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Publié le 11 Avril 2008

Danielle Obadia : «Etablir un vrai dialogue c’est sortir de l’ethnocentrisme»

La 13e conférence européenne du Conseil international des femmes juives s’est déroulée à Bruxelles du 16 au 19 mars 2008 en présence de sa présidente mondiale, Eliah Aharonov. Danielle Obadia, la déléguée du CIFJ à l’Unesco et membre du Comité directeur du CRIF, qui faisait partie de la délégation française, répond aux questions de la newsletter du CRIF.


Quel était l’objectif de cette conférence ?
Cette conférence s’inscrit dans une démarche de formation et de promotion de projets interculturels des différents pays qui étaient représentés à Bruxelles. 124 femmes, venues de toute l’Europe, des Etats-Unis et d’Israël, étaient réunies dans la capitale belge.
Ce fut une occasion de faire un voyage culturel dans l’espace et dans le temps et de prendre surtout conscience des nombreux problèmes rencontrés par des groupes de femmes. En effet, les valeurs auxquelles nous sommes attachées, comme la démocratie et l’ouverture, sont confrontées à des réalités différentes.
Comment était organisée cette rencontre ? Quels étaient les intervenants ?
La conférence était organisée sous forme de tables rondes et d’ateliers. Des intervenants de haut niveau étaient présents parmi lesquels Thomas Gergely, professeur à l’Université libre de Bruxelles et directeur de l’institut des études du judaïsme, Gabriela Battaini-Dragoni, directrice générale de l’éducation et coordinatrice du dialogue interculturel au Conseil de l’Europe, ou encore Janine Elkouby, présidente du GLIF.
Le recours aux ateliers en petit groupe a mis en lumière les aspects de la diversité au sein d’un même milieu intra culturel. La réflexion intra personnelle a favorisé un temps de pause, une ouverture à la rencontre de l’autre et un échange surprenant et fertile entre des femmes juives d’horizons différents.
La notion de liberté est-elle différente entre les différents pays européens ?
L’Europe est en formation. Elle sera multiculturelle et inclusive. Mais comment y parvenir ?
Déjà, dans différents pays, l’égalité entre hommes et femmes n’est pas respectée. Les droits de l’homme sont bafoués. Aussi, pour nous, l’instauration des droits de l’homme est un impératif catégorique et l’égalité entre hommes et femmes est apparue comme un fondement non négociable.
Quels rôles peuvent jouer les femmes dans l’édification de la paix ?
On reconnaît aux femmes quelques talents. Elles sont les reproductrices de la culture ; elles transmettent les valeurs ; elles sont, parait-il, mieux, équipées que les hommes pour être des leaders dans le dialogue. Le problème c’est qu’elles sont absentes du débat central et on les empêche de prendre des décisions.
Les femmes doivent s’intégrer dans toutes les phases de l’édification de la paix. Elles ont fort à faire car elles doivent encore lutter contre les formes de violence, les discriminations et le retour du fondamentalisme.
Comment peut-on intégrer les femmes dans une telle société ?
Il y a des obstacles réels. Certaines femmes sont prises entre la fidélité de leurs valeurs collectives familiales et le désir d’être partie prenante dans la nouvelle société. Le deuxième obstacle est la peur devant la liberté qui fait perdre ses repères. Enfin, le repli sur soi. L’identité de chacune peut être méprisée ou contestée par les plus anciennes
Il faut que les femmes luttent contre ces préjugés et qu’elles sortent précisément de toutes ces contraintes.
Vous estimez que nous allons vers « une société multiculturelle ». Quel est l’outil fondamental pour construire une Europe qui réponde à cette perspective ?
On va revenir à ce fameux outil qu’on appelle le dialogue. Il ne s’agit pas d’un dialogue galvaudé mais d’un vrai dialogue. Etablir un vrai dialogue c’est sortir de l’ethnocentrisme pour accéder à l’altérité de l’autre. L’ethnocentrisme engendre une fermeture. Le passage par l’autre et l’appréhension de sa spécificité conduisent à l’ouverture et favorisent des allers-retours féconds. La diversité culturelle est un plus. Il ne faut pas en avoir peur. Il y a beaucoup plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous différencient.
Pour pouvoir converser réellement, il faut échanger dans la durée, parler de ce qui fait mal, et échapper à l’illusion de s’être comprise.