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Publié le 26 Août 2010

«L'antisémitisme en 2010 est pire qu'en 1910» – Une interview de Prof. Wistrich de l'Université Hébraïque de Jérusalem

Le professeur Robert S. Wistrich, directeur du Centre International pour la Recherche sur l'Antisémitisme au nom de Vidal Sassoon à l'Université Hébraïque, et auteur d'un livre récemment publié à ce sujet et intitulé « Obsession Compulsive: L'Antisémitisme », considère que le monde devient de jour en jour plus dangereux pour les juifs.




"L'antisémitisme change sans arrêt de forme et cela fait sa force", explique-t-il. " Toutes les indications montrent une hausse continue et claire dans le nombre d'attaques documentées contre des juifs." Wistrich affirme que durant la dernière décennie, on a pu constater que des "fils" de haine contre les juifs se sont tissés et ont créé une alliance impie entre l'extrême-droite, l'extrême-gauche et l'islam fondamentaliste. "Ce qui m'a laissé l'impression la plus choquante durant cette dernière décennie est la fusion entre l'antisémitisme classique et un nombre de courants secondaires tels que l'anti-américanisme, l'islam fondamentaliste, et la délégitimation internationale de l'état d'Israël. Il ne s'agit pas de quelque chose de nouveau, mais de l'aggravation de quelque chose d'existant. La coopération entre ces facteurs est devenue beaucoup plus claire."



"En comparaison avec ce que nous avons vécu ces dix dernières années, l'année 1910 était un paradis", dit-il sans aucune hésitation. "Il y a eu un potentiel grave d'antisémitisme en 1910, mais les juifs vivaient alors dans un environnement relativement stable. Comme le disait Stefan Zweig, c'était une ère où régnait un sentiment de sécurité." Le cas sortant de l'ordinaire à cette période fut la Russie tzariste; ce grand bastion de l'antisémitisme, où les juifs furent forcés de vivre sous la discrimination institutionnelle dans le cadre des limitations de résidence et où ils furent victimes de pogromes périodiques. L'antisémitisme en 1910 en Russie était pire que celui de nos jours, avoue-t-il – mais cela n'est pas de même pour les pays occidentaux. "Aujourd'hui, même dans les sociétés les plus développées et les plus démocratiques, les juifs ne se sentent pas dans une situation confortable", dit-il. "La véritable différence est que l'antisémitisme d'aujourd'hui n'est pas moins fréquent qu'en 1910, cependant l'Etat d'Israël fournit un puissant bouclier et un facteur de dissuasion. Mais la dissuasion n'est pas parfaite et l'Etat d'Israël représente en lui-même un facteur d'encouragement de l'antisémitisme."



"Il y a un ressentiment commun contre Israël et l'Amérique, qui provient le plus souvent de la pensée antisémite. Il s'agit d'une situation qui existait déjà dans les années 70 – 80, et qui a pris de l'importance suite à la révolution islamique. Nous sommes les témoins d'un assaut qui est en fait contre l'Occident, alors qu'Israël et les juifs servent d'objectif de substitution de cette attaque." Wistrich nie être pessimiste. Il préfère se définir en tant que "prudent optimiste". De manière ironique, le seul espoir du combat contre l'antisémitisme est dans les mains des élites. Dans le passé, celles-ci détestaient les juifs arrogants et avaient peur d'eux, mais de nos jours, elles comprennent leurs erreurs passées. "C'est le signal de l'éveil tardif d'une partie des élites politiques en ce qui concerne l'antisémitisme", dit-il. "Il y a plusieurs voix minoritaires dans le monde arabe. Il s'agit aujourd'hui de voix sans conséquence mais elles ne le resteront pas pour toujours. Pour cela, un effort long et concentré sera nécessaire. Mais il faut commencer quelque part."



Photo (le professeur Robert S. Wistrich) : D.R.




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