Jean-Pierre Allali
10 Commandements, par Didier Nebot (*)
De « Tu ne tueras point » à « Tu respecteras le jour du sabbat » en passant par « Tu ne commettras pas d’adultère », les dix commandements constituent la trame de ce roman très agréable à lire. L’auteur nous emmène pour un passionnant voyage à travers le temps et à travers l’espace.
Dans les années 1480, son héros, David Benavista, vivait paisiblement avec sa famille, à Tolède. C’était hélas sans compter sur la folie meurtrière d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon et sur la cruauté de l’Inquisition. Toute la famille, comme les milliers de Juifs d’Espagne, y compris ceux qui s’étaient convertis, les fameux Marranes, est obligée de fuir la terre natale et la belle cité de Tolède. Sa mère et sa sœur avaient, elles, été massacrées à Valence et son père, blessé sur l’embarcation de fortune qui leur permis de fuir, n’avait pas survécu. Quant au grand-père, Lazare, trop âgé, il a choisi de finir ses jours en Espagne. Symboliquement, il mourra à l’âge de 102 ans, le 2 août 1492, jour qui marque la fin du judaïsme espagnol. David, miraculé de la mer, se retrouve en Afrique du Nord, à Cherchell, où vivent notamment des Arabes andalous exilés de Grenade. Plus tard, il s’installe à Fès où il a la joie de retrouver sa cousine Léa dont il est secrètement amoureux. Ces retrouvailles seront à l’origine de ses malheurs. En effet, Léa est promise à Bouzid Oufrani qu’elle épousera et qui lui donnera une petite fille, Yasmina. La jalousie de David sera incommensurable et fera de lui un tueur, en totale opposition avec le cinquième commandement. Dès lors, la punition divine sera sans pitié. David est condamné à payer ad vitam eternam pour son forfait. Au fil des siècles, il sera tantôt juif, tantôt musulman, tantôt chrétien ou encore copte. Il sera blanc mais aussi noir, homme et parfois femme. David le « mejnoun », deviendra Daoud, Jesùs, Dioudi , fils de Dagouda, Nessim, Lounès, Alexandre, la Musulmane tunisienne Kelila et la Juive Dina qui épousera, malgré son dégoût, le brave Pinhras Ghariani à Salonique. Il sera lépreux, marchand d’esclaves, marin, eunuque dans un harem, prostituée ou encore inquisiteur chasseur de Juifs
Et, toujours, sur sa main gauche, une tache, marque de la malédiction qui le poursuit.
Au cours des pérégrinations de son étonnant personnage, Didier Nebot nous décrit les quartiers juifs du Maroc, les mellahs, le statut infamant de la dhimma, les Falashas, Juifs d’Éthiopie, les Juifs de Lybie, les Juifs de Tunisie vers 1760 et le fameux pèlerinage de Rebbi Fradji à Testour, la conquête de l’Algérie par la France, le décret Crémieux de 1870, les Peuhls, les aventuriers européens en quête d’exotisme, l’apparition du faux Messie Sabbataï Zvi…
Très sympathique.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Erick Bonnier. Avril 2020. 504 pages. 22 €.