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Publié le 15 Juillet 2010

Le visage pur de la France que nous avons aimé et défendu par-dessus-tout. Albert Camus. (1)

Jean-Louis Crémieux, dit Crémieux-Brilhac est né le 22 janvier 1917 à Colombes.



Originaire d’une famille juive établie depuis cinq siècles sur le sol français, à Narbonne, il est admissible à l’agrégation d’histoire lorsque la guerre éclate. Il est alors mobilisé à Saint Cyr l’Ecole comme élève officier de réserve avec le grade d’aspirant, et participe aux combats de la Campagne de France dans l’infanterie avant d’être fait prisonnier de guerre le 11 juin 1940. Nous avons demandé à Jean-Louis Crémieux-Brilhac de nous livrer ses souvenirs du 18 juin 1940, lui qui par la suite, a rejoint le général De Gaulle à Londres :



« 18 juin 1940, un des pires jours de la défaite. Aspirant d’infanterie commandant une section de soldats bretons, nous avions été faits prisonniers après nous être efforcés d’interdire aux Allemands le passage de la Marne, épuisés par des journées et des nuits de marches et de contre-marches en retraite, sans appui d’artillerie ni d’aviation contre eux dont les avions en piqué nous poursuivaient…



Le 15 ou le 16 juin, à Beauraing, en Belgique, dans un immense camp de regroupements de prisonniers, j’avais appris, je ne sais pas comment, d’abord la chute de Paris, puis le projet d’union franco-britannique et j’en avais ressenti un grand espoir. Puis tout était retombé. On savait que le maréchal Pétain avait demandé les conditions d’un armistice. Que pouvait-on faire d’autre ? Nous n’imaginions pas qu’il pût être possible de continuer la lutte outre-mer, nous n’en avions même pas l’idée à l’esprit. De l’appel du général de Gaulle nous n’avons rien su. C’est seulement en juillet, à l’OFLAG 2D, en Poméranie, que le petit journal de propagande que les Allemands éditaient pour les officiers prisonniers, « Le Trait d’union ( !) » nous apprit que ce général félon prétendait follement poursuivre aux côtés des Anglais une guerre perdue.



Le 18 juin, si je me souviens bien, nous avons débarqué d’un train à Coblence et traversé la ville sous le regard silencieux et grave des passants alignés le long des trottoirs.
Pas d’animosité, pas non plus d’exaltation…



Mon souvenir suivant me conduit à l’OFLAG où nous avons dû arriver le 21. Un camp entouré de haies de barbelés de trois mètres et divisé en trois blocs, regroupant chacun 2 000 officiers. De chaque côté de l’entrée du camp étaient installés des hauts parleurs qui chaque jour, à midi, débitaient les nouvelles du jour en allemand. Le 23 juin à midi, nous étions donc une centaine près des hauts parleurs. Après une sonnerie éclatante de trompettes, le communiqué annonça que l’armistice franco-allemand avait été signé la veille au soir. Et j’entendis autour de moi s’élever un « Ah ! » de satisfaction, ou peut-être plus simplement de lâche soulagement, comme après les accords de Munich. Puis la radio annonça que l’armistice signé n’entrerait en vigueur qu’après la signature d’un armistice entre la France et l’Italie. Et cette fois, ce fut un « Oh ! » de réprobation et même de colère…



J’étais bien convaincu, moi aussi, que l’armistice était inévitable, mais, pour la première fois de ma vie, j’ai éprouvé un sentiment de honte, de honte pour les autres, et, en même temps, une impression d’affreuse solitude perdu au milieu de ce groupe d’officiers tous plus âgés et plus gradés que moi.



Est-ce ce souvenir qui m’a inspiré la décision de m’évader lorsque je compris, en septembre, que la guerre se poursuivrait et risquait de durer longtemps, très longtemps pour nous derrière les barbelés, puisque les clauses de l’armistice stipulaient que les prisonniers de guerre resteraient en captivité jusqu’à la conclusion du traité de paix.



Je me suis évadé au Jour de l’an 1941, j’ai pu, après bien des péripéties, rejoindre l’Angleterre et signer mon engagement dans les Forces Françaises Libres en septembre 1941.
L’appel proprement dit du 18 Juin, je ne l’ai découvert qu’au printemps 1942. Il n’y avait pas eu besoin d’en connaître le texte pour savoir… »
Engagé dans les Forces Françaises Libres sous le pseudonyme de Brilhac, il ajoute : « Après avoir nagé dans un confusionnisme profond, rencontrer De Gaulle, c’était vraiment comme découvrir une boussole, retrouver la clarté, la rectitude. Parce qu’il disait le vrai et qu’il se battait, nous l’avons suivi avec passion. »



Le 14 juillet, Jean-Louis Crémieux Brilhac, Compagnon de la Libération, historien, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la Résistance, a été élevé à la dignité de Grand Officier de la légion d’honneur.



Aux grands hommes, la patrie reconnaissante…




(1)Editoriaux et articles d’Albert Camus, 1944-1947 Revue Combat



Propos recueillis par Stéphanie Dassa
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