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Publié le 23 Novembre 2011

Les territoires perdus de la république dix ans après

A l'occasion de son salon du livre, le 13 novembre 2011, le B’nai B’rith parisien a invité trois des contributeurs de l'ouvrage d'Emmanuel Brenner "Les territoires perdus de la république"; il s'agissait d'en dégager l'actualité 10 ans après.




Edwige Elkaïm présidente de la commission "Femmes dans la cité" du CRIF, et membre de Perec a situé d'emblée le sujet sur son terrain politique montrant la virulence des propos et des actes... Irène Saya représentant l'association "pour une école républicaine et citoyenne" issue du livre, a montré que par delà le conflit civilisationnel dont les faits de racisme antisémitisme et sexisme sont souvent une expression, il convient de saisir la désintégration d'un langage destiné à masquer les conflits. Par peur d'affronter directement une idéologie de la mort on choisira des mots édulcorés comme "incivilités" "quartiers sensibles" "choc des communautarismes" ; cette dernière formule permet de reporter sur le conflit du Proche orient, mis en exergue dans les écoles par des militants, l'origine de tous les échecs, celui de l'école en particulier. On dénie, en les laissant prospérer, un antisémitisme un racisme et un sexisme qui s'expriment sur l'ensemble du territoire d'une république en danger. La laïcité perd son sens lorsqu'elle est revendiquée par un parti politique d'inspiration maurassienne ou de femmes enfoulardées mises en avant d'un combat qui a su utiliser, jusqu'à les envoyer à la mort, des enfants endoctrinés.



Barbara Lefebvre en républicaine convaincue et convaincante a mis l'accent sur la nécessité de préserver l'école de ces exigences anti laïques. Ayant étudié les efforts réels de l'institution pour lutter contre les discriminations elle insiste sur le nécessaire retrait des exigences religieuses de toute origine afin de préserver la cohabitation entre enfants; les professeurs se croient parfois autorisés à désignés les enfants qui sont placés à des tables différents dans les cantines au nom d'une appartenance décrétée.



Iannis Roder insiste sur son engagement dans la formation des professeurs d'histoire Le nazisme plus encore que la Shoah, dit il, doit être analysé dans sa complexité car il irrigue encore les sociétés qui n'ont pas voulu regarder en face la catastrophe qui s'était produite sur le continent. Il évoque dans l'exemple concret d'un élève de son collège disant à propos de Blum "qu'il meure" cette obsession de la mort des Juifs qui prospère dans des esprits enrégimentés; il sera difficile de déraciner ces certitudes tant que les professeurs (et les proviseurs) ne voudront pas s'interroger sur le sens de telles paroles: un appel au meurtre, dit justement Iannis Roder. La télévision elle même est complice des confusions. On l'a entendu récemment: si Hitler a voulu détruire le monde c'est (peut être...) pour masquer des origines juives possibles. Le lendemain, sans entendre le "peut être", les élèves de Iannis Roder interpellaient leur professeur: "Monsieur Hitler il était juif». Enseigner l'histoire est une chose, savoir qui reçoit cet enseignement, à partir de quels préjugés bien ancrés, en est une autre. Contrairement à ce qu'affirme Benoît Falaize dans le dernier numéro spécial de Marianne; il ne s'agit pas de laisser les enfants "dire des âneries" mais de former les professeurs désarmés par ces comportements.



Or depuis 10 ans, même si ces propos se sont enkystés au point qu'on a fini par les minimiser, rien n'a été fait dit encore Iannis Roder. Certains responsables ont conscience de cette dégradation sans oser la dénoncer ouvertement Sur cette démission, l'extrémisme s'avance, masqué ou plus ouvertement selon les circonstances, allant jusqu'à revendiquer le combat laïque (rénové...) abandonné au nom de l'ouverture et du vivre ensemble .Le débat avec la salle bien que bref a permis de montrer que les professeurs sont souvent seuls lorsqu'il s'agit de les affronter dans l'espoir de ne pas laisser les enfants s'en imprégner dès le plus jeune âge.



Il conviendrait que les professeurs en activité se préoccupent de ces situations refoulées : le reportage d'Envoyé spécial du 4 novembre a montré le calvaire d'une enfant de huit ans, adoptée et d'origine



africaine, persécutée pour ces raisons comme disent les témoignages tardifs; personne n'avait su aider malgré les appels au secours qu'elle avait envoyés par écrit . Elle en est morte et l'affaire a été classée sans suite.
Photo : D.R.