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Publié le 21 Avril 2015

72 ans après le Soulèvement du Ghetto

Nous ne répéterons jamais assez le mot d’ordre des combattants juifs du Ghetto de Varsovie : «Nous combattons pour notre liberté et la vôtre!»
 

Par Claude Hampel, Président de la Commission du Souvenir du CRIF
Paris, le 19 avril 2015
Après les salutations d’usage, devant un parterre qui comprenait un nombre de personnalités dont la Maire de Paris,
Anne Hidalgo, les Ambassadeurs d’Israël, de Pologne, d’Allemagne, du Danemark et de Lituanie, en présence de la délégation du CRIF conduite par le Président Cukierman, des autorités de l’Etat, des représentants des cultes, des jeunes de l’Hashomer Hatzaïr et d’un nombre de survivants des Ghettos, Claude Hampel, Président de la Commission du Souvenir du CRIF a ouvert la Cérémonie commémorative :
«  La Commission du Souvenir du CRIF, créé par Henry Bulawko s’associe au Mémorial de la Shoah, que préside Eric de Rothschild, dans l’organisation de la commémoration annuelle qui rend_hommage à la lutte armée des jeunes Juifs (citoyens polonais), contre la barbarie nazie. La Commission du Souvenir du CRIF fédère, autour de l’Union des Déportés d’Auschwitz et des Filles et Fils de Déportés Juifs de France, un nombre d’organisations et institutions : le Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Amicale de Bergen-Belzen, Anciens Combattants juifs, le Farband, la Fédération, Cercle Bernard Lazare, Centre Medem-Arbeter-Ring, les EEIF, Yad Layeled, Association des Médecins juifs, Al Siete, Convoi 6, Convoi 73, Comité Tlemcen, UEJF…
Chers Amis de la Commission, je vous adresse mes affectueuses salutations pour le travail de Mémoire que vous accomplissez sans relâche et dont les jeunes générations s’inspirent.
Souvenons-nous du printemps 1943 dans une Europe, quasi entièrement occupée par les armées du IIIe Reich que le Führer voulait millénaire ; l’Europe au sein de laquelle des régimes comme celui de l’Etat français du Maréchal Pétain furent collaborationnistes : la France, disais-je, d’où, rien qu’en mars 1943 sont partis de Drancy vers les camps d’extermination de Sobibor et Majdanek des trains de déportés juifs des convois 50, 51, 52, 53. L’ouvrage récent signé par des historiens Serge Klarsfeld, Alexandre Doulut et Sandrine Labeau y apporte un nouvel éclairage.
À la question : « Dans ce continent d’histoire qu’est la Shoah, pourquoi la chronique de la vie et de la mort du Ghetto de Varsovie nous retient-elle encore » ,  l’historien Georges Bensoussan répond : Car, pour une grande part au moins, la nation juive est morte en Europe, et Varsovie fut l’épicentre de ce naufrage d’un monde, vivant de ses militants et de ses bassesses, mais il souligne à juste titre, de son héroïsme.
C’est devant l’héroïsme suprême des combattants du Soulèvement du Ghetto de Varsovie qui débuta le 19 avril 1943, à la veille de la fête de Pessah, symbole de la sortie de l’esclavage, que nous nous inclinons aujourd’hui.
Il y a 72 ans dans une partie retranchée du Ghetto de Varsovie la jeunesse juive fut réunifiée sous un commandement unique de l’Organisation Juive de Combat ; en polonais Zydowska Organizacja Bojowa. Cette dénomination sera reprise par des résistants français juifs parmi lesquels on compta de nombreux  Eclaireurs Israélites de France. Je salue le doyen Georges Loinger et Roger Fichtenberg ici présent.
Dès l’invasion de la Pologne par l’Allemagne d’Hitler, le 1er septembre 1939, des ghettos ont été créés sur son sol par l’occupant nazi dont la préoccupation majeure sera, selon la définition de l’historien Raoul Hillberg, « la destruction des Juifs d’Europe », Juifs ashkénazes et Juifs sépharades. Des centaines de ghettos, des antichambres de la mort, d’où l’évasion relevait de l’exploit, furent créés. Le processus d’extermination des Juifs mis en place à Vansee se déroulait à Auschwitz-Birkenau, Sobibor, Treblinka, Majdanek, Belzec…
Je vous invite à lire le Journal du ghetto de Varsovie du grand témoin que fut Hillel Seidman pour réaliser toute l’horreur de la politique nazie à l’égard des Juifs de Pologne.
La révolte du Ghetto de Varsovie fut la PREMIÈRE révolte urbaine en Europe ; d’autres ghettos comme celui de Vilnius en ont suivi l’exemple. Les combattants juifs étaient déterminés, mais ô combien seuls dans leur lutte ! Arthur Zygielboym, émissaire du BUND à Londres se donna la mort face à l’indifférence du monde. Aux Etats-Unis, Jan Karski, l’émissaire du gouvernement polonais en exil avait pourtant alerté le Président Roosevelt sur le danger de mort qu’encourraient des populations juives. Dans le Ghetto de Varsovie, le Président du Conseil Juif, l’ingénieur Czerniakow, refusa de céder à l’ordre des SS de leur fournir 7 000 Juifs à être déportés ; il a fait le choix du cyanure… La résistance dans les ghettos se manifestait à divers niveaux : par des publications clandestines en polonais et en yiddish ainsi qu’à travers des structures éducatives et médicales pour adultes et enfants. Rappelons le grand pédagogue Janusz Korczak, déporté par les nazis avec « ses enfants » de l’orphelinat.
En avril 1943 les jeunes juifs du Ghetto de Varsovie savent qu’ils vont mener seuls un combat sans merci contre l’oppresseur nazi et ses complices Ukrainiens, Lettons, Lituaniens, et que s’ils ne prenaient pas les armes, alors ils  manqueraient à leurs idéaux humanistes, à leur vision d’un monde fraternel, à l’attachement pour certains à l’idéal sioniste, comme ce fut le cas pour le commandant Mordekhai Anielewicz, âgé de 24 ans, membre de l’Hashomer Hatzaïr, dont je salue ici la délégation. Ils ne furent que 600 contre des unités SS pourvues de tanks, artillerie et lance-flammes. Parmi ceux qui sont sortis par les égouts se trouvait Marek Edelman qui avait pris la place de Mordekhai Anielewicz, ce jeune héros qui, assiégé dans son bunker par des SS, se donna la mort pour ne pas être fait prisonnier. Le combat de la jeunesse juive fut telle une lumière dans les ténèbres d’une Europe soumise à la barbarie.
Nous ne répéterons jamais assez le mot d’ordre des combattants juifs du Ghetto de Varsovie : « Nous combattons pour notre liberté et la vôtre ! »