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Publié le 18 Novembre 2010

Marek Halter : «La culture contre le racisme»

En 1996, de la présence de Marek Halter à la Fête du livre était née la polémique. Jean-Marie Le Chevallier, alors maire Front National, avait jugé « non opportun » l'hommage rendu à cet écrivain juif, grand défenseur des droits de l'homme et cofondateur de SOS racisme. Quatorze ans après, Marek Halter revient à Toulon pour la sortie de son dernier livre « Histoires du peuple juif » (1).




Quels sont vos souvenirs de la Fête du livre 1996 ?



Ce fut un choc comme si je me heurtais à un mur. Pour la première fois, on ne voulait plus de moi. Dans mon enfance, après avoir connu deux systèmes totalitaires (le nazisme et le communisme, Ndlr), j'ai appris le français en même temps que la liberté. Dans mes premières années en France, j'ai vécu cette liberté pleinement. Je pouvais tout dire, même des bêtises, sans être puni, ni être enfermé dans un camp ou un goulag (enfant, Marek Halter a vécu dans le ghetto de Varsovie, Ndlr). Cet épisode a sali ma liberté, ça m'a fait mal.



Votre présence n'était pas souhaitable, de l'avis de la municipalité de l'époque, à cause de votre « vision du monde internationaliste ». Revendiquez-vous cette vision ?



J'oppose l'internationalisme au monde mondialisé que l'on connaît. Une vision internationaliste, c'est essayer d'obtenir les mêmes droits pour tout le monde. J'aurais aimé que tous les syndicats du monde organisent la cinquième internationale pour réguler les salaires et porter les mêmes revendications au nom de la solidarité, un mot que j'affectionne contrairement à la charité. L'Homme évoluant dans l'angoisse perpétuelle de la mort, il ne peut vivre sans espoir. C'est en cherchant cet espoir que sont nées les religions et les religions laïques qui, elles, se sont effondrées en créant un vide. Des extrémismes tentent de remplir ce vide par la violence, sans aucun projet de reconstruction.



Lutter contre le racisme, prôner l'amitié entre les peuples, est-ce encore suspect, comme cela pouvait l'être, il y a 15 ans à Toulon ?



Oui car le racisme est un phénomène particulier. Je le crois inhérent à l'Homme. Nous avons peur de tout ce qui ne nous ressemble pas. Accepter un autre différent, c'est déjà faire preuve d'une grande culture, car c'est le savoir qui nous guérit du racisme, s'opposant à l'obscurantisme qui aiguise notre haine de l'autre. Lutter contre le racisme est un combat quotidien, sans début, ni fin. Il est important qu'il y ait des gens pour mener ce combat, sans lesquels on se dévorerait vivant.



Les extrémismes ne cessent de monter en Europe. Quel refuge pense-t-on y trouver ? Le monde est-il si malade qu'on invoque un traitement de choc ?



Quand on est perdu, on peut être attiré par les extrêmes donnant l'impression de résoudre vos problèmes, ici et maintenant, par des traitements définitifs. Affaiblis, les hommes ne sont plus immunisés contre ces pandémies qui ont provoqué des millions de morts, qu'elles portent le drapeau noir ou rouge. Je fais confiance au pouvoir du verbe : parler droit dans les yeux à son assassin, c'est déjà écarter l'arme du crime. C'est pour ça qu'on bande les yeux du condamné, pour que son regard ne croise pas la conscience du bourreau. Et on a fait un mur à Varsovie pour que nos voisins catholiques ne nous voient pas mourir…



Vous citez la réflexion de Job : « Nous sommes nés d'hier et nous ne savons rien ». L'Homme peut-il oublier les pires moments de son histoire ?



Heureusement que nous oublions ou sinon comment pourrait-on vivre, aimer, faire des enfants après tout le mal qui a été fait ? Il est bon de se créer des points de repère. Je trouve formidable que les Juifs ont décidé d'un seul jour dans l'année pour commémorer la somme des persécutions dont ils ont été victimes. Le souvenir doit servir d'enseignement ou il n'est rien. Les livres ont, eux, un rôle touchant à l'universel.



Pourquoi avoir eu recours aux illustrations dans « Histoires du peuple juif », votre 21e livre ?



Dans mes conversations, je me heurte souvent à trois questions : C'est quoi d'être juif ? Pourquoi les Juifs fascinent-ils ? Pourquoi ne les aime-t-on pas ? Pour y répondre, le mieux est de raconter leur histoire. Associer les grands peintres, non-juifs, qui se sont penchés sur cette histoire (180 reproductions d'oeuvres à commencer par le Moïse de Michel-Ange), c'est faire la preuve qu'il s'agit d'une histoire universelle…



(1)Paru aux éditions Arthaud. L'auteur rencontrera son public dimanche à 14 heures, dans la salle de conférence de la Fête du livre.



Propos Recueillis Par Sylvain Mouhot. Article publié sur www.toulon.maville.com, mercredi 17 novembre 2010



Photo : D.R
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