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Publié le 2 Novembre 2011

La Commission d’Etudes Politiques a reçu Dominique Moisi pour parler des relations entre Israël, l’Autorité Palestinienne et les Nations Unies, le 21 septembre 2011

Présentation de Dominique Moisi




Dominique MOISI, né en 1946, est un politologue et géopoliticien français. Il est conseiller spécial de l’IFRI (Institut français de relations internationales), après en avoir été le directeur adjoint. Il a enseigné à l’université d’Harvard et au Collège d’Europe.
Il est le fils de Jules Moisi, ancien déporté et survivant d’Auschwitz.
Spécialistes des relations internationales et du Moyen-Orient, il est l’auteur de plusieurs ouvrages et a publié Géopolitique de l’émotion chez Flammarion. Il est également l’auteur des livres « Un Juif improbable », « Les cartes de la France à l’heure de la mondialisation » et « Le nouveau Continent : plaidoyer pour une Europe renaissante ».
Intervention de Dominique Moisi



1/ Le vote à l’ONU d’un Etat Palestinien



A l'aube de la demande « unilatérale » controversée de la création d'un état palestinien à l'ONU, le chef de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui représente les palestiniens dont le Hamas, se dit prêt à écouter toute proposition susceptible de relancer les pourparlers de paix avec Israël. Pour Dominique Moisi, le vote à l’ONU constitue un marchandage. En effet, depuis l’élection de Netanyahu, Abbas a refusé la négociation avec Israël. Son prétexte principal a été la poursuite des constructions des implantations dans les territoires occupés. Paradoxalement, lorsque le gouvernement de Netanyahu finit par accéder aux exigences de M. Abbas, ce dernier continua de boycotter les négociations sous prétexte que le gel des implantations ne s’appliquait pas à Jérusalem.



Selon Dominique Moisi, on ne sait pas quand aura lieu un vote à l’ONU et surtout s’il y aura un vote aux Nations Unies. Il s’agit de convaincre Mahmoud Abbas de reprendre les négociations. La France défend cette position contre l’existence d’un véto américain qui constituerait une impasse diplomatique. Il n’est pas sûr qu’il y ait la majorité des 9 membres du Conseil de sécurité qui se prononce pour une résolution reconnaissant un Etat palestinien. (Car il faut neuf voix pour adopter une résolution et pas de véto.)



Le président français Nicolas Sarkozy a proposé une solution de compromis aux palestiniens un « rang intermédiaire » avec le statut « d’Etat observateur à l’ONU».



Alors que Mahmoud Abbas a négocié avec le gouvernement d’Ehud Olmert sans exiger préalablement le gel des constructions, aujourd’hui, face à l'impasse des négociations de paix avec Israël, et fort d'un regain de popularité après sa démarche historique à l'ONU l'Autorité palestinienne entend demander la reconnaissance d'un Etat sur les lignes de juin 1967 en réponse à l'appel du Quartette (Etats-Unis, Union Européenne, Russie et ONU).



En évoquant les lignes de 1967, Mahmoud Abbas affirme que le futur Etat palestinien devra comprendre la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire leur capitale. M. Netanyahu a rejeté à de multiples reprises ces exigences.



Pour DOMINIQUE MOISI, l’Autorité Palestinienne veut faire comme Israël. Plus encore, il s’agit d’obtenir comme pour Israël en 1947 un vote à L’ONU. En effet, le Conseil de sécurité se compose de 15 membres dont 5 permanents, Chine, Etats-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume Uni. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix. Les décisions de procédure sont prises par un vote affirmatif de 9 au moins des 15 membres. DOMINIQUE MOISI a souligné que la France ne peut voter pour la création d’un Etat palestinien. Elle s’abstiendra.



Paradoxalement, à Gaza, il y a un désintérêt vis-à-vis du vote. C’est le progrès économique qui compte.



Pour Dominique Moisi, il faut identifier le contexte politique régional et mondial dans lequel se situe le débat sur le statut de la Palestine. Le nœud du problème réside dans la rencontre entre deux calendriers contradictoires. De ce point de vue, en se référant à une « géopolitique des émotions », il ressort que rien n’a changé depuis 1948. En effet, il y a deux peuples malades : d’une part, un peuple dominé par l’humiliation, le peuple palestinien, et d’autre part, un peuple dominé par le passé de la shoah : Israël.



2/ Les révolutions arabes



Pour Dominique Moisi, il y a un mélange d’espoir et de peur vis-à-vis des révolutions arabes. Désormais, sur un plan tactique, les révolutions arabes ont modifié le panorama.



Il existe à la fois, un processus révolutionnaire dans le monde arabe, en référence à la révolution française, à la chute de la Bastille. Les pays arabes savent que les despotes ne sont pas éternels. Il s’agit d’une révolution désormais plus éthique que politique, qui lutte contre la corruption.



Sur le plan mondial, on assiste à un passage d’un monde occidental vers un monde post occidental.



Israël va devoir agir en sachant que les autres Etats n’auront plus de remords à son égard.



3/ La place d’Israël et des juifs dans le monde



Selon Dominique Moisi, le monde juif représente « l’erreur statistique » dans la population chinoise. Dans cette optique, les monothéismes deviendront minoritaires et les polythéismes deviendront majoritaires. Dans la mesure où l’environnement va changer profondément, Israël a besoin de se projeter dans le temps pour comprendre où est la force.



Dominique Moisi a souligné l’importance de la Chine, qui fait un retour vers le passé. Dans l’histoire de la Chine il y a 3 hommes qui ont compté : Marx, Einstein (bombe atomique) et Kissinger (diplomatie), 3 juifs.



La société civile israélienne a une énergie extraordinaire qui lui permet de gagner des batailles tactiques mais cependant Israël perd des batailles sur le plan stratégique à l’instar de certains pays occidentaux (France, Etats unis) en perdant du terrain.



4/ Les négociations



Quels sont les éléments qui devraient figurer dans les concessions dans le cadre de négociations avec l’Autorité palestinienne?



Pour Dominique Moisi, la base des négociations serait les frontières de 1967. Il s’agirait d’une base et non pas les frontières en tant que telles. Lorsque Dominique Moisi a présidé la partie secrète des négociations d’Oslo qui portaient sur Jérusalem, il a souligné qu’il y avait une complicité entre les négociateurs. La 2ème intifada a été une tragédie pour les négociations. L’histoire a évolué mais, pour Dominique Moisi il ne faut pas y renoncer.



Il faut revenir à la table des négociations. L’adversaire n’est pas là pour faire des cadeaux. Il faut créer une dynamique dont ils soient prisonniers eux-mêmes. Israël doit faire des concessions moyennant des conditions équivalentes. Le problème est qu’aujourd’hui, la politique étrangère est kidnappée par la politique intérieure. C’est le cas aux Etats-Unis, en Europe et en Israël. Pour Dominique Moisi, Il faut une vision à long terme, alors que beaucoup d’israéliens ont une vision dominée par d’autres critères. Dominique Moisi a souligné que dès 1973, un général de l’armée israélienne est arrivé à la conclusion qu’à long terme la sécurité d’Israël passait par la création d’un Etat palestinien. Il y a en effet un débat stratégique qu’on ne voit pas.



La ligne du gouvernement Netanyahu est une ligne sincère de défense d’Israël. Le Hezbollah au Liban comme le Hamas à Gaza ne sont pas prêts à relancer une 3ème intifada. Ce qui pourrait se produire serait des manifestations non violentes contre Israël. La marge de manœuvre des palestiniens est très étroite. La négociation est rendue complexe par l’existence d’une entité non contrôlée par l’autorité palestinienne par rapport à une entité contrôlée.



Dominique Moisi note que le statut quo actuel profite à l’ambigüité. L’opposition israélienne étant faible, les israéliens disent lors des manifestations : « nous aimerions vivre une vie normale » et sommes donc prêts à faire des efforts en matière de sécurité. Les opérations de police ont affaiblie les opérations militaires en Israël.



Pour Dominique Moisi, politiquement, l’arrêt des implantations est important.



Il y a 200 millions arabes qui entourent 6 Millions de juifs. Dès lors, Israël ne peut pas se permettre une réflexion émotionnelle. En outre, l’opinion internationale voit le mur séparer des villages arabes.



Selon Dominique Moisi, la question de Jérusalem est fondamentale. La paix ou la non-paix se fera à Jérusalem. La force des négociations sera de pouvoir dire que Jérusalem sera la capitale des 2 Etats. C’est important car Jérusalem est au cœur des émotions. Sur Jérusalem, il existe des territoires proches de Jérusalem qui pourraient revenir aux palestiniens.



Dominique Moisi souligne qu’il y a des divisions importantes chez les palestiniens. Le problème est qu’il n’y a pas d’alternative. Israël a besoin d’alliés et la position actuelle d’Israël l’enferme davantage. D’après les sondages actuels, il n’est pas sûr que le Hamas l’emporte à nouveau. Pourtant deux faits nouveaux sont notés : d’une part un retour de la prospérité dans les territoires occupés, d’autre part une fatigue sur ce qui n’est pas réglé.



Si Itzhak Rabin était encore là, la paix aurait été probablement possible.



5/ Barak Obama



Pour Barak Obama, la colonisation doit s’arrêter. Dominique Moisi a célébré la victoire d’Obama peut être de manière excessive, notamment au regard de deux aspects. D’une part en considérant Obama comme un « transformational president » c’est-à-dire un président qui transforme alors qu’il n’a été qu’un « transactional président » c’est-à-dire un président qui transige. D’autre part Barak Obama n’a pas su faire face aux difficultés économiques en l’occurrence le chômage.



Question : Barak Obama pourra il être le soutien d’Israël comme attendu ?



Le monde juif représente 3% de l’électorat américain. En 2008, le monde juif a voté à 80% pour Obama. Le vote juif est proche du vote afro américain.



Photo : Erez Lichtfeld