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Publié le 23 Décembre 2011

Egypte : Pourquoi l'armée cède-t-elle à la violence ?

Depuis le samedi 17 décembre 2011, des regards inquiets sont braqués sur la capitale égyptienne. Le Caire est le théâtre d'affrontements sans précédent depuis la chute d'Hosni Moubarak, le 11 février dernier, entre forces de l'ordre et manifestants qui réclament la démission des militaires au pouvoir. La violence, filmée par les caméras du monde entier, est chaque jour un peu plus forte. Le tabassage d'une jeune femme, notamment, cette semaine, a suscité l'émoi et la crainte d'une escalade de plus en plus meurtrière.



Passages à tabac, gaz lacrymogènes, tirs à balles réelles, tortures, harcèlements sexuels… L'usage excessif de la force par les forces de police et l'armée fait craindre pour certains une contre-révolution et donnent l'impression que le Conseil militaire serre la vis. On est bien loin des images du début du soulèvement, où révolutionnaires de la place Tahrir et militaires étaient main dans la main pour demander le départ d'Hosni Moubarak, bien loin de ces clichés où les manifestants dormaient à l'ombre des tanks. L'armée avait alors conquis ses lettres de noblesses. Auréolée, elle avait acquis sa légitimité pour conduire la transition démocratique.



Et puis, il y a eu ce déchaînement contre une manifestation de coptes le 10 octobre 2011. Des images déjà violentes, signes avant-coureurs d'un pas en arrière dans le processus révolutionnaire. Comme au temps du régime autoritaire, l'armée a agité le chiffon rouge de "l'ingérence étrangère". Aujourd'hui le chef du Conseil suprême des forces armées, le général Tantaoui, est l'homme à faire descendre du trône. Il a remplacé sur les banderoles le visage de l'ancien raïs, accusé de semer le chaos. Que s'est-il passé ? D'où vient cette crispation militaire?



Une armée de privilèges



L'armée en Egypte est plus qu'une institution. C'est une corporation très privilégiée, très présente dans le secteur économique notamment, dont elle détient près de 30%. Son rôle dans la société est rarement critiqué. De Nasser à Hosni Moubarak, tous les présidents égyptiens furent des officiers.



Avec les élections législatives post-électorales, devinant la percée des partis islamistes, les militaires ont sans doute craint pour leurs privilèges et ont préféré assurer leurs arrières. "L'enjeu des élections législatives pour les militaires est de pouvoir quitter le pouvoir en ayant leurs statuts préservés", explique le directeur de recherche, spécialiste de l'Egypte, au CNRS, Jean-Noël Ferrié. Dans le même temps, l'armée assure être la garante de la transition démocratique, comme un double discours pour rester maître des changements éventuels. "La priorité pour l'armée c'est de rétablir l'ordre et de trouver un accord avec les Frères musulmans pour bénéficier d'une position privilégiée, pas nécessairement politiquement. Elle veut SURTOUT éviter les chasses aux sorcières", analyse Jean-Noël Ferrié.



La violence pour mater les soubresauts révolutionnaires



La reprise en main de la révolution par l'armée se manifeste alors dans la violence. Déjà, à peine la chute d'Hosni Moubarak actée, elle a tenté de faire taire les bloggeurs et autre empêcheurs de tourner rond. Les prisonniers politiques jugés arbitrairement par des tribunaux militaires remplissent les geôles du pays. L'armée passe aujourd'hui à la vitesse supérieure, même si "la violence a toujours été en Egypte le mode normal de répression des manifestations", rappelle Jean-Noël Ferrié. "La différence c'est qu'aujourd'hui elle est médiatisée" ? AJOUT6T6IL.



Le vent tourne sur la place Tahrir. Les manifestants sont quand même moins nombreux et une partie de la population s'en est depuis longtemps détournée, lasse de la violence. "L'armée veut liquider ce qui reste de l'agitation", estime Jean-Noël Ferrié. "En fait en ce moment, nous n'assistons pas à une montée de la violence, mais au spectacle d'une armée qui estime qu'elle a les moyens de se débarrasser des agitateurs et qui n'a aucune raison de baisser la garde".



Photo : D.R.



Source : Le nouvel Observateur




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