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Publié le 3 Mai 2011

«Montrer aux Israéliens que la France n'a pas compté que des collabos»

A l'occasion de la journée de commémoration de la Shoah, la fondation France-Israël organise pour les descendants des "Justes" une rencontre avec ceux qui ont été sauvés par leurs parents. Vendredi 29 avril 2011 dernier, Nicole Guedj, la présidente de la fondation, répondait aux questions des internautes :



 
Combien de Justes y a t-il en France?
 
3158 Justes parmi les Nations ont été recensés et reconnus par le comité français de Yad Vashem. Il y en a beaucoup d'autres qui n'ont jamais cherché ni même souhaité être mis à l'honneur. On ne parle que très rarement de cette époque dans les familles de Justes. Ils considèrent avoir seulement rempli leur devoir. D'autres encore ont payé de leur vie leurs actes héroïques et n'ont de fait pu être reconnus. 
 
N'avez-vous pas l'impression, avec votre Fondation, de défendre un gouvernement, … qui est aux antipodes des valeurs défendues par les Justes ou, même, les premiers sionistes?
 
Je ne partage pas le parti pris que sous-tend cette question. Bien au contraire, au même titre que la Fondation France Israël a pour vocation de mieux faire connaître la France et son histoire aux Israéliens, elle veut également montrer le vrai visage d'Israël aux Français. Celui d'un petit pays qui compte le plus grand nombre de start-up par habitant, qui jouit de la plus forte densité d'ingénieurs au monde. C'est en Israël qu'ont été inventés la clé USB, la boite vocale, la messagerie instantanée ou encore la caméra à ingérer... Dans le domaine de la santé, les Israéliens ont mis sur pied un exosquelette permettant aux paraplégiques de retrouver l'usage de leurs jambes. Les jeunes chercheurs du Technion, Israel Institute of Technology, ont quant à eux annoncé la sortie imminente d'un "nez électronique", capable de "flairer" les cancers à un stade précoce. Le chef de l'État d'Israël et en même temps un de ses pionniers, Shimon Peres, met avec le gouvernement israélien tout en oeuvre pour tourner ce pays vers le futur et vers la paix. Je concède que cette mission est longue et semée d'embûches. Tous les Israéliens en attendent l'issue.  
 
En quoi des initiatives comme la vôtre peuvent aider à la paix au Proche-Orient? Ou n'est-ce pas une de vos préoccupations?
 
De façon générale, toutes actions destinées à défendre des valeurs et à rappeler les mérites héroïques de ceux qui se sont opposés à la barbarie nazie contribuent à encourager la paix. Il n'est pas une seule de mes initiatives qui ne cherche pas, de près ou de loin, à favoriser le rapprochement des peuples. C'est un credo, c'est une de vie, c'est une philosophie de vie.  
 
C'est je crois le 2e voyage que vous organisez? Quelles leçons avez-vous tiré du premier?
 
Je garde un souvenir inoubliable de ce voyage. Les jeunes générations ont besoin de repères et d'espoir. En permettant à des descendants de Justes parmi les Nations de se rendre pour la première fois en Israël, de rencontrer des rescapés sauvés par leurs grands-parents, de découvrir leur nom sur les murs de Yad Vashem. Nous avons partagé une émotion indicible et eu le sentiment d'oeuvrer ensemble pour un avenir meilleur.
 
Un survivant de "l'holocauste rose" vient d'être décoré récemment. C'est une première. Qu'en pensez-vous? Et font-ils partie de votre combat?
 
J'ai appris cette belle nouvelle avec beaucoup d'émotion, heureuse de surcroît que ce soit Jean-Luc Romero, auquel j'ai personnellement décerné, en son temps, la légion d'honneur qui remette cette décoration à Rudolf Graza. A une époque (pourtant très récente) où beaucoup détournaient encore le regard de ces victimes au "triangle rose", je m'étais inclinée, parmi les premiers, devant le Mémorial qui leur est consacré. Ceci pour la mémoire. Mais hélas, le combat des homosexuels pour la reconnaissance de leurs droits et contre les discriminations continues. Je suis, à leurs côtés, une militante très engagée.
 
Pourquoi associer les cérémonies de commémoration de la Shoah à Israël?
 
Les survivants de la Shoah sont partout dans le monde! Et les descendants des justes pourraient les rencontrer ailleurs qu'en Israël? Quoi de plus naturel que de rendre hommage aux victimes de la Shoah à Jérusalem et dans tout Israël? Lundi 2 mai, au déclenchement d'une sirène, le pays tout entier s'arrêtera une minute pour se recueillir. C'est un moment particulièrement saisissant. Au même moment, des cérémonies de commémoration seront organisées dans le monde entier. A Paris notamment, au Mémorial de la Shoah, les noms des victimes françaises seront lus devant le "Mur des noms". Au delà du devoir de mémoire, notre voyage de descendants de Justes parmi les Nations, est aussi destiné à montrer aux Israéliens et notamment aux jeunes que la France de la guerre n'a pas compté que des "collabos" mais aussi des héros, Justes parmi les Nations.
 
A quoi sert exactement la fondation France-Israël? Et quel rôle y jouez-vous?
 
En dehors des sentiers politiques et diplomatiques, la Fondation France Israël oeuvre pour rapprocher le peuple de France et celui d'Israël. Elle veut créer des liens, jeter des ponts entre les sociétés civiles dans les domaines culturel, économique, technologique, éducatif... Cette Fondation est reconnue d'utilité publique. Elle a été créée, en 2005, à l'initiative du Président de la République française et du Premier ministre israélien. Aujourd'hui encore, les deux Etats sont fortement impliqués pour renforcer l'amitié franco-israélienne. Me concernant, j'en suis la Présidente depuis bientôt deux ans, entourée d'une équipe très dynamique et motivée. Nous nous consacrons à des missions innovantes et audacieuses avec beaucoup d'ardeur.  
 
Comment vous est venue l'idée de ce voyage ? Et comment y participer si je suis petite fille de Justes?
 
C'est un regard sur le passé et un pari sur l'avenir. Il s'agit de transmettre aux jeunes générations une histoire et des valeurs afin que l'horreur de la Shoah ne se répète jamais.
 
Comment peut-on participer dans le voyage des descendants de Justes que vous organisez?
 
Depuis 2010, la section jeune de la Fondation France Israël que je préside organise un voyage de petits-enfants de Justes parmi les Nations en Israël. Une façon de célébrer la mémoire de ces héros français et de transmettre leur histoire, en exemple, aux nouvelles générations. 
Les jeunes que nous emmenons en Israël sont âgés de 20 à 30 ans et leurs noms nous ont été communiqués par le comité français de Yad Vashem qui est partenaire de cette initiative. Je veux d'ailleurs rendre hommage à l'équipe de bénévoles de Yad Vashem qui oeuvrent avec coeur pour honorer la mémoire des Justes parmi les Nations. Si vous êtes concerné par ce projet, je vous invite à nous adresser un e-mail à info@fondationfranceisrael.org  
 
Quelle est la procédure pour se voir remettre une médaille de Juste parmi les Nations?
 
Le titre de Juste parmi les Nations est la plus grande distinction décernée par l'État d'Israël. En France, 3158 Justes parmi les Nations sont aujourd'hui reconnus. Nous savons, toutefois, que de très nombreux autres Français se sont élevés contre la barbarie nazie en cachant des Juifs. Ils ont voulu conserver discrétion et anonymat. D'autres encore ont payé de leur vie leurs actes héroïques. Pour faire reconnaître un "Juste parmi les Nations", c'est aux personnes sauvées ou à leurs descendants qu'il appartient de faire une demande motivée et justifiée à Yad Vashem. Une fois la médaille remise, leur nom est inscrit sur le Mur des Justes parmi les Nations à Yad Vashem, à Jérusalem, et un arbre est planté en leur mémoire. Jacques Chirac a fait entrer les Justes français au Panthéon.  
 
Ne trouvez-vous pas que le devoir de mémoire est détaché des enjeux présents ? Si la mémoire est utile, c'est pour en tirer les leçons; or l'impunité d'Israël à bafouer plus de 70 résolutions de l'ONU en oppressent les palestiniens, n'est-il pas une mémoire séléctive?
 
Autant d'abord rappeler qu'il ne peut y avoir d'avenir sans mémoire. Rappeler, en outre, les six millions de victimes de la Shoah, un génocide incomparable. Sur les prétendus manquements d'Israël au respect des résolutions de l'ONU, je vous renvoie au mea culpa de M. Goldstone et à son rapport trompeur...  
 
Comment distinguer antisémitisme et antisionisme de nos jours?
 
L'antisémitisme est une forme de racisme à l'égard des Juifs. L'antisionisme conteste la légitimité de l'existence de l'Etat d'Israël. Et pour reprendre Martin Luther King, "l'antisioniste est antisémite par essence". 
 
Photo (Nicole Guedj) : D.R.
 
Source : l’Express