Tribune
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Publié le 20 Mai 2015

En hommage à Robert Wistrich, une autorité mondiale en matière de lutte contre l’antisémitisme

Nous apprenons aujourd’hui avec une grande tristesse le décès de Robert Wistrich.

Par Marc Knobel, Directeur des Etudes du CRIF
Je l’avais revu lors du Forum global contre l’antisémitisme, organisé par le ministère israélien des Affaires étrangères, à Jérusalem, des 12 au 14 mai 2015. Il m’avait semblait fatigué, vieilli et nous apprenons aujourd’hui et avec une grande tristesse le décès de Robert Wistrich. Je m’étais alors souvenu de notre rencontre, lors d’un colloque international sur l’antisémitisme à Nuremberg, dans les années 1995. Wistrich captivait (alors) son auditoire.
Né au Kazakhstan en avril 1945, Robert Wistrich était issu d’une famille qui à plusieurs reprises a fui l’antisémitisme qui sévissait dans toute l’Europe pour finalement s’établir en France. Francophone et francophile, mais aussi germanophone, il sillonnait le monde entier, infatigable était Wistrich. Infatigable.
Robert Wistrich passera une partie de ses études en France avant de gagner l’Angleterre. Il avait un côté si british, lorsqu’il parlait l’anglais... Mais surtout, Wistrich était l’une des autorités mondiales en matière d’antisémitisme. Il occupait la Chaire Neuberger d’Histoire Juive et Européenne Contemporaine, à l’Université Hébraïque de Jérusalem et il a dirigé le Centre International Vidal Sassoon d’Etude de l’Antisémitisme, Robert Wistrich y passera une partie de ses études avant de gagner l’Angleterre.
Wistrich est l'auteur et l'éditeur d’une trentaine de livres, dont plusieurs ont remporté des prix internationaux. Notons : « Le socialisme et les Juifs » (Oxford University Press, 1985), qui a reçu le prix American Jewish Committee ; « Les Juifs de Vienne à l'âge de Franz Joseph » (OUP, 1991) qui a remporté un prix autrichien ; « La haine la plus longue » (Panthéon, 1992), qui a reçu le prix HH Wingate dans le Royaume-Uni. Le livre « A Lethal Obsession: l'antisémitisme de l'Antiquité au Jihad mondial » a été honoré par les éditeurs d’une revue basée à New-York pour l'étude de l'antisémitisme…
Justement, à propos de l’antisémitisme contemporain, Wistrich disait : « L'antisémitisme change sans arrêt de forme et cela fait sa force » (Le Point, 20 juillet 2014). « Toutes les indications montrent une hausse continue et claire dans le nombre d'attaques documentées contre des juifs. » Selon lui, durant la dernière décennie, on a pu constater que des « fils » de haine contre les juifs se sont tissés et ont créé une alliance impie entre l'extrême-droite, l'extrême-gauche et l'islam fondamentaliste. « Ce qui m'a laissé l'impression la plus choquante durant cette dernière décennie, est la fusion entre l'antisémitisme classique et un nombre de courants secondaires tels que l'anti-américanisme, l'islam fondamentaliste, et la délégitimation internationale de l'état d'Israël. Il ne s'agit pas de quelque chose de nouveau, mais de l'aggravation de quelque chose d'existant. La coopération entre ces facteurs est devenue beaucoup plus claire. »
De Wistrich, le philosophe Pierre-André Taguieff, ému, dit : « ce qui m’a le plus frappé, ce fut l’immensité et la diversité de ses connaissances en la matière. »
Immensité des connaissances, sérieux et combativité. En matière d’antisémitisme, Wistrich savait et s’inquiétait à juste titre et parce qu’il savait et s’inquiétait, il a passé sa vie à combattre l’antisémitisme, méthodiquement, implacablement.
Mais, le savant fut aussi un militant.
Nous le regretterons.