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Publié le 25 Août 2010

Benyamin Netanyahou et les sceptiques, par Bernard Guetta

Leur unanimité est telle qu’elle en devient trompeuse. Quand les sceptiques affirment que la reprise de pourparlers directs entre Israéliens et Palestiniens ne pourra mener à rien, lorsqu’ils le disent dans un concert international d’évidences lasses, on doit leur opposer les quatre faits qu’ils ont le tort d’oublier.




Le premier est que les régimes arabes, Israël et les Occidentaux sont toujours plus unis par leur crainte commune que les islamistes n’étendent leur influence et que l’Iran n’affirme son poids régional en accédant à la bombe atomique et en s’appuyant sur les chiites irakiens. Contrairement aux capitales arabes, à l’Europe et aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, n’est nullement convaincu que le meilleur moyen de contrer l’islam radical serait de reconnaître un Etat palestinien. Ce front n’est pas homogène mais, s’il permettait à Benyamin Nétanyahou d’obtenir que les Palestiniens ne se dotent pas d’une armée, renoncent à toute alliance militaire et laissent Israël camper à leur frontière jordanienne, il pourrait accepter de reconnaître leur Etat, avec des échanges de territoires mais dans les frontières de 1967.



Le deuxième fait qu’oublient les sceptiques est que, si les accords d’Oslo n’ont pas permis la paix, ils ont changé la donne. Responsables israéliens et palestiniens n’ont jamais cessé de se parler depuis dix-sept ans. Il y a une Autorité palestinienne en Cisjordanie, un pouvoir islamiste à Gaza, et les Israéliens ne songent pas à revenir sur cet état de fait par un retour à la pleine occupation des Territoires car ils en connaissent le prix. Non seulement ils achèveraient d’y affaiblir leur armée en la réduisant à une force de police, mais ils inscriraient, surtout, leur Etat dans un ensemble binational où ils deviendraient vite minoritaires. Les Israéliens ont si bien intégré ces deux dangers qu’Ariel Sharon avait rompu avec la droite pour organiser une «séparation» unilatérale entre Israël et les Palestiniens, qu’il y a quatorze mois que Benyamin Nétanyahou a fait accepter l’idée d’un Etat palestinien par le Likoud et qu’il ne reste ainsi plus une seule grande formation politique en Israël pour en refuser le principe.



Le troisième fait est que la Syrie prend assez au sérieux la possibilité d’un accord pour avoir demandé à la France de relancer ses négociations indirectes avec Israël.



Quant au quatrième, il est que le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a si bien réussi à consolider l’économie et l’administration cisjordaniennes que la proclamation unilatérale d’un Etat palestinien deviendra possible sous un an, que cet Etat pourrait, alors, être admis à l’ONU et que cette seule hypothèse exerce une pression sur les Israéliens.



Rien de tout cela ne garantit rien. Il n’est, bien sûr, pas certain que Benjamin Nétanyahou ait raison de dire que ces pourparlers «surprendront les sceptiques». La plus grande probabilité est, au contraire, qu’ils échouent puisque les Palestiniens s’en retireront si le gel de la colonisation israélienne n’est pas prolongé au-delà de son échéance du 26 septembre ; que les Israéliens entendent commencer par parler des garanties de sécurité que leur donnerait un Etat palestinien alors que les Palestiniens veulent, d’abord, parvenir à un accord sur les frontières de leur futur Etat ; que les batailles de procédure pourraient donc durer jusqu’à cette date du 26 septembre où tout risque de se briser et que ce n’est pas tout.



Plusieurs des partis de la coalition gouvernementale israélienne, la plus à droite que ce pays n’ait jamais connue, sont hostiles à toute concession. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, n’a plus guère de légitimité puisqu’il ne représente plus Gaza et que son mandat est arrivé à terme sans que de nouvelles élections n’aient pu être organisées. Ses marges de manœuvre sont aussi limitées que celles de Benyamin Nétanyahou et, pire que tout, aucun de ces deux peuples ne regarde aujourd’hui la paix comme une urgente nécessité.



Les Palestiniens voient bien que l’image d’Israël ne cesse de se détériorer en Occident, que ses divisions s’accentuent, que sa jeunesse n’a plus la flamme des bâtisseurs et que son armée n’est plus ce qu’elle fut. Cela conforte une détermination palestinienne tandis que les Israéliens préfèrent encore l’incertitude présente à la possibilité que les islamistes ne s’emparent de la Cisjordanie comme ils l’avaient fait de Gaza après qu’Ariel Sharon l’eut évacuée.



Tout menace ces pourparlers mais, outre qu’ils ne tombent pas du ciel et que leur échec n’est pas écrit, l’heure n’est plus au statu quo. S’il n’est pas bouleversé par la paix, il le sera par nouveau conflit, une proclamation de l’Etat palestinien ou les deux.



Article publié dans Libération du 25 août 2010



Photo : D.R.