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Publié le 22 Septembre 2010

Philippe Karsenty : «Al Dura : France 2 doit reconnaitre son erreur»

Voici 10 ans, France 2 diffusait un reportage prétendant montrer la mort d’un enfant palestinien Mohammed al Dura à Netzarim dans la bande de Gaza. Vous contestez l’authenticité de ce reportage. A partir de quelles preuves ?




Les preuves de la mise en scène de France 2 sont très nombreuses. Elles ont été apportées au fil du temps par les enquêtes réalisées par Nahum Shahaf, Yosef Doriel, Gérard Huber, Esther Schapira, Richard Landes, Stéphane Juffa et quelques autres, dont moi-même.
Dans le même temps, France 2 et Charles Enderlin n’ont jamais été en mesure d’apporter une seule contre preuve authentifiant leur reportage contesté… Pas une seule !
Pour notre part, voici les preuves les plus accablantes de la mise en scène que nous détenons et qui prouvent que le reportage de Charles Enderlin que France 2 a diffusé le 30 septembre 2000 était une mise en scène:
Malgré les 15 balles qu’auraient reçues Mohamed al Dura et son père , l’image finale du reportage de France 2 montre que ni le père ni l’enfant n’ont de sang sur leurs corps ou sur leurs vêtements ; pas plus que sur le mur sur lequel ils étaient adossés.
Selon la version du caméraman de France 2 qui se trouvait sur place, les soldats israéliens auraient tiré intentionnellement sur les « victimes » pendant 45 minutes avant de les atteindre. Or, les soldats se trouvaient à 80 mètres des al Dura. N’importe quelle personne ayant déjà tiré avec une arme sait qu’à une telle distance, la cible peut être atteinte en quelques secondes. Cette version des faits est donc absurde ! Tout comme les autres affirmations ultérieures du caméraman pour couvrir son bidonnage.
Alors que l’enfant est annoncé mort par Charles Enderlin à la fin du reportage de France 2, on observe, grâce aux images obtenues en justice, que dans les 10 secondes qui suivent sa « mort », l’enfant lève le coude, tourne sa tête en direction du caméraman, puis le baisse avant de lever sa jambe droite et de la garder suspendue au dessus du sol. Etrange pour un enfant « mort » !
Les expertises balistiques, médico-légales et biométriques infirment la version des faits données par France 2 et confirment le bidonnage.
Les contradictions et les mensonges des déclarations des collaborateurs de France 2 (Charles Enderlin, Arlette Chabot et Talal Abou Rahma, le caméraman) sont autant de preuves de l’inconsistance de leur version des faits. Ainsi, quand Charles Enderlin a affirmé détenir les images de l’agonie de l’enfant, il a menti et il n’a jamais apporté de justification à ce mensonge originel.
Dans quelques jours, Charles Enderlin publiera un livre intitulé « Un enfant est mort » dans lequel il revient sur l’Affaire al Dura. J’attends sereinement de voir quels sont ses nouveaux arguments et le cas échéant, je serai là pour les contester.



Le reportage a été tourné par un cameraman palestinien Talal Abu Rahma et commenté par Charles Enderlin qui n’était pas sur place .Complot ? Bonne ou mauvaise foi ?



Je ne peux affirmer que Charles Enderlin savait que les images diffusées qui ont été tournées par son caméraman étaient mises en scène. J’observe simplement que ce caméraman, qui travaillait aussi pour CNN, avait proposé ses images à la chaîne d’information américaine. Cette dernière, plus prudente et en tout cas plus professionnelle, a douté des images, puis a demandé des garanties d’authenticité qu’elle n’a jamais obtenues. En conséquence, elle a décidé de ne pas monter le reportage à partir des rushes envoyés par leur caméraman commun. Charles Enderlin n’a pas eu ces scrupules.
De plus, je me suis aperçu que dès le lendemain, le 1er octobre 2000, France 2 et Charles Enderlin diffusait un reportage qui était aussi clairement bidonné et qui a bien fait rire les juges de la cour d’appel de Paris en février 2008.
En tout état de cause, il n’y a pas eu de complot mais une accumulation de bidonnages, puis d’incompétences, puis de négligences de la part des soutiens successifs de Charles Enderlin.



Quels sont les dégâts qu’a fait ce reportage à travers le monde ?



Ce reportage a tout simplement embrasé le monde musulman au début du 21ème siècle.
Il a servi de détonateur à la 2nde Intifada. Ben Laden l’a utilisé dans ses clips de recrutement précédant le 11 septembre 2001. Le journaliste du Wall Street Journal Daniel Pearl a été égorgé pour venger la « mort » de Mohamed al Doura. Les pays arabes ont émis des timbres et érigé des monuments et des places à la mémoire de l’enfant.
L’image al Doura est tout simplement devenu l’icône antisémite planétaire du 21ème siècle !



Depuis 10 ans y-a-t-il eu des éléments nouveaux ?



Au départ, tout le monde a cru authentique le reportage de France 2 car personne ne pouvait imaginer que la chaîne phare de l’audiovisuel public français pouvait diffuser autre chose que des informations exactes.
La polémique a commencé lorsque certains, notamment la télévision publique allemande ARD, a émis des doutes sur l’origine des tirs qui auraient tué l’enfant.
Puis, les choses sont devenues plus claire au fil du temps, notamment à partir de la fin 2002 lorsque la Mena a fait connaitre au grand public les conclusions de l’enquête de Nahum Shahaf.
Aujourd’hui, les choses sont claires : le reportage de Charles Enderlin que France 2 a diffusé est une pure et simple mise en scène.
De très nombreuses preuves ont été découvertes au fil des années. De nouveaux documents sont apparus. Certains témoins ont été retrouvés et ont parlé.
J’ai gagné des procès, contre France 2 en 2008, et plus récemment encore contre Canal + que j’ai fait condamner pour diffamation en juin 2010. La chaîne privée avait trouvé judicieux de diffuser, en 2008, un reportage soutenant Charles Enderlin et me trainant dans la boue.
En mars 2009, la télévision publique allemande ARD a diffusé un second documentaire qui reprenait à son compte toute la démonstration de la mise en scène.
En mai 2010, Pierre-André Taguieff publiait aux PUF « La Nouvelle Propagande Anti-Juive » dans lequel il consacrait une centaine de pages à l’affaire et soutenait la démonstration de la mise en scène. Sa prise de position courageuse lui a valu un black-out total des médias sur son livre ; ce dernier ayant été boycotté par l’ensemble des médias français.
Le 12 juillet 2010, le sénateur français Jean-Pierre Plancade interrogeait le nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, en lui demandant d’enfin rétablir la vérité de l’Affaire al Dura.
Plus récemment, le magazine « Médias » de Robert Ménard m’a interviewé sur 5 pages et a publié mes réponses de façon libre et indépendante en titrant « France 2 raconte des bobards ».
Pour autant, Bernard Kouchner a fait décorer Charles Enderlin de la légion d’honneur en juillet 2009, malgré sa défaite en justice. Dans le même ordre d’idées, lorsque j’ai gagné mon procès contre France 2 et Charles Enderlin, plusieurs centaines de journalistes français et quelques personnalités égarées ont signé une pétition initiée par le Nouvel Obs, reprise par Le Monde et Marianne, m’accusant de mener « une campagne de négation ». Rien que ça !
Il reste donc du travail pour convaincre une partie l’establishment français du bidonnage. Mais la vérité est en marche. Rien, ni personne, ne pourra l’arrêter.
Il y a aussi de bonnes nouvelles très récentes pour ceux qui souhaitent que la vérité soit révélée : Patrick de Carolis et Arlette Chabot ont été remplacés.



Comment se fait-il que les Israéliens sont plutôt tièdes sur cette affaire ?



Il faudrait le leur demander.
Néanmoins, je crois qu’on peut essayer de comprendre leur erreur.
Ils n’ont avant tout pas saisi l’importance historique de cette manipulation médiatique.
Ensuite, quand ils ont pris conscience de l’importance symbolique ce cette image, ils n’ont pas compris que ces images étaient fausses.
Puis, lorsque tout cela a été compris au sommet de l’Etat, ils n’ont pas su comment gérer l’affaire.
Si vous ajoutez à cela les amitiés anciennes dont bénéficie Charles Enderlin au sein des cercles de pouvoirs israéliens, médiatiques et politiques, on comprend qu’il a été difficile de faire poindre la vérité en Israël.
Enfin, pour avoir pratiqué depuis de nombreuses années différents acteurs diplomatiques et politiques israéliens, j’observe qu’ils acceptent mal l’idée d’avoir commis tant d’erreurs et de se les faire remarquer par d’autres.



Avez-vous des soutiens en France et ailleurs dans le monde ?



Alors qu’au départ ce combat fut quasiment solitaire, je dispose de nombreux soutiens en France et dans le monde. Dans l’univers politique, médiatique et associatif.
Il a fallu travailler patiemment pour que les gens acceptent simplement de regarder les preuves. Dès que cette étape de méfiance était franchie, la bataille était gagnée puisque les choses sont clairement établies.
Pour info, dans les 4 dernières années, j’ai effectué plus d’une centaine de conférences dans le monde entier dans des endroits plus ou moins amicaux, mais aussi parfois hostiles.
Je suis passé des Etats-Unis à la Turquie, en passant par l’Inde, l’Afrique du Sud et la plupart des pays d’Europe occidentale. Eh bien, après avoir effectué ces présentations dans le monde entier, je n’ai jamais rencontré une seule personne en mesure de contrer la démonstration de la mise en scène.



Avez-vous pris contact avec la nouvelle direction de France 2 ?



Pas encore car je souhaite lui laisser prendre ses marques mais cela se fera prochainement.
M. Pflimlin semble être un homme honnête et intelligent.
Il n’y a aucune raison qu’il laisse sa présidence se dérouler avec cette épée de Damoclès au dessus de sa tête.
Je crois donc que le changement de têtes à la direction de France Télévisions sera salutaire pour la vérité.
Si la raison et la force de la démonstration ne suffisait pas à gagner ce combat, il faudra alors passer par d’autres moyens médiatiques et politiques pour faire entendre raison.
Pour mémoire, de nombreux parlementaires soutiennent ce combat pour la vérité et la démocratie en France.



Avez-vous rencontré Charles Enderlin ?



Oui, à la cour d’appel de Paris en novembre 2007 et en février 2008.
Par des amis communs, j’ai tenté d’avoir des rapports directs avec lui, non judiciarisés, pour que l’on puisse s’opposer nos arguments calmement. Il a toujours refusé cette confrontation et ce débats d’idées, images et preuves à l’appui. C’est dommage car s’il continue à s’entêter, et il semble que cela soit le cas, il s’enfoncera de plus en plus dans l’erreur.



Pourquoi avez-vous consacré 8 ans de votre vie à cette affaire ?



Cela fait 8 ans que je travaille sur ce dossier alors que je pensais qu’il allait être réglé assez rapidement.
Si cette affaire n’est toujours pas résolue, c’est parce que France 2, Charles Enderlin et leurs soutiens continuent à persister dans l’erreur, la négation des évidences et la mauvaise foi.
Il ne tient qu’à ceux qui ont fauté de corriger leur erreur et à l’admettre.
Le jour où France 2 reconnaitra avoir diffusé une mise en scène en lieu et place d’un reportage d’actualité le 30 septembre 2000, l’affaire sera résolue.
Je serai content. Tout le monde sera content et je crois même que les autres journalistes de France 2 seront soulagés de ne plus avoir cette accusation infâme de bidonnage peser sur leur entreprise.



Comment sortir de cette impasse ?



Très simplement : France 2 doit admettre son erreur.
Il faudra ensuite comprendre comment un bidonnage aussi grossier a pu perdurer aussi longtemps dans l’univers médiatique français. Comprendre comment et pourquoi la société française est si perméable à la propagande antisémite. Comprendre comment un journaliste qui bénéficiait auparavant d’une réputation honorable a pu devenir le vecteur de fausses informations telles que celles qu’il a diffusées depuis 10 ans.
Tout cela devra être analysé. Je ferai ma part du travail dans le livre que je publierai en 2011 mais le travail d’historien sera à faire par d’autres qui se pencheront sur le sujet et ses nombreuses ramifications et explications possibles.



Propos recueillis par Haim Musicant



Photo : D.R.