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Publié le 14 Décembre 2011

Medvedev marginalisé par la contestation

Le président russe tente d'exister face à la révolte, focalisée sur le premier ministre, Vladimir Poutine.
Naguère chouchou des Occidentaux, Dmitri Medvedev a perdu, en un temps éclair, tout son poids politique. Les sondages, qui lui accordaient en novembre une cote de popularité égale à 62%, n'ont pas mesuré son récent discrédit. Mais, dans le pays, celui-ci est partout palpable. En dépit des accusations de fraudes aux élections législatives, sur lesquelles il a promis d'enquêter, le président russe a ordonné mardi à la nouvelle Douma, tout juste sortie des urnes, de «commencer à travailler». «Tout le monde, loin de là, n'est pas d'accord avec les résultats des élections, mais c'est toujours comme ça», a ajouté le chef de l'État, lors d'une réception avec les quatre principaux partis.



Sur les chaînes de télévision fédérales, Medvedev reste omniprésent. Mais, samedi 10 décembre 2011 dernier, Entre 25.000 et 50.000 personnes manifestent à Moscou pour contester la victoire du parti de Vladimir Poutine aux législatives, une mobilisation sans précédent contre le pouvoir. Une quinzaine de camions des forces de l'ordre étaient présents devant la place alors que des centaines d'autres étaient déployés dans différents endroits du centre de Moscou. Un des leaders de l'opposition libérale, l'ancien ministre Boris Nemtsov, a souligné devant la presse que la mobilisation avait lieu "dans 90 villes de Russie".



"Ils ont trompé le peuple russe"



"Le pouvoir actuel ne sait pas se comporter dignement. Ils ne connaissent que le cynisme. Les dizaines de milliers de personnes qui se rassemblent aujourd'hui ne se laissent pas faire quand Poutine et (le chef de la commission électorale) Tchourov leur volent 12 millions de voix", a-t-il dit."Ils ont trompé le peuple russe", a encore déclaré Boris Nemtsov. «Le président ne se comporte plus comme le garant de la Constitution, mais comme le leader d'un parti qui s'est fabriqué des voix», dénonce le député Guennadi Goudkov, élu du parti Russie juste, naguère soutien du Kremlin. Déclaration inimaginable il y a seulement deux semaines, un responsable communiste, Sergueï Oboukov, a qualifié le président de «numéro un des escrocs et des voleurs», en référence au surnom donné à Russie unie.



L'abcès de la Libye



Selon les observateurs, la chute de Dmitri Medvedev s'est enclenchée le 24 septembre, lorsque ce dernier, qui avait longtemps caressé des ambitions présidentielles, a consenti à devenir le simple premier ministre du prochain président, Vladimir Poutine. Il a déçu ses supporteurs, qui voyaient en lui un démocrate soucieux de promouvoir des idées libérales. En acceptant de diriger la liste de Russie unie aux législatives, il s'est lié les mains à un parti qui souffrait déjà de discrédit, accusé de surcroît aujourd'hui, d'avoir organisé des fraudes. «Désormais, les opposants à Medvedev sont partout, y compris au sein du gouvernement», affirme Igor Bounine, directeur du Centre des technologies politiques. Les libéraux lui reprochent d'avoir basculé dans le clan de la vieille garde néosoviétique. Les leaders des siloviki («faucons»), comme le vice-premier ministre Igor Setchine, ont fait du «libéral» Medvedev, «leur principal ennemi», ajoute le politologue, voyant en lui le principal responsable des désordres actuels. Enfin, Vladimir Poutine ne lui aurait jamais pardonné de ne pas avoir opposé son veto à l'intervention militaire occidentale en Libye. Ce fut le point d'orgue de la rivalité feutrée entre les deux hommes, contraignant Medvedev à renoncer à un second mandat.



Une puissance mondiale



Selon les kremlinologues, une nomination de Medvedev au poste de premier ministre, au printemps 2012, pourrait être compromise. Seul problème, rappelle Igor Bounine, «les deux hommes avaient passé un accord entre eux, qu'il sera très difficile de rompre».



Interrogée par Le Figaro, une source officielle au Kremlin balaie les soupçons de faiblesse qui pèsent sur le chef de l'État: «Dmitri Medvedev travaille, il reste le président de la Russie, qui est une puissance mondiale. Si les critiques sont constructives, nous les prenons en compte. Tout le reste, c'est du vent.»



Photo : D.R.



Sources : le Figaro du 14 décembre 2011 ; le Nouvel Observateur