Actualités
|
Publié le 22 Juin 2004

Arié Bensemhoun, Président du CRIF Midi Languedoc : « Il faut savoir occuper le terrain intelligemment… en faisant vivre le débat auprès et avec tous ceux qui y sont ouverts, dans les associations, les milieux politiques et les universitaires »

Question : Vous êtes le Président d’une importante délégation régionale (du CRIF), celle du Midi-Languedoc. En quoi cette délégation se distingue-t-elle selon vous ? Et comment expliquez-vous que les Juifs Toulousains notamment soient si actifs ?



Réponse : La particularité du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées dans la qualité des hommes et des femmes qui y participent, issus de tous les milieux de la communauté et mu par un esprit de participation dans l’unité, le respect mutuel et le sens de l’intérêt général. La communauté juive de Toulouse est un exemple. Le peuple juif a besoin de débat mais il doit être capable de trouver des consensus de rassemblement pour faire face aux défis du moment. Le fait d’avoir une structure solidaire permet d’être plus efficace dans l’action car notre énergie n’est pas neutralisée par les conflits de personnes et la recherche des honneurs et du pouvoir qui sont à l’origine de bien des conflits. La communauté est mobilisée, les dirigeants communautaires sont dynamiques, coordonnées et agissent en synergie les uns avec les autres. Cela se traduit par un nombre très important de manifestations qui réunissent des publics variés.

Question : De très nombreuses activités se tiennent à Toulouse et monopolisent toutes les synergies. Pourriez-vous nous résumer quelques actions phares ?

Réponse :
Très concrètement nous avons la chance de disposer d’un espace de vie tout simplement extraordinaire avec l’Espace du Judaïsme, un centre de 3000 m2 entièrement tourné vers l’activité et qui permet à toutes les institutions de vivre et d’œuvrer sous le même toit. C’est à la fois un avantage et un défi permanent qui oblige à vivre la communauté autrement sur le mode de la convivialité et de la complémentarité et par sur celui du conflit.

Il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait au moins une grande manifestation qui réunisse de 300 à 700 personnes. Par exemple, les journées de la culture juive ; La grande journée de la solidarité (10 jours de programmation culturelle dans et hors de l’EDJ) dans le cadre de la tsédaka (plus de 3000 personnes au Zenith de Toulouse le 17 décembre dernier) ; les grands gala de l’AUJF (650 personnes au Centre de congres Pierre Baudis) ; du CRIF (750 convives au dîner avec Nicolas Sarkozy) ; des écoles juives (450 personnes pour le Gan Rachi avec Chirel) ; Plus de 300 personnes au voyage de solidarité en Israël ; le Forum Israël Diaspora organisé depuis 5 ans par le CRIF… pour ne citer que quelques manifestations phares.

Question : Des échanges constants et des liens uniques se développent entre Israël et votre région. Pourriez-vous nous donner quelques exemples?

Réponse :
Le jumelage Toulouse Tel-Aviv occupe une place importante dans les relations que la communauté entretient avec la Cité. Nous avons fêté en 2002 et en Présence de Ron Houldai, Maire De tel-Aviv, accompagné d’une importante délégation de décideurs économiques, le 40ème anniversaire de ce jumelage. Ce fut l’occasion également de créer la Chambre de Commerce France Israël pour la Région de Toulouse et de Midi-Pyrénées. Comme l’avaient fait Dominique Baudis et Philippe Douste-Blazy avant lui, le nouveau Maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc effectuera son premier déplacement hors de Toulouse en se rendant en Israël du 2 au 4 juillet prochain. C’est une tradition bien ancrée qui traduit l’attachement de la ville à l’Etat d’Israël, mais aussi l’influence de la communauté. Notre engagement aux cotés d’Israël a d’ailleurs été consacré par la visite d’Etat du Président Katsav qui a choisi Toulouse pour son étape régionale. Grandiose !

Question : Mais, n’y a-t-il donc pas de problèmes?

Réponse :
Certes, si nous sommes mieux lotis qu’ailleurs, la vie n’est pourtant pas qu’un long fleuve tranquille. L’antisémitisme ne nous épargne pas et nous avons notre lot d’insultes, de menaces et d’agressions. Le tout est entretenu par une extrême gauche très antisioniste avec notamment le groupe des motivé-es et les associations de « solidarité avec les Palestiniens ».

Il faut savoir occuper le terrain intelligemment sans être dans la réaction permanente, sans se laisser dicter sa conduite par leurs provocations, mais en faisant vivre le débat auprès et avec tous ceux qui y sont ouverts, dans les associations, les milieux politiques et universitaires… ce n’est pas une tâche facile, il y a toujours un risque de confrontation qu’il faut à tout pris minimiser. Cela nécessite une gestion chirurgicale des problèmes… mais nous ne nous défendons pas trop mal.

Question : La vie politique est très intense dans le Sud Ouest. Que dites vous à vos interlocuteurs et quel accueil recevez-vous ?

Réponse :
L’accueil est très bon et nous entretenons avec l’ensemble des responsables politiques toutes tendances confondues d’excellents rapports . Nous utilisons beaucoup la radio qui permet de valoriser et intensifier les échanges avec la communauté ; Nous recevons, notamment lors des périodes électorales l’ensemble des responsables et candidats politiques. Nous organisons également tout au long de l’année des réunions de travail et de réflexion ainsi que des petits-déjeuners. La communauté étant perçu comme une structure puissante et cohérente nous n’en avons que plus de crédibilité et donc le niveau des échanges s’en trouve d’autant plus renforcé et élevé.

Question : Qu’en est-il du dialogue judéo-chrétien et du dialogue que vous entretenez avec les musulmans de la région ?

Réponse :
C’est une question importante dans laquelle nous sommes très engagés. Les amitiés Judéo-chrétiennes ont d’ailleurs leur siège à l’Espace Du Judaïsme et y tiennent régulièrement leurs réunions.

Nous venons d’accueillir à Toulouse le Congrès National de l’Amitié Judéo-Chrétienne. Le Président de cette association (bureau régional) Henri Planet est un homme extraordinaire, notre coopération n’en est que plus profitable et féconde.

S’agissant des Musulmans, c’est différent et plus récent. Les contacts existent bien sur, mais les rencontres et les possibilités de dialogue sont plus restreints. Problème de leadership, mais aussi difficulté à trouver des interlocuteurs qui ont le courage de se positionner différemment. Mais bon, il faut continuer à chercher des pistes, ce à quoi nous nous employons.

Question : Votre plus grand projet à venir ?

Réponse :
Le plus difficile, c’est de toujours faire mieux. C’est un petit peu le moteur de notre motivation. Nous préparons un énorme projet autour de la mémoire de la Shoah sous la forme de la création d’un centre d’étude et de recherche qui aura vocation a nouer des partenariats à l’échelle de la région pour donner au combat qui est loin d’être gagné sur la mémoire une toute autre dimension pédagogique.

Le plus important est quand même de maintenir le niveau et la qualité des manifestations qui font la richesse de la vie communautaire à Toulouse et c’est déjà en soit un énorme challenge car il faut jongler avec les moyens qui ne sont pas illimités et les très nombreuses sollicitations. L’équilibre est toujours difficile à trouver, mais de cette réussite dépend en grande partie la pérennité de la communauté.

Propos recueillis par Marc Knobel