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Publié le 23 Septembre 2011

Le pari incertain de Nicolas Sarkozy au Proche-Orient

Fidèle à sa tactique du coup d'éclat diplomatique, Nicolas Sarkozy a proposé mercredi une feuille de route pour régler le conflit israélo-palestinien mais le pari est incertain.




Son succès dépend de la bonne volonté des principaux protagonistes, qui est loin d'être acquise, comme le reconnaissent implicitement l'entourage du président français et son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé.



Ce pari est d'abord d'éviter que le président palestinien Mahmoud Abbas, dont la demande de reconnaissance d'un Etat par le Conseil de sécurité de l'Onu est vouée à l'échec pour cause de veto américain, ne rentre les mains vides à Ramallah, avec le risque que cela déclenche une vague de violence.



La France juge improbable que les Etats-Unis, la Russie, l'Onu et l'Union européenne (le "Quartet") s'accordent dans les prochains jours, après des mois de débats infructueux, sur une déclaration susceptible de relancer le processus de paix.



Nicolas Sarkozy a donc pris de court ses partenaires européens en présentant à l'Assemblée générale de l'Onu une feuille de route proche des propositions élaborées par Cathy Ashton, patronne de la diplomatie européenne - "Nous nous inspirons de toutes les bonnes idées", confirme Alain Juppé.



Le président français propose que Mahmoud Abbas reparte de New York avec la perspective que l'Assemblée générale octroie à la Palestine le statut intermédiaire d'Etat observateur.



Il a en outre donné un mois aux protagonistes de ce conflit de plus de 60 ans pour reprendre les négociations, six pour s'accorder sur les frontières du futur Etat palestinien et les questions de sécurité, un an pour un accord définitif.



"PAS DE RACCOURCI POSSIBLE"



Après un entretien entre Nicolas Sarkozy et Benjamin Netanyahu, Alain Juppé s'est borné à dire que le Premier ministre israélien avait "pris acte" de ces propositions - ce qui, en langage diplomatique, est synonyme de désaccord.



"Avec Netanyahu il y a eu une conversation très longue très animée, très franche", précise un conseiller de Nicolas Sarkozy, selon qui elle n'a cependant "pas été négative".



Le Premier ministre israélien, qui doit s'exprimer vendredi à la tribune de l'Onu, comme Mahmoud Abbas, rejette toute idée de reconnaissance par l'Onu, à ce stade d'un Etat palestinien, eût-il le simple statut d'observateur, comme le Vatican.



Le président américain, Barack Obama, a pour sa part confirmé à l'Onu, son opposition à la démarche du président palestinien - "Il n'y pas de raccourci possible", a-t-il dit.



L'entourage de Nicolas Sarkozy admet des "nuances tactiques" avec Washington mais veut croire que la France et les Etats-Unis partagent le "même objectif stratégique" - une reprise sans délai des négociations de paix.



L'Elysée estime également que Barack Obama peut juger "utile", en cas de blocage des discussions du Quartet, que les Européens "jouent leur carte" avec l'initiative française.



Le président français cherche depuis longtemps, mais jusqu'ici en vain, à contrebalancer le poids des Etats-Unis.



Il a de nouveau plaidé mercredi pour un changement de "méthode" : "Il faut arrêter de croire qu'un seul pays, fut-il le plus grand, ou qu'un petit groupe de pays peuvent résoudre un problème d'une telle complexité. Trop d'acteurs majeurs sont laissés de côté pour pouvoir aboutir."



L'EUROPE RESTE DIVISÉE



"Une approche collective est devenue indispensable", a ajouté Nicolas Sarkozy, qui a de nouveau plaidé pour une implication accrue de l'Europe, de tous les membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu et des pays arabes.



Toutefois, l'UE n'est toujours pas parvenue à une position commune, ce qui réduit singulièrement son pouvoir d'influence.



"Il y a aujourd'hui des différence d'appréciation au sein de l'UE", reconnaît Alain Juppé. L'Elysée espère cependant que les principaux pays européens parviendront à constituer une "masse critique" suffisante pour peser sur les débats.



Dans ce contexte incertain, la France mise sur deux éléments de contexte nouveaux : les "printemps arabes" et l'isolement croissant d'Israël dans la région.



Nicolas Sarkozy agite l'effet dévastateur qu'aurait selon lui, sur les opinions arabes, un veto du Conseil de sécurité



"En plus des tensions qu'il a déjà avec l'Egypte, des difficultés qu'il a avec la Turquie, Benjamin Netanyahu risque d'avoir les territoires palestiniens fortement secoués par des manifestations qui peuvent déraper", dit-on aussi à l'Elysée.



Nicolas Sarkozy a en revanche souhaité que les protagonistes renoncent à tout préalable à la table des négociations -allusion notamment au gel des colonies israéliennes exigé par les Palestiniens- et a assuré Israël que la France serait "immédiatement et totalement" à ses côtés si quiconque menaçait son existence.



Reste à savoir quelle sera l'attitude des dirigeants palestiniens. Leurs premières réactions à l'initiative française sont jugées "prudemment positives" par l'Elysée.



Alain Juppé se dit pour sa part persuadé que Mahmoud Abbas fera "ce qu'il a annoncé, c'est-à-dire saisir le secrétaire général des Nations unies d'une demande d'inscription à l'ordre du jour du Conseil de sécurité de l'acceptation de la Palestine comme Etat membre de l'Onu".



La présidence française juge cependant possible de mettre à profit les quelques semaines qui s'écouleront entre le dépôt de cette demande et son inscription à l'ordre du jour du Conseil pour tenter de débloquer les négociations.



"Ensuite on verra s'il faut passer au vote", ajoute-t-on de même source. "S'il y a une reprise des négociations, il n'est pas sûr que les Palestiniens demanderont un vote immédiat."



Photo : D.R.


Source : Reuters
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