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Publié le 19 Novembre 2015

«Regarde-nous en face et comprends que tu ne gagneras pas»

Les jeunes répondent aux terroristes

Publié dans Libération le 18 novembre 2015

«Bien plus impressionnés par un Snapchat saturé de lolcats que par une apologie inarticulée de la guerre des civilisations», des jeunes, étudiants et actifs, engagés en politique, dans les arts, ou simplement des citoyens, vivant en France ou à l'étranger, écrivent une lettre à l'Etat islamique.

«La jeunesse, c’est une ivresse continuelle, c’est la fièvre de la raison, c’est la confiance dans la vie.» (Sacha Guitry).

«Cela fait cinq jours, et tu es toujours en première page. Tu n’as pas découvert de vaccin miracle ou mis un terme à la faim dans le monde, et pourtant, tu es toujours en couverture. Tu as pris la vie de centaines de victimes à Paris, Beyrouth ou Bagdad.

Experts et spécialistes décortiquent ta stratégie meurtrière dont, paraît-il, un des principaux volets est de s’en prendre à notre jeunesse, comme tu as pu le démontrer en attaquant simultanément ses lieux de loisir préférés : stade, café, restaurant et salle de concert. Avant que tu ne réitères tes actes lâches et pervers, laisse-nous t’assurer d’une chose : cette jeunesse que tu cherches à ébranler ne tombera pas.

«Nous ne tomberons pas, car nous avons appris à rester debout face à l’horreur. Nous avons vu les massacres endurés par nos aînés, nos amis, nos voisins : les deux tours de New York, avant Madrid et Londres, puis Charlie et l’Hyper Casher.

Nous avons compris très tôt l’importance de l’unité et du rapprochement dans la douleur. Comment ne pas céder à la tentation de la colère et de la vengeance.

Indignés, blessés, mais jamais enragés. Nous avons su puiser notre force dans la chaleur des rassemblements Place de la République et dans les queues devant les bureaux de l’EFS [l’Etablissement français du sang, qui gère les dons], dans les dessins et les commentaires de soutien relayés sur le Net, dans les monuments illuminés et les bougies allumées en hommage aux quatre coins du monde, de San Francisco jusqu’en Syrie.

Alors que tu nous avais noyés d’une pluie de balles, nous avons pris notre courage à deux mains et répondu à coups de fleurs, de bougies, de chants et de cafés pris en terrasse. Une contre-attaque si légère et si délicate que nous ne sommes même pas sûrs que ton esprit ignorant et brut ait pu mesurer l’ampleur de son impact. Crois-nous sur parole : l’amour et le soutien qui ont rejailli après tes coups infâmes sauront panser nos plaies, et creuser les tiennes.

«Nous ne tomberons pas, car ta stratégie n’est pas la bonne. Si tu avais pris la peine de lire la myriade d’articles sociologiques écrits sur nos générations Y et Z, tu aurais vite réalisé que nous sommes bien plus impressionnés par un Snapchat saturé de lolcats que par une apologie inarticulée de la guerre des civilisations.

Depuis notre naissance, nous avons connu l’omniprésente violence du monde. Face à la multiplication de ces idéologies sanguinaires, nous nous sommes construit une armure faite de scepticisme et de joie de vivre. Nous faisons tout pour sortir des schémas d’information et d’engagement politique du monde «d’avant» – ton monde.

Voilà pourquoi l’intolérance et le repli identitaire que tu nous proposes n’ont pas pris graine en janvier, et ne fleuriront pas non plus en ce mois de novembre. Certains politiciens avides de récupération médiatique te laisseront penser le contraire (nous soupçonnons leur lobe frontal d’avoir été endommagé par un éclat de shrapnel), mais sache qu’il n’en est rien : ta stratégie morbide ne nous fera pas basculer dans la folie dogmatique»... Lire l'intégralité.

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