
J’ai toujours partagé le grand idéal d’Israël, le droit à la vie, symbolisé pour moi en deux mots : Lehaïm et Mazel Tov. Mon engagement ne s’est jamais démenti.
En 1967, j’étais gaulliste : alors que le Général venait de désigner Israël comme dominateur et sûr de lui, j’allai voir Walter Eytan, merveilleux d’humanité, qui m’a écouté et compris.
La tentation était forte pour la communauté de s’appuyer en France exclusivement sur l’opposition.
Je lui dit : « Monsieur l’Ambassadeur, ne laissez pas Israël à l’opposition. Ce sont tous les Français qu’il faut mobiliser pour défendre son existence et son combat ».
C’est ainsi qu’Alexandre Sanguinetti et Jacques Baumel parurent au balcon de l’Ambassade place Wagram, s’engageant au même titre que Jean Lecanuet ou Gaston Defferre. La campagne de signatures dans les mairies devait donc être lancée sous le signe de la plus grande neutralité politique et j’obtins de Louis Pradel, maire de Lyon non marqué politiquement, qu’il prenne la tête de cette campagne.
Qu’il s’agisse de la manifestation du silence ou du Cirque d’Hiver, j’étais fier de faire partie de l’équipe restreinte formée autour d’Edmond de Rothschild et Jean Lecanuet, aux côtés de Marcel Bleustein et de Jacques Friedmann.
SL : Michel Bongrand, vous êtes l’un des principaux acteurs des premières campagnes électorales de la Cinquième République, ce qui vous a valu le titre de « pape de la communication politique ». Vous avez en effet conseillé de nombreux politiciens français. Pour cela, vous employez une méthode que vous avez inventée : le « marketing politique ». En quoi consiste t-elle ?
MB : Donner une définition du marketing politique est très simple. 3 mots de méthode : diagnostic – stratégie – moyens ; 2 mots d’objectif : notoriété – adhésion.
J’ai conduit des centaines de campagnes, tant en France qu’à l’étranger, auprès des plus grands présidents et de très nombreux politiques.
J’ai appliqué la même méthode pour de grandes causes : sécurité routière, santé, éducation, etc.
SL : On va faire une simulation. Demain matin, l’ambassadeur d’Israël vous demande un conseil sur la communication de son pays. Quel conseil lui donneriez-vous ?
MB : Depuis la malheureuse réaction de deux grands journalistes au lendemain de la Guerre des Six Jours, parlant « des pauvres Palestiniens dans le désert », une grande partie de l’opinion publique a cherché à culpabiliser Israël qui n’a pas su répondre en établissant une communication de crise.
Le Moyen-Orient reste un baril de poudre. La Syrie et l’Iran sont toujours menaçants. Le soutien des Etats-Unis et des grands pays occidentaux ne suffit plus.
Si l’Ambassadeur d’Israël me demandait un conseil, je lui dirais : « recevez-moi une première fois. Il faut échanger pour avancer ».
Pour moi, Israël est une grande cause, celle du droit d’un peuple à survivre et à vivre.
Propos recueillis par Stéphanie Lebaz
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