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Publié le 9 Avril 2010

Arie Bensemhoun, membre du bureau exécutif du CRIF : «mener ensemble une campagne contre la délégitimation d’Israël»

Vous rentrez des Etats-Unis où vous venez de participer avec une mission du CRIF, à la réunion annuelle de l’AIPAC, le lobby américain pro-israélien. Qu’avez-vous retenu de cette conférence ?




Comme beaucoup je pensais connaître le judaïsme américain et la puissance des organisations juives. Je me suis rendu compte à l'occasion de cette mission que la réalité est bien au delà de ce que je pensais ou croyais savoir. Vous l'avez compris j'ai été très impressionné par la conférence de l'AIPAC qui réunissait à Washington près de 10000 militants venus des quatre coins des Etats Unis. Nous ne sommes pas habitués en France à ce type de manifestations. La capacité de mobilisation, d'organisation, mais aussi les moyens techniques et logistiques sont très impressionnant. La convention qui a duré trois jours était réglée comme un show calé au millimètre près. L'image, le son, la présence de nombreux invités, témoins ou responsables politiques de premier plan, la diversité des thèmes abordés ont fait de cette rencontre un moment unique.



Mais il n'y a pas que la forme il y a aussi le fond. Le judaïsme américain en général et l'AIPAC en particulier ce n'est pas que la superproduction événementielle c'est aussi une extraordinaire efficacité politique et c'est finalement ce que nous avons d'abord retenu. L'AIPAC produit des contenus de grande qualité grâce à ses think tank, ses professionnels et ses méthodes de management qui créent les conditions de la mobilisation de tous les talents que compte la communauté.



Nous avons donc beaucoup appris et nous ramenons beaucoup d'enseignement que nous allons essayer d'adapter en France. Enfin, nous en avions conscience amis nous en sommes aujourd'hui convaincu, la principale menace à laquelle le peuple juif est aujourd'hui confronté est la diffamation et la délégitimation d'Israël qui se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale.



L'heure est venue de faire de cette question la priorité de notre action. Depuis l'AIPAC, c'est une évidence et une urgence.



Ou en sont les relations entre Washington et Jérusalem ? Faut-il parler de crise ?



Barak Obama n'est pas Georges Bush et l'administration américaine n'a pas aujourd'hui les mêmes priorités. Hilary Clinton, la secrétaire d'Etat qui a fait une brillante intervention à la convention de l'AIPAC a eu beau rappelé que la relation entre les USA et Israël est :" Solide comme le roc, intangible et pour toujours" personne n'est dupe du malaise qui existe entre l'administration de Barak Obama et le gouvernement de Benyamin Netanyahu.



Le Président Obama veut réussir le désengagement de l'Irak, terminer la guerre en Afghanistan si possible par une victoire claire sur les Talibans et empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Pour parvenir à cet objectif ambitieux il a besoin d'envoyer un message fort au monde arabo-musulman en faisant de la question israélo palestinienne la priorité de son action diplomatique. Il veut des résultats rapidement et exerce de fortes pressions sur Israël pour obtenir des concessions avant même que ne s'ouvrent les négociations directes entre Israéliens et palestiniens. Ce faisant il accède aux demandes de Mahmoud Abbas. Inacceptable pour le gouvernement israélien.



C'est dans ce contexte que Benjamin Netanyahu a rencontré Barak Obama au lendemain de son intervention devant l'AIPAC où il était apparu tendu. Visiblement la rencontre n'a pas été une partie de plaisir pour le premier ministre israélien et Barak Obama a ostensiblement montré sa mauvaise humeur.



Alors, si la tension est réelle peut on parler de crise. Les leaders du Judaïsme américain qui ont connu sous Carter ou avec Georges Bush père des situations compliquées, nous sont apparus très inquiets. Pour eux la crise est sérieuse.



Comment réagissent les juifs américains qui ont voté en majorité pour Obama ?



Traditionnellement les Juifs américains votent massivement démocrate et Obama a suscité un véritable engouement en recueillant 77% des suffrages. Aujourd'hui les avis sont partagés. Il y a ceux qui se sentent trahis et il y a ceux qui continuent à faire confiance au Président. Ceux qui sont convaincus que sa politique de la main tendue est perçue comme un aveu de faiblesse et se retournera contre l'Amérique et ses alliés, et ceux qui pensent qu'Obama a un plan et que le moment venue il saura manœuvrer pour contraindre l'Iran à renoncer à l'arme nucléaire.



Disons aussi que tous les américains n'ont pas la même idée de ce que doit être la solidarité avec Israël. Il apparaît évident qu'un grand nombre de juifs américains sont prêts à faire confiance à Obama. La question qui est posée est jusqu'ou ? Comment réagiront les Juifs américains si les pressions sur Israël deviennent trop fortes ? Difficile à dire. L'émergence de Jstreet qui se présente comme une alternative à l'AIPAC et qui soutient l'action de Barak Obama qui souhaite forcer un peu la main des israéliens est un indicateur intéressant. La popularité de JStreet permettra sans doute de mesurer l'état de l'opinion juive dans les mois qui viennent.



Un AIPAC est-il possible en France ?



L'AIPAC est officiellement le principal lobby pro-israélien aux Etats Unis. Il a pignon sur rue et dans la culture américaine cela ne choque personne. Impensable en France sous cette forme. Le modèle n'est pas importable mais nous pouvons nous inspirer de certaines méthodes de travail et mettre en place de vrais coopération notamment sur les actions à mener pour contrer la campagne planétaire de délégitimation d'Israël et reconstruire une image positive de l'histoire du peuple juif.



Vous avez rencontré d’autres organisations dont J Street ? Que vous ont dit ses responsables ?



J Street, mais aussi AJC, ADL, WJC, et la conférence des Présidents. A Chaque fois l'accueil de la délégation du CRIF a été très chaleureux et attentif. Faits relativement nouveau l'ensemble de ces organisations sont demandeuses de plus de coopération avec le CRIF. Nous avons convenu d'intensifier nos échanges et de coordonner nos efforts pour mener ensemble la campagne dont je parle plus haut pour lutter contre la délégitimation et le boycott d'Israël.



Photo (Arie Bensemhoun) : D.R.
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