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Publié le 7 Novembre 2011

L'ancien vice-président syrien:«Bachar El-Assad finira comme Kadhafi»

L'ancien vice-président syrien vient compliquer le paysage de l'opposition syrienne. Recevant dans son luxueux hôtel particulier de l'avenue Foch, gardé par deux policiers en gilets pare-balles, Abdel Halim Khaddam, 73 ans, lance une OPA sur l'opposition à Bachar el-Assad, tout en refusant tout poste pour lui-même. Sortant de la réserve observée depuis son installation en France en 2005, l'ex-deuxième personnage de l'État se pose en rassembleur: «J'appelle tout le monde à rejoindre notre comité, pour unifier l'opposition et créer une atmosphère propice à une transition la plus paisible possible.»




Abdel Halim Khaddam doit annoncer aujourd'hui la création du Comité national de soutien à la révolution syrienne (CNSRS) dont les 60 membres, issus pour la plupart de la société civile, souvent expatriés, étaient réunis ce week-end à Paris dans un grand hôtel des Champs-Élysées. Ce comité se pose en rival direct du Conseil national syrien, (CNS) fondé le 1er octobre à Istanbul, et qui réunit diverses tendances de l'opposition. Ce que nie Abdelhalim Khaddam. «Ils ne sont pas représentatifs. Le CNS, c'est les Frères musulmans et quelques indépendants», accuse-t-il.



L'ancien dirigeant a-t-il agi par dépit de ne pas avoir été approché par le CNS, qui voit surtout en lui un cacique historique du régime? Il le dit en filigrane: «Nous, nous sommes contre la marginalisation et l'exclusion. Personne ne peut prétendre représenter le peuple avant la chute du régime et l'organisation d'élections.» Mais Abdel Halim Khaddam nie vouloir prendre lui-même la tête du nouveau mouvement qui ne constitue pas, selon lui, un embryon de gouvernement : «Son nom le dit bien, c'est un comité qui doit soutenir les courageux révolutionnaires. Les options politiques s'exprimeront après la victoire, dans les élections.» Selon M. Khaddam, tous les opposants devraient y adhérer, y compris les membres du CNS.



La possibilité d'un coup d'État



Le comité a toutefois un programme. Là où le CNS hésite, Khaddam souhaite explicitement «une intervention militaire occidentale comme en Libye», expliquant: «La communauté internationale ne peut plus considérer les événements comme une crise interne», dit Khaddam. Il demande aussi au peuple de «prendre les armes, car la voie pacifique a échoué». Quant aux militaires, «j'appelle tous les officiers à prendre leurs responsabilités patriotiques et à s'organiser afin de participer à la chute du régime».



Envisageant la possibilité d'un coup d'État «par un groupe de militaires», Abdel Halim Khaddam se défend d'encourager la guerre civile: «C'est une guerre du régime contre le peuple. L'armée est devenue une armée d'occupation.»



C'est la première fois que l'ancien vice-président s'exprime aussi clairement depuis sa défection en 2005. Il avait alors dénoncé la dictature syrienne sur la chaîne saoudienne al-Arabiya. On l'avait moins entendu par la suite. Le gouvernement français ne tenait pas à le voir troubler son rapprochement historique avec Bachar el-Assad. L'exilé s'était trouvé petit à petit marginalisé.



Les temps ont changé. La lune de miel de la France avec el-Assad a tourné court. Khaddam a pu organiser son congrès en plein Paris. Même évolution chez les Saoudiens, qui l'avaient un peu délaissé pour se rapprocher d'el-Assad, dans l'espoir de détacher le président syrien de son alliance avec l'Iran.



Vendredi 4 novembre, Abdel Halim Khaddam a entamé sur al-Arabiya une série d'émissions autobiographiques intitulée «Mes mémoires politiques». Selon certains gouvernements arabes, la présence d'un homme comme Khaddam dans la transition rassurerait les militaires, pour qui les dirigeants de l'opposition sont des inconnus. Lui-même «regrette» d'avoir participé au régime, tout en se défendant d'avoir joué un rôle dans la répression: «J'ai fait carrière dans les affaires étrangères.» Sunnite comme la majorité des Syriens, il était tenu à l'écart de la sécurité, confiée au premier cercle du pouvoir, membre de la minorité alaouite.



Abdel Halim Khaddam plaide aujourd'hui pour l'unité nationale : «Nous demandons que les criminels soient jugés, mais que l'on ne reproduise pas les erreurs de l'Irak. On ne pourra exclure deux millions de membres du parti Baas. J'appelle aussi à éviter toute vengeance contre la communauté alaouite.» Il souhaite que le président el-Assad soit jugé, mais il lui prédit un autre sort. «Il menace la Syrie et le monde entier d'embrasement. Cela ne vous rappelle rien? Il est devenu fou comme Kadhafi, et il finira comme lui.»




La ligue arabe prévoit une nouvelle réunion sur la Syrie



La ligue arabe tiendra une nouvelle réunion sur la Syrie, le 12 novembre, «en raison de la poursuite de la violence, le gouvernement syrien n'ayant pas respecté ses engagements à appliquer le plan arabe pour une sortie de crise».



Le régime de Bachar el-Assad avait donné, mercredi, son accord à un plan prévoyant un arrêt total des violences, la libération des personnes arrêtées, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation des observateurs et médias, avant l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition. Depuis, les forces syriennes ont fait une soixantaine de morts, dont au moins 12, hier, après les prières de la grande fête musulmane de l'Aïd el-Kébir. En France, le chef de la diplomatie, Alain Juppé, a déclaré qu'il n'y avait «plus rien à attendre» du régime, qui «ne s'engagera pas dans un programme de réformes».



Photo (Abdel Halim Khaddam) : D.R.



Source : le Figaro du 7 novembre 2011
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