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Publié le 4 Novembre 2002

Patrick Klugman, président de l’UEJF : <i>«L’Intifada des campus…»</i>

Question : Patrick Klugman, vous êtes président de l’Union des Etudiants Juifs de France. Comment se porte aujourd’hui l’Union ?



Réponse : Avec plus de 15 000 adhérents, 1500 militants actifs et 500 responsables à travers la France, l’Union est plus forte que jamais. Mais ce n’est pas qu’une histoire de chiffres. De nouvelles sections se créent partout comme à Dijon ou à Rouen dernièrement. En outre, l’UEJF a épousé les formes les plus avancées de l’engagement militant en plaçant la formation de ses cadres au cœur de ses priorités et en utilisant tous les moyens de communication à sa disposition, du site Internet jusqu’à la publication d’un livre aux éditions Calmann-Lévy.

Question : La rentrée universitaire vient de démarrer. Vos responsables et militants sont-ils inquiets ? Que craignent-ils ?

Réponse : L’inquiétude des militants de l’UEJF vient du conflit israélo-palestinien qu’on tente de leur imposer sur les campus. Nous avons vécu l’an passé ce que j’appelle « l’Intifada des cours de recrée». Il faut savoir que les facs sont la réplique de la société, en plus radical. Non seulement la cause palestinienne y devient une cause « nationale », mais en plus il y a des situations où nous sommes privés arbitrairement des moyens de mener un débat serein. Le déni d’expression dont a été victime l’ambassadeur Elie Barnavi à l’Université de Nanterre l’an passé a été un cas d’école du genre.

Question : Dans quelles faculté, selon vous, la situation est la plus tendue ? Comment tentez-vous de canaliser la situation ? Quelles interventions faites-vous ? Quel accueil recevez-vous ?

Réponse : Il y a un triangle noir parisien constitué des universités de Saint-Denis, Nanterre et Villetaneuse, où selon les cas, les étudiants sont physiquement en danger pour la simple raison qu’ils sont juifs. La première des choses à faire est d’y renforcer la présence de l’UEJF.

A Nanterre, la situation est très tendue mais du fait de notre forte présence les choses se passent bien. Le contexte est plus délicat à Villetaneuse car la section est récente et franchement catastrophique à Saint-Denis où n’avons pas encore de section implantée. Sans une organisation, les étudiants sont abandonnés, isolés et donc fragilisés. L’UEJF leur permet d’avoir un étendard qui défend leur droit, d’agir sur l’administration, de les représenter dans les conseils universitaires, de relever les atteintes les plus graves et d’entamer des poursuites disciplinaires ou pénales.

Question : Vous avez en juillet 2002 menée une action, avec l’association J’Accuse, contre le site Internet d’Unité Radicale ? Qu’avez-vous obtenu ?

Réponse : Nous avons obtenu la fermeture du site d’Unité Radicale, qui est était avant sa dissolution un dangereux groupuscule d’extrême droite. Cette mesure est finalement la seule qui soit réellement efficace car la mouvance radicale ne vit que grâce à l’Internet qui est à la fois un vivier de recrutement de nervis et un moyen aisé de diffuser une idéologie xénophobe de manière illimitée. On peut dire que nous avons donné toute sa force à la mesure de dissolution prononcée par le gouvernement Cependant, nous nous sommes mobilisés avant que l’action gouvernementale ne s’enclenche.

Question : Comment se fait-il que l’UEJF mène autant d’actions judiciaires ? Que voulez-vous prouver ou obtenir ?

Réponse : L’action judiciaire est le prolongement naturel de l’action militante. J’ai coutume de dire que l’UEJF se doit mener des combats « des trottoirs jusqu’aux prétoires ». Toutefois, nous n’attaquons pas à tout va. Nous choisissons avec notre conseil Me Lilti et nos partenaires comme J’accuse ou la LICRA, des actions judiciaires emblématiques pour pointer les contradictions d’une situation juridique et faire avancer le droit positif. Ce fut le cas avec le procès Yahoo, alors que l’achat d’une relique nazi était strictement interdit chez les bouquinistes, mais disponible par milliers, en un coup de clic sur la toile.

Question : Vous entretenez un dialogue constant et fructueux avec Malek Boutih, le président de S.O.S. racisme. Il semble cependant qu’on vous le reproche. Que répondez-vous à vos détracteurs ? A un autre niveau, quel dialogue tentez-vous de mener avec de jeunes étudiants arabo-musulmans ?

Réponse : Le dialogue que je mène avec Malek n’a rien d’un échange « feuj-beur », tout simplement parce que Malek Boutih n’est pas le porte parole d’une quelconque communauté ou religion. Il est le symbole d’une génération qui a fait le pari de la tolérance et de l’intégration. Ce qui n’a rien à voir. Nous partageons un idéal commun : l’amour absolu de notre pays et des valeurs de la République.

La situation est très différente avec les étudiants arabo-musulmans.

Bizarrement, le point de rupture avec les Etudiants Musulmans n’a pas été le conflit israélo-palestinien, sur lequel je peux concevoir que nous ayons des désaccords, mais bien le socle citoyen et républicain que je ne retrouvais pas chez eux, ce qui rend toute discussion impossible.

Question : Pour terminer, que diriez-vous à vos aînés ?

Réponse : Que nous ne sommes pas la communauté de demain mais bien celle d’aujourd’hui !

Propos recueillis par Marc Knobel.

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