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Publié le 9 Septembre 2004

Roger Cukierman/Fouad Alaoui

Transcription in extenso de l’émission de Jean-Pierre Elkabbach (Europe1, dimanche 13 juin, 18h10)



JPE : Bonsoir, avec l’eurofoot, les Européens rêvent en ce moment d’une société rassemblée, réconciliée et apaisée. La réalité est différente. Antisémitisme, racisme, xénophobie, laïcité, droits de l’homme et de la femme en débat. Pourquoi de plus en plus souvent des actes de violence spectaculaires et révélateurs d’un mal qui paraît gagner. Le Grand rendez-vous propose en effet un dialogue inédit et exceptionnel. Fouad Alaoui, bonsoir, vous êtes vice-président du CFCM en France et secrétaire général de l’UOIF, bonsoir.


FA : Bonsoir.


JPE : Roger Cukierman bonsoir


RC : Bonsoir.


JPE : Vous venez d’être réélu à la tête… président du CRIF. Fouad Alaoui et Roger Cukierman, je crois que c’est bien la première fois que vous dialoguez comme ça en direct et en public.


RC : En public, oui. Nous nous sommes déjà rencontrés en d’autres circonstances.


JPE : Dans les cabinets ministériels…


RC : Voilà


JPE : Et on vous a encouragé à discuter avec lui ? Ou on vous a dit attention, soyez prudent ?


RC : Pour cette réunion, j’avoue que …. Si vous voulez…. Tout d’abord je vous remercie d’avoir organisé cette rencontre, je crois qu’elle est importante dans le climat dans lequel nous vivons, et il faut mobiliser toutes les bonnes volontés. Nous avons une relation qui est excellente avec le recteur Boubaker qui est président du CFCM, c’est un homme intelligent, modéré, et soucieux de paix civile. Je souhaite entretenir le même type de relations avec les autres composantes du CFCM, c’est la raison pour laquelle j’ai accepté cette rencontre.


JPE : Vous l’avez accepté de votre propre initiative et tout de suite. Est-ce qu’on vous a félicité de l’avoir fait autour de vous ?


RC : Pas tout le monde. Pour une raison très simple, c’est que l’image de l’UOIF est marquée par la proximité, dit-on, des frères musulmans.


JPE : Dont nous parlerons tout à l’heure. Mais, et vous Fouad Alaoui ?


FA : En ce qui me concerne, on n’a pas eu d’hésitation à répondre à l’invitation, parce que je pense que le dialogue ça aboutit toujours à du positif, jamais à du négatif.


JPE : Et vous pensez qu’il y a un climat qui se dégrade et qui vous oblige à imaginer l’un et l’autre aujourd’hui en France des gestes forts.


FA : C’est une réalité que personne ne peut cacher. Je pense que toutes les bonnes volontés doivent cumuler leurs efforts pour que ça aille mieux.


JPE : je dédie ce Grand Rendez-vous d’Europe 1 à l’historien illustre Jules Isaac dont on réédite cette semaine deux livres majeurs : « Jésus et Israël », écrit en 48 pour sa femme et sa fille mortes à Auschwitz. Il y dénonçait l’antijudaïsme des chrétiens, et puis « L’enseignement du mépris » qui inspira bien des papes et d’abord Jean XXIII. Ces livres peuvent servir aujourd’hui pour votre propre dialogue. Alors est-ce que chacun peut dire, avant de commencer sur le fond, ce qu’il pense de l’autre, et du CRIF, et de l’UOIF. Vous, Monsieur Alaoui, d’abord, du CRIF et de Cukierman.


FA : D’abord, je dirai, concernant le CRIF, c’est une institution juive reconnue, influente en France, et je pense qu’on peut pas passer outre. Euh dialoguer avec elle, ça fait partie des choses qui doivent se faire. Concernant monsieur Cukierman, j’ai quelques divergences avec lui, sur ses prises de position. Je pense que ceci ne doit pas nous empêcher de s’asseoir autour d’une table pour en discuter. Mais je pense qu’à travers ce type de rencontres, on doit lever un tabou. C’est à dire que les musulmans et les Juifs ne peuvent pas s’asseoir autour d’une table. Je me bats sur mes convictions religieuses, sur ma religion musulmane, pour dire que s’asseoir autour d’une table, ça fait partie des recommandations divines religieuses musulmanes.


JPE : Vous voulez dire que ceux qui ne le respectent pas sont hors la loi même de la religion musulmane ?


FA : Ca fait partie des ignorances que rencontrent les uns et les autres concernant la compréhension de leurs prescriptions.


RC : Ecoutez, je suis ravi d’entendre ces propos. Moi, si j’ai accepté cette rencontre, c’est que j’ai confiance dans votre bonne foi. Et donc je souhaite que l’expression de votre sincérité transparaîtra et servira de modèle à tous les musulmans. Il est clair que l’image des frères musulmans qui ont une réputation de fanatisme, qui sont interdits dans de nombreux pays modérés, comme l’Egypte et la Jordanie, a retenti sur l’image de l’UOIF en France. Alors si on a tort de considérer que l’UOIF c’est les frères musulmans, il faut que vous le disiez. Moi j’ai souhaité vous rencontrer parce que je veux dialoguer avec toutes les composantes du Conseil du culte musulman, parce que nous vivons avec vous, nous sommes ensemble dans ce pays, nous devons dialoguer, nous devons faire en sorte…


JPE : Vous associez l’UOIF, vous, aux frères musulmans ?


RC : C’est la réputation qui est répandue.


FA : C’est vrai, c’est une réputation mais malheureusement, nous n’arrivons pas encore à convaincre les uns et les autres que c’est une réputation qui n’a pas de fondements.


JPE : C’est peut-être que vos arguments ne sont pas assez forts ou bons, et qu’il y a des doutes.


FA : J’essaierai de développer mes arguments parce que quelques fois, peut-être la faiblesse vient de nous, pas de celui qui écoute. Non, mais c’est pour ça que je dis, la question des frères musulmans, je pense que… il faut qu’on soit d’une clarté irréprochable sur cette question là. Nous n’avons aucun lien d’affiliation avec les frères musulmans. Je ne suis pas en train de faire un jugement de valeur sur cette mouvance, mais je suis en train de décrire une réalité.


RC : Et Tariq Ramadan ?


FA : Tariq Ramadan, c’est un prédicateur musulman, j’ai des points de convergence avec lui et j’ai des points de divergence avec lui. Ca fait partie des gens que je connais. Ce que je veux dire, c’est que il y a une fâcheuse tendance à vouloir caricaturiser la scène musulmane française sous forme d’obédience étrangère. De dire si on veut voir quelle est la scène française musulmane, on va dire, y a les frères musulmans, donc c’est l’étranger, c’est l’Egypte, mais il y a le Tabligh, donc c’est des Pakistanais.


JPE : Pour être justes, il vous est rarement arrivé de vous en prendre aux frères musulmans. Est-ce que c’est parce que c’est des compétiteurs pour vous dans les milieux de jeunesse, dans les banlieues, dans les quartiers difficiles ?


FA : Non, je pense que c’est méconnaître la situation actuelle en France. La situation actuelle en France, les jeunes français musulmans, ils cherchent à bâtir un Islam français, ils cherchent à vivre un Islam apaisant, ils cherchent à être des citoyens comme tous les autres. Et vouloir toujours les transposer vers des affiliations étrangères, je pense c’est biaiser le débat et c’est ne pas servir notre cause commune.


RC : Moi je voudrais vous dire que quand on lit votre site, il y a des choses qui sont très apaisantes, et notamment les déclarations que vous faites contre les agressions antisémites, et je vous en suis très reconnaissant - je regrette d’ailleurs que l’agence France Presse ne les répercute pas, il serait bon que l’on sache quand vous déclarez qu’un acte antisémite est répréhensible, je trouve que ça devrait avoir beaucoup plus d’écho que ça n’en a - malgré tout, sur votre site, on voit des « chats » et des propos de gens qui interviennent sur votre site qui sont assez désagréables. Qui diabolisent Israël, qui angélisent le Hamas, le Jihad islamique et des groupes terroristes. Je crois qu’il faudrait peut-être mettre un peu d’ordre dans tout ça. Puis vous avez aussi des prédicateurs comme Hassan Iquioussen qui parlait d’une « connivence entre les Juifs et Hitler », c’est des choses qu’on a du mal à digérer.


FA : Concernant notre communication d’une manière générale sur la question de l’antisémitisme. Nous condamnons avec fermeté l’antisémitisme, comme nous condamnons l’islamophobie et le racisme de manière générale. Tout simplement parce que pour nous, ce n’est pas une question tactique, ce n’est pas une question conjoncturelle, mais c’est un principe religieux. S’en prendre à un juif en France, c’est s’en prendre à l’Islam, c’est s’en prendre aux musulmans.


JPE : Est-ce que vous dites la même chose, monsieur Cukierman ?


RC : Bien entendu, d’ailleurs, chaque fois qu’il y a une agression contre des musulmans ou contre une mosquée, nous protestons, et nous indiquons chaque fois que ça nous paraît aussi choquant que les agressions contre les Juifs.


JPE : Et les autorités françaises disent-elles assez – elles le disent, on entend monsieur Chirac, « s’en prendre à un Juif c’est s’en prendre un Français », ce qui est une évidence « s’en prendre à un musulman c’est s’en prendre à un français ».


FA : Le problème c’est que la deuxième partie de la phrase ne se dit pas jusqu’à maintenant.


JPE : Et vous voulez l’entendre ?


FA : Et je veux entendre un haut responsable dire « Celui qui s’en prend à un musulman s’en prend à toute la France ».


RC : Entièrement d’accord.


FA : Mais moi je ne veux pas conduire la France vers un clivage communautaire. A savoir…


JPE : On va y venir. Mais, l’un et l’autre, à cause du climat, vous aviez envie de dialoguer, ce que vous êtes en train de faire. Et vous, monsieur Cukierman, vous êtes allé chez Monsieur Perben, cette semaine qui vous a dit qu’il y avait 180 actes antisémites depuis janvier 2004.


RC : Enregistrés.


JPE : Enregistrés. Il y a eu Epinay, Boulogne, on va voir l’un et l’autre, Perben Dominique de Villepin vous ont dit qu’il s’agissait d’adolescents de 14-15 ans, avec toutes les mesures, et vous me direz si les mesures qui sont prises sont suffisantes à vos yeux. Mais il y a eu, et je m’adresse à vous, Fouad Alaoui, une profanation de la fresque des enfants juifs de Rivesaltes en Pyrénées Orientales. Elle était réalisée par des enfants juifs en 1942 sur le mur de la baraque de l’ancien camp de concentration de Rivesaltes près de Perpignan. Est-ce que vous avez réagi ? Est-ce que vous pensez que vous devez réagir ?


FA : D’abord c’est une information que j’ai appris en étant dans votre bureau, donc je l’ai appris tout récemment. Je pense que là aussi, notre condamnation de tel type d’acte, c’est une condamnation qui doit être profonde, qui vient du fond de notre cœur, parce que nous pensons que s’attaquer à des symboles religieux, aussi divers soient-ils, s’attaquer à la conscience collective de communautés religieuses, je pense que ce n’est pas bien. Parce que nous venons il y a quelques jours de fêter la question du débarquement, nous fêtons la question de l’accès à la liberté, de fêter l’accès aux français et aux françaises du fait qu’ils se libèrent [ ? un membre de phrase inaudible]. Et je pense que tout ceci doit faire que la question de la paix sociale doit être une œuvre commune pour laquelle nous travaillons tous. Et cette paix sociale…


JPE : Mais est-ce que vous constatez vous aujourd’hui en France un nouvel antisémitisme ?


FA : Je le constate pas. Il faut que je sois clair avec monsieur Cukierman. Pourquoi je dis « je le constate pas » ? Je constate des actes d’agression contre des Juifs. Comme je constate des actes d’agression contre des musulmans. Et je pense que ceci fait partie d’actes d’ennemis communs. A savoir d’ennemis qui veulent…


JPE : Qui sont ces ennemis ?


FA : D’ennemis qui veulent créer des barrières entre les Juifs et les Musulmans dans ce pays.


JPE : Vous n’allez pas faire croire qu’il y a un complot contre les uns et les autres ? Qui sont ces ennemis ? Désignez-moi ces ennemis.


FA : Si j’arrivais à les désigner, je serais.. Moi je ne fais que constater. Je constate que tous les actes qui sont commis contre les Juifs ou contre les Musulmans, chacun il essaye d’utiliser l’autre, pour monter les uns contre les autres. Et je pense que ça ce n’est pas bien.


JPE : Mais monsieur Alaoui, avant de donner la parole à monsieur Cukierman, comment vous expliquez que des adolescents traitent dans les écoles, à l’entrée des écoles les gamins de « sale juif, on va te brûler, on va te griller, on va t’envoyer dans des camps » ?


FA : Vous savez, j’ai des enfants dans au collège.


JPE : Là on dit la vérité, quand il y a des vérités comme ça, on est choqué et on est blessé.


FA : C’est pour ça, j’essaie de parler sincèrement, j’essaie pas de tenir la langue de bois. Moi j’ai des enfants dans le collège, j’ai des amis qui ont des enfants, on leur pose des questions, c’est quoi cette question de « sale juif ». La réponse qui nous est donnée, les remontées qu’on a, c’est que dans les collèges, dans les lycées ça se dit sale juif, ça se dit sale arabe, etc. sale noir, c’est tout un travail de pédagogie qui est en train d’être défaillant.


JPE : Mais quelque chose doit aller mal, si dans les écoles, à l’entrée des écoles, dans les cours de récréations on dit sale arabe, sale bicot, sale noir ou sale juif.


FA : Ah oui, c’est toute une pédagogie qui manque !


JPE : Monsieur Cukierman.


RC : Oui, mais il faut quand même regarder les faits. Les faits, malheureusement, sont extrêmement parlants. On a parlé de 180 actes enregistrés. Tous les actes de violence qui donnent lieu à des arrestations montrent que dans la quasi-totalité des cas, 95% ou 98% des cas, les agressions sont commises par des jeunes d’origine maghrébine. Il faut le dire, c’est la réalité.


FA : Ce sont tout simplement par des délinquants.


RC : Mais non ! Alors, c’est vrai que ce qui est très triste, c’est que les deux tiers pour la période 2004 se trouvent être des mineurs. C’est encore plus inquiétant, c’est même lamentable, que les jeunes mineurs aient été marqués par une telle propagande insidieuse ou pas insidieuse. Donc on a une réalité, c’est que la plupart des agressions racistes – c’est la commission des Droits de l’Homme qui le dit – 70% des agressions en France sont faites sur les Juifs. C’est à dire que ce sont des agressions antisémites et la quasi totalité est commise par des jeunes d’origine maghrébine. Il y a donc un problème d’éducation incontestable qui frappe une partie de la communauté maghrébine qui se transforme en agresseur des petits juifs qu’ils côtoient dans les écoles et qu’ils agressent à l’entrée des écoles.


JPE : Monsieur Cukierman, à propos d’Epinay, il y a eu un doute sur l’origine des violences commises d’abord sur un jeune juif – et on a été tous scandalisés -, puis ensuite contre un noir et contre un musulman. Est-ce qu’il y a pas eu précipitation de quelques uns ? On ne peut pas nier que cette situation déclenche dans l’instant des réactions exagérées excessives. Je pense par exemple que j’ai entendu le brillant Alain Finkielkraut qui tenait lundi sur une radio voisine des propos incantatoires, grandiloquents et immaîtrisés. Est-ce que vous croyez que ça sert ou que ça désert ?


RC : Ecoutez, allez expliquer au papa d’Israël Ifra que j’ai vu à l’hôpital Beaujon que j’exagère ou qu’il exagère, alors que son fils a été opéré deux fois, la deuxième fois on lui a retiré de son poumon un litre et demi de sang. Allez expliquer aux parents des enfants qui n’osent plus envoyer leurs enfants dans le métro parce qu’ils sont attaqués, on leur crache dessus, on les insulte, on leur donne des coups. Allez expliquer aux gens qui habitent dans certaines banlieues qui veulent déménager parce qu’ils ne peuvent plus vivre là où ils sont. Si ils quittent ces banlieues, ça voudra dire que la France aura perdu des territoires physiquement et moralement…


FA : Monsieur Cukierman, je vais vous dire un chose. D’abord, juste après l’agression du jeune juif, on n’a pas hésité à condamner ce qui s’est passé, mais le soir même, il y a eu agression d’un musulman qui était un bénévole dans une association humanitaire palestinienne. On a voulu pousser l’UOIF pour qu’il dise « nous avons la preuve d’un combat entre Juifs et musulmans ». ON a refusé de jouer ce jeu là. Mais ce que je vous demande, monsieur Cukierman, qu’on mette la main dans la main pour dire ne voyons pas dans l’agression d’un jeune, d’un moins jeune, d’un plus, jeune juif ou musulman, toujours un acte qui a une origine soit antisémite, soit islamophobe. Et je pense qu’il est de l’intérêt de la France pour qu’on travaille ensemble, juifs, musulmans, chrétiens, pour que ce qui nous unit et au dessus des petites querelles….


JPE : On verra tout à l’heure ce qui peut être fait… Monsieur Cukierman, la loi Lellouche, est-ce qu’elle vous semble appliquée ou pas appliquée ? Il y a trop de relaxes ou juste ce qu’il faut ? Est-ce que vous sentez que la justice est trop tolérante et peut-être laxiste. C’est Dominique de Villepin qui dit à Europe 1 ce matin avec moi, « il faut adapter la loi ». Qu’est-ce que vous en pensez ?


RC : Je pense que la loi Lellouche n’a pas été appliquée une seule fois. Elle a été votée en février 2003, elle n’a pas été appliquée une seule fois. Les tribunaux relaxent presque systématiquement. La 17e chambre sur les délits d’opinion relaxe systématiquement. On n’a pratiquement aucune chance d’aboutir à des condamnations si on se présente avec un dossier d’antisémitisme.


JPE : Et que vous a dit monsieur Perben à cela ?


RC : Il a dit que c’était difficile et que les juges étaient indépendants et que il fallait convaincre les juges aussi, et qu’il allait faire donner des cours sur le judaïsme à l’école des magistrats.


JPE : Et puis il y a beaucoup d’adolescents. Mais vous portez un jugement sévère sur la justice ?


RC : Moi je crois que la justice, c’est comme l’opinion publique, elle est indifférente. Je crois que le gouvernement, les partis politiques, les médias, sont conscients de la gravité de la situation et que l’opinion publique persiste à penser que c’est un conflit entre vous et moi. Or c’est pas un conflit entre vous et moi, c’est un problème de la France. Parce que ce sont les valeurs de la société française et la paix civile qui sont en cause.


FA : Moi je pense que la justice fait son travail. Il faut avoir confiance en la justice. Maintenant il y a tout un travail d’éducation et de pédagogie à mener de part et d’autre, et je pense que c’est un travail qui incombe à toute la société.


JPE : Mais est-ce que vous comprenez la peur de monsieur Cukierman et des gens qu’il représente ?


FA : Je pense que c’est une peur qui est compréhensible, mais qui ne doit pas être exagérée. Parce que j’ai peur que ça donne, monsieur Cukierman, l’effet inverse. J’ai peur de l’effet inverse. RC : On ne doit jamais avoir peur de la vérité.


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JPE : Merci d’être avec nous jusqu’à 19h. On sentait bien à vous écouter que les tensions renforcent le repli des communautés sur elles mêmes. Elles expliquent d’une certaine façon un durcissement. Elles se ferment à l’autre et elles s’enferment, se protègent peut-être dans la religion. Vous le direz tout à l’heure. Monsieur Fouad Alaoui, comment réagissez vous aux conclusions qui se dégagent du rapport de Dounia Bouzar, qui fait partie du CFCM ; sociologue. Elle s’alarme de ce qu’elle appelle le noyautage par les islamistes des associations musulmanes et de leur capacité à désolidariser ces communautés du reste de la Nation. Est-ce que vous partagez cette inquiétude : le noyautage des islamistes dans des endroits où vous devriez peut-être avoir plus votre présence. La vérité toujours ?


FA : La vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Non, moi ce que je dirai, c’est que j’ai eu une longue discussion avec mon amie Dounia Bouzar, qui est avec moi au bureau du CFCM, pour lui dire qu’aucune vérité n’est une vérité à 100% et aucune contre-vérité n’est contre-vérité à 100%. Mais il faut faire la part des choses. Et je pense cette part des choses à travers ce qui a été repris du rapport de madame Bouzar je pense qu’il y a eu une exagération.


JPE : Mais c’est la vérité ou pas.


FA : Elle est très minime, dans le sens où c’est madame Bouzar elle-même qui s’est exprimée, elle a fait deux ou trois tribunes, dans laquelle elle a dit « il y a eu une déformation du fond de ma pensée ».


JPE : Mais ce n’est pas la pensée, c’est l’écrit. Où alors vous nous dites, je n’ai aucune crainte, il n’y a pas de risque de prosélytisme de certains islamistes, intégristes…


FA : La société elle est traversée par tout. Il y a l’intégrisme… L’intégrisme traverse notre société. Il y a cette crainte concernant les dérives des jeunes, quelle que soit leur confession. Moi ce que je constate actuellement, c’est que au lieu de travailler sur un travail de pédagogie, pour inculquer les vraies valeurs de tolérance et de vie commune, nous sommes en train de désigner le mal et nous sommes en train de désigner l’autre comme étant à l’origine du mal.


JPE : Est-ce qu’il ne faut pas balayer devant sa porte ? Par exemple, vous avez un Conseil de la Fatwa de l’UOIF, oui ou non ?


FA : C’est le Conseil Européen, pas de l’UOIF.


JPE : Enfin, lié ! Et qui est l’organe qui prescrit – si je sais bien - les avis à suivre pour les musulmans. C’est ca ?


FA : Oui


JPE : Et vous avez dans de conseil Youssouf al Qardawi qui est l’auteur d’un livre – je passe vite – qui prône exactement la même chose que l’imam Bouziane, l’imam de Vénissieux. Pourquoi il fait partie toujours de votre Conseil (Qu’il faut battre sa femme si elle se montre fière et rebelle, etc.). Est-ce que c’est pas lieu de mettre chacun un peu d’ordre chez soi.


FA : Ecoutez monsieur Elkabbach, il y a des raccourcis qui sont pas bons. Je ne peux pas tenir les mêmes affirmations. Mais ceci fait partie encore de vouloir toujours trouver des voies de stigmatisation et des voies de montrer que le danger vient de là. Moi je pense que ce qu’il y a, c’est que nous mettons en place, ici en France un Conseil de la Fatwa, parce que nous pensons qu’il est nécessaire que l’Islam de France se dote de Fatwas et d’avis religieux qui soient conformes à notre réalité. Qui ne transcendent pas les fondements de l’Islam, mais qui soit respectueux de la réalité dans laquelle l’Islam s’opère.


JPE : C’est à dire, la loi religieuse en France ou la loi religieuse pour certains musulmans à l’intérieur et en respectant la loi républicaine française.


FA : Personne ne peut dire qu’il faut comparer une loi religieuse et la loi de la République. Personne ne peut dire ça. Mais ce qu’il y a maintenant, c’est de savoir : est-ce qu’on peut accepter actuellement de considérer l’Islam comme une religion parmi d’autres dans l’espace républicain français ? Je constate qu’actuellement, il y a de gros efforts qui ont été faits, surtout depuis la mise en place du Conseil français du culte musulman. Je pense qu’il y a eu une certaine normalisation que s’est opérée. Mais le chemin à mon sens, il reste encore très long à parcourir, parce que je pense qu’il y a encore cette peur de l’Islam comme étant une religion qui est là pour revoir complètement les fondements de la République, c’est un danger pour les acquis de la République et je m’efforce de montrer que c’est pas vrai.


JPE : (inaudible) remercier ceux qui donnent une autre image de vous même et que vous acceptez dans vos organisations si importantes. Votre avis monsieur Cukierman ? Et puis j’aurais évidemment d’autres questions.


RC : Chez, les Juifs, c’est la loi de la République qui s’impose aux Juifs avant la loi religieuse, et vous, vous dites « notre constitution c’est le Coran ». Il faudrait effectivement adapter…


FA : Je m’excuse, monsieur Cukierman, vous reprenez une parole qui a été reprise par la presse concernant une déclaration du président de l’UOIF. Le président a démenti officiellement ; il n’a jamais dit ça et je le redis encore : on le dément formellement.


RC : C’est parfait. Je voudrais revenir quand même à la fin de notre conversation tout à l’heure sur les décisions de justice. Je crois que nous avons un problème d’éducation majeure sur les jeunes, puisque les deux tiers des personnes interpellées depuis le début 2004 sont des mineurs. Et je crois qu’il est important que les parents de ces mineurs soient convoqués devant la justice pour se faire admonester et j’y ai ajouté - c’est une proposition que j’ai faite au ministre de la justice et qui mérite me semble-t-il une certaine considération – c’est que les maires des villes convoquent également les parents de ces enfants pour leur faire un petit cours d’instruction civique par le premier magistrat.


FA : Monsieur Cukierman, je m’excuse, mais ce sont ce genre de réflexions qui créent les problèmes. Parce que ça laisse présupposer que ces jeunes n’ont pas encore une idée claire de ce qu’est l’éducation, de ce qu’est la citoyenneté, qu’ils ont un problème éducatif, etc.


RC : Je parle des enfants qui ont commis des agressions


FA : justement. Je pense que la justice, elle est là. Et je pense que jusqu’à maintenant, et je n’ai pas en mémoire le nom du lycée pour lequel il y a agression d’un certain nombre d’élèves de confession juive. Il y a eu tout un tapage médiatique qui a été fait, pour montrer que c’est parce qu’ils étaient juifs etc. Puis à la fin, toute l’instruction judiciaire a montré que les faits ils se sont avérés faux. C’est pour ça que je dis, il est nécessaire de faire la part des choses. Je ne pense pas que les jeunes de confession musulmane sont contre les Juifs. Je suis absolument convaincu de ceci. Je pense qu’il y a des délinquants. Pas parce qu’ils sont musulmans, pas parce qu’ils sont contre les Juifs. C’est comme il y a des délinquants juifs, de confession juive, qui peuvent s’attaquer à tel ou tel.


JPE : Monsieur Alaoui, c’est vrai qu’ils s’attaquent plus rarement aux musulmans. Ils disent rarement « sale arabe », plus rarement.


FA : J’aimerais bien qu’on mette un observatoire musulman de ce qui se passe actuellement.


JPE : Un observatoire du racisme et de l’antisémitisme.


RC : Monsieur Alaoui, les enfants ne naissent pas racistes ou antisémites. Quand ils ont 10 ans, ou 14 ans, s’ils expriment de la haine contre leurs camarades, ça vient de quelque part. Donc, c’est soit l’éducation qu’ils ont reçue des parents, soit l’éducation qu’ils ont reçue des enseignants, soit l’éducation qu’ils ont reçue à travers le télévision française ou la télévision qu’ils reçoivent du Moyen Orient via les paraboles, y a un mélange …


FA : La télévision je m’excuse…


RC : laissez moi terminer…


FA : Non parce que souvent vous parlez des télévisions arabes. La grande majorité de ces jeunes ne comprennent pas l’arabe littéraire.


RC : Non, mais il y a les images. Moi, je les ai vus, j’ai vu une de ces émissions. Je peux vous dire qu’on voit parfaitement sur ces images des gens déguisés en juifs en train d’égorger un enfant réputé non juif, recueillir le sang…


FA : Je voudrais bien voir ça ! Vous avez la cassette ?


RC : je vous l’envoie demain.


JPE : Si c’est vrai ce que dit monsieur Cukierman, on entendra vos protestations et je les noterai.


RC : Moi ma position elle est très claire, que les maires reçoivent les parents des petits délinquants, c’est tout ! Il n’y a rien de mal à ça.


JPE : Et vous croyez que ça suffit ? Vous croyez que vous allez avoir des gens de condition modeste.


FA : Mais dans ce cas tous les délinquants….


RC : Mineurs.


FA : Voir quelle est l’origine de leur délinquance. Monsieur Cukierman, moi j’ai peur qu’à travers ce type de démarche, on va aboutir à une sectorisation de la société française, pour dire maintenant la référence devient la religion. Moi je dis que la référence ce n’est pas la religion dans la société française. La référence c’est la citoyenneté.


RC : Le respect des lois.


JPE : Alors vous me direz tout à l’heure qu’est-ce qu’être français, car il y a une grande enquête dans le Figaro qui est très intéressante avec des articles de différents philosophes, religieux, théologiens, sociologues, etc. Et on reviendra aussi sur les rapports que vous êtes censés avoir les uns et les autres avec l’étranger. Mais Fouad Alaoui, vos relations avec Dominique de Villepin, est-ce qu’elles sont aussi bonnes…


FA : Vous nous posez tellement de questions….


JPE : Vos relations avec Dominique de Villepin, elles sont aussi bonnes qu’avec Nicolas Sarkozy ?


FA : Très bonnes, c’est un ministre dont je vois qu’il a la même ferveur pour que le culte musulman continue à se doter d’instances représentatives que cette instance puisse réussir, et je m’en réjouis.


JPE : Vous ne voyez pas de différence entre l’un et l’autre ?


FA : Non


JPE : Et vous monsieur Cukierman ?


RC : Aucune différence sur le terrain. Une différence de style, mais pas une différence d’action.


JPE : Monsieur Alaoui, la Nicolas Sarkozy a reçu à Bercy un certain nombre de leaders musulmans, vous n’y étiez pas, vous n’êtes pas fâché ?


FA : Pourquoi je serai fâché ?


JPE : Pourquoi vous n’y étiez pas.


FA : Monsieur Sarkozy c’est quelqu’un qui a fait un excellent travail concernant la mise ne place du Conseil du culte musulman, je lui dois un grand respect, il a invité un certain nombre de gens pour son petit déjeuner, il n’ pas jugé intéressant de m’inviter, ou bien il a…


JPE : Vous n’aimez pas les croissants de Bercy, vous les préfériez à Beauveau ?


FA : Je ne les ai jamais goûtés ! (rires)


JPE : Et les mesures de protections, monsieur Cukierman, des synagogues, des écoles, est-ce qu’elles vous paraissent aujourd’hui suffisantes ?


RC : Non, puisqu’il continue à y avoir des agressions. Nous parlions tout à l’heure de 180 actes enregistrés et se traduisant par des plaintes, je peux imaginer qu’il y en a deux fois, trois fois plus.


FA : Alors, qu’est-ce que vous vous voudriez faire de plus ?


RC : Et bien je voudrais qu’on fasse un énorme effort d’éducation c’est pour ça que je disais qu’il fallait non pas se contenter de l’éducation à l’école, mais aussi d’aller plus loin et que la société civile se mobilise pour contribuer à cette éducation…


FA : Monsieur Cukierman, moi je voudrais vous transmettre une inquiétude, qui existe de la part de la communauté musulmane française. C’est qu’elle dit, par exemple, jeudi dernier il y a eu une profanation d’un cimetière musulman. J’ai vu que effectivement…


JPE : Le CRIF Marseille a crié son indignation


FA : A Marseille, en Alsace, il a crié son indignation, mais ce qui fait que la réaction des pouvoirs publics elle est disproportionnée. On voit …


JPE : Mais ce n’est pas à Monsieur Cukierman qu’il faut dire ça.


FA : Non ce n’est pas à Monsieur Cukierman, mais la communauté musulmane, comment elle voit les choses, que les plus hautes autorités de l’Etat réagissent, de manière tout à fait louable, lorsqu’il s’agit d’une synagogue qui est brûlée, d’une profanation de tombes juives, il y a une réaction qui est tout à fait louable, mais nous ne voyons pas la même réaction lorsqu’il s’agit du culte musulman. Lorsqu’il y a eu le jeune juif qui a été attaqué la semaine dernière à Epinay sur seine, c’est tout à fait louable que le ministre de l’intérieur se déplace à son chevet. Que le premier ministre se déplace…


JPE : Vous voulez autant pour vous.


FA : quelques heures après, il y a eu un jeune de confession musulmane, et il n’y a pas eu la même réaction.


RC : Mais le premier a failli mourir.


FA : Le deuxième il l’a échappé belle !


JPE : Mais est-ce que vous demandez vous aussi monsieur Cukierman qu’il n’y ait pas deux poids et deux mesures ?


RC : Bien sur !


JPE : Et si monsieur Cukierman voulait aller avec vous manifester contre la profanation ou de mosquées ou d’écoles ou ce qui s’est passé de sépulture sur le cimetière musulman, il aurait sa place à vos côtés ?


FA : Il n’y a aucun problème. Je pense que sur les actes de racisme, les actes d’antisémitisme, les actes d’islamophobie, il faut que tout le monde ait la même position.


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JPE : Le taux d’abstention aux élections européennes en France serait de 57,4 – en hausse par rapport à 199. Roger Cukierman vous avez voté ?


RC : Bien sur !


JPE : Et vous monsieur Alaoui ?


FA : Non, je n’ai pas voté


JPE : Pourquoi ?


FA : parce que personnellement – moi j’appelle les français de confession musulmane à voter massive massivement – moi c’est une position personnelle, parce que je suis encore touché par la loi sur les signes religieux, ce que je considère la loi sur le foulard.


JPE : Vous n’avalez pas facilement la laïcité en France.


FA : Non, non, non, ce n’est pas la laïcité, je ne rentre pas dans ce jeu là. (rire). C’est une loi qui est faite, nous l’appliquerons, mais c’est une loi qui est mauvaise.


JPE : Mais vous allez l’appliquer calmement à la rentrée à l’école ?


FA : Oui, calmement. Et j’espère juste… Parce que lorsque je vois les dernières directives qui ont été données par le syndicat des chefs d’établissements, ce sont des directives qui veulent radicaliser la situation.


JPE : Mais il y a eu une sorte d’apaisement avec la circulaire rédigée d’une manière tellement….


FA : La circulaire, on a travaillé au sein du CFCM, on a travaillé avec le ministre de l’éducation nationale, il y a eu un excellent travail qui a été fait, on n’a pas eu tout ce qu’on a voulu, mais c’est ça les choses… On n’a pas toujours ce qu’on veut à 100%. Mais il y a une chose. La directive qui est partie du syndicat des chefs d’établissements, je considère qu’il y a des choses dans cette directive qui vont à l’encontre de la loi.


JPE : Donc vous demandez à rencontrer les syndicats d’enseignants et de chefs d’établissements pour la rentrée ?


FA : On le fera.


JPE : Vous ne votez pas dites vous pour telle et telle raison. Est-ce que ça veut dire qu’un jour, pour telle ou telle élection importante, il y aura une instruction donnée par le CFCM ou par l’UOIF, votez pour tel ou tel, il a été bien avec nous ou mal avec nous ?


FA : D’abord, le CFCM c’est une instance de culte musulman, donc il n’a pas à prendre une telle position. Et je pense que d’une manière générale, les musulmans de manière générale, ils ne sont pas seulement assez, mais ils sont très intelligents pour savoir qui sont ceux qui défendre les intérêts qu’ils jugent légitimes et qui défendent les intérêts de la France.


JPE : Ca c’est une forme de communautarisme aussi ?


FA : Non, absolument pas, notre société est faite de telle sorte que chaque groupe défend les intérêt qu’il juge légitimes.


JPE : Comme monsieur Cukierman, qui représente avec le CRIF presque le tiers ou un peu plus du tiers des Juifs de France.


RC : Comment pouvez-vous dire ça ?


JPE : Parce que il y a au moins les deux tiers ou beaucoup de gens qui disent qu’ils sont les deux tiers qui disent qu’ils ne se sentent pas représentés par le CRIF


RC : Et comment vous faites pour les syndicats ? Comment vous faites pour les partis politiques ?


JPE : Alors vous avez la prétention de représenter l’ensemble ?


RC : L’ensemble des institutions juives. J’ai été élu… Nous avons 63 institutions au CRIF, des religieux ou non religieux, de la droite à la gauche…


JPE : Est-ce que le CRIF assume la représentation politique des Juifs ?


RC : Oui, mais des institutions juives.


JPE : Et les institutions juives des Juifs, comment on les distingue ?


RC : Par ceux qui adhèrent aux institutions. Mais c’est la même chose pour les partis politiques, comme pour les syndicats. J’ai été élu par 80% de ces gens là au premier tour. Il y a des présidents prestigieux qui n’ont pas fait autant.


JPE : Chacun de vous est accusé de relations privilégiées avec l’étranger et au delà. Vous, vous avez dit tout à l’heure monsieur Cukierman à monsieur Alaoui, les frères musulmans, le Hamas, les rapports financiers, je ne sais quoi ; vous, c’est Israël. Dans la presse de ce matin qu’on va trouver dans les jours qui viennent en France, dans Maariv dont on m’a donné la traduction aujourd’hui, le quotidien israélien qui est le premier ou le deuxième, peut-être le deuxième… Ils révèlent que le gouvernement de monsieur Sharon et l’Agence juive sont en train d’activer un plan pour encourager des dizaines de milliers de Juifs de France à venir d’installer dans les plus brefs délais. Le plan s’appellerait « Sarcelles d’abord ». Qu’est-ce que vous en pensez ? On dit que tout commencera à Sarcelles, des émissaires feront du porte à porte. C’est dans le Maariv d’aujourd’hui. Un des responsables dit l’atmosphère aujourd’hui en France est mure pour le retour. Qu’est-ce que vous en pensez.


RC : Ecoutez tout ceci est à vérifier, parce que ça vient d’être annoncé, il faut un peu de recul. Moi j’ai des doutes sur les statistiques qu’ils mettent en œuvre. Mais je n’apprécie pas du tout qu’ils passent par dessus la tête des institutions juives de France et j’ai l’intention de protester auprès de l’ambassadeur d’Israël à Paris. Alors bien sur, il y a une inquiétude dans les foyers juifs pour nos enfants, mais il faut garder son calme, ne pas céder à la panique, parce qu’on a l’écoute et la détermination des pouvoirs publics, et qu’on peut espérer qu’avec des sanctions et de l’éducation on obtienne une désescalade de l’antisémitisme. Et il faut se battre pour ça. Et aussi parce que les interpellations dont on a parlé tout à l’heure nous montrent que dans les deux tiers des cas il s’agit de mineurs et on peut espérer que ces jeunes sont encore malléables et qu’on pourra les convaincre de revenir au respect d’autrui.


JPE : Vous, vous n’acceptez pas cette démarche de Maariv.


RC : Pas de Maariv…


JPE : Enfin de ce que Maariv révèle de l’attitude de l’Agence juive et du gouvernement israélien


RC : Je suis surpris et choqué par la démarche.


JPE : Vous n’allez pas être le seul. Dominique Strauss Kahn élu de Sarcelles a été interrogé par le journal, il a déclaré simplement qu’il ne connaissait pas la teneur de la décision, et qu’il s’agissait d’une décision d’un gouvernement étranger. Il ne qualifie pas la décision. Vous au contraire, vous dites au contraire que ce n’est pas le moment de provoquer – dans ce journal - une crise avec les institutions françaises. Voilà qui est dit. Qu’est-ce que c’est pour vous être français, monsieur Alaoui, et puis monsieur Cukierman ?


FA : Français, c’est une adhésion de cœur. C’est une adhésion pour l’histoire, c’est une adhésion pour une réalité. Et pour dire que on ne peut pas avoir de double allégeance. C’est difficile d’avoir une double allégeance, ou une triple allégeance. Je pense que ce qui doit prédominer dans la pensée de tout citoyen français c’est l’intérêt de la France et la prospérité de la France et c’est la paix civile sur notre territoire. Je pense que c’est l’essentiel qui doit prédominer.


RC : Vous savez, les Juifs vivent en France depuis 2000 ans, nous allons fêter l’année prochaine le 900è anniversaire de la mort de Rachi qui vivait à Troie et qui est l’un des auteurs de référence pour le vieux français, nous adhérons totalement aux valeurs de la République, ça va de soi. Mais je voudrais qu’on parle, puisque vous avez exprimé votre volonté, comme le Recteur Boubaker et comme moi, de favoriser la paix civile, qui est indispensable pour toute la société française, moi, je voudrais vous proposer que vous publiiez un communiqué disant votre opposition à l’antisémitisme, et peut-être une lettre aux Imams qui dépendent de vous, pour leur dire…


FA : C’est déjà fait


RC : Le dire publiquement. Une lettre dans laquelle vous diriez : « il faut dire à vos enfants de ne pas battre, de ne pas insulter, de ne pas cracher sur les enfants juifs, parce qu’il en va du respect du Coran et du respect…. Je crois que c’est très important, car l’opinion publique n’est pas consciente de vos postions que j’ai effectivement découvert en regardant sur votre site et que je respecte et que je salue. Il y a un problème de communication de vos positions qui me paraît tout à fait important. Et je voudrais profiter de ce que nous sommes ici ensemble ce soir pour vous proposer une invitation. Nous avons une commission de relations avec les musulmans au CRIF, et cette commission a reçu jusqu’à présent des gens de la société civile musulmane, maghrébine, nous avons reçu…


JPE : Jamais l’UOIF ?


RC : Jamais l’UOIF. Et je serais très heureux que vous veniez chez nous au CRIF pour un dialogue avec cette commission. Et puis j’espère que dans deux mois ou dans trois mois, nous pourrions faire un petit peu un inventaire des progrès que nous avons réalisé. Et puis peut-être envisager d’autres coopérations sous forme de colloques ou…


FA : Vous avez monsieur Cukierman, au début de notre entretien …


JPE : Sur son invitation ?


FA : J’y viendrai. Au début de notre entretien, vous avez bien précisé que malheureusement nos prises de position en tant qu’UOIF ou que CFCM généralement ne sont pas très médiatisées. Je peux vous amener des dizaines de lettres ou de communiqués qui ont été adressés.


JPE : Vous êtes à l’antenne, profitez-en pour dire publiquement votre position.


FA : des dizaines de lettres qui ont été adressées à l’ensemble des imams et des responsables pour leur dire que l’antisémitisme est condamnable par l’Islam et les musulmans. On ne peut pas s’attaquer à un Juif parce qu’il est juif. On ne peut pas s’attaquer à un être humain d’une manière générale.


RC : Bravo.


FA : Parce que moi je reste toujours dans ma position qui est dictée par la religion musulmane. Celui qui tue une personne, c’est comme si il avait tué l’humanité toute entière. Ca c’est une règle générale. Je ne suis pas en train de vous faire plaisir. Je suis en train de parler de principes. Parce que ces principas là, nos enfants ils ont besoin de les entendre. Et moi, c’est là que je vous – s’il vous plait monsieur Cukierman, écoutez ce que je vais vous dire – je suis convaincu qu’à 99% des familles musulmanes ne disent pas le contraire de ce que je dis – 99% des familles musulmanes.


RC : Travaillons sur le 1% qui reste !


FA : Moi j’aimerais bien que le gouvernement qui travaille en étroite collaboration avec le CRIF pour le recensement des actes antisémites, moi j’aimerais bien qu’on propose ensemble qu’au lieu que ce soit un travail uniquement avec le CRIF, que le gouvernement mette une commission dans laquelle, les chrétiens, les Juifs et les musulmans autour du gouvernement se mettent autour d’une table…


JPE : Réponse de Cukierman.


RC : Aucun problème de mon point de vue.


JPE : Et à son invitation, comment vous répondez ?


FA : On recevra l’invitation et on répondra à l’invitation.


JPE : Mais vous pensez que vous répondrez comment ?


FA : On répondra Inch Allah, positivement.


JPE : Non, non


RC : c’est à dire que ça dépend de D.ieu.


FA : Mais D.ieu il est clément


JPE : Ca veut dire que vous ne pouvez pas prendre spontanément la décision, il faut appeler D.ieu ?


FA : J’appelle D.ieu dans tous les cas.


JPE : Donc vous dites oui ou non à son invitation ? C’est important pour ceux qui écoutent.


FA : Ecoutez, je ne veux pas faire de la langue de bois avec monsieur Cukierman. Le problème qui existe, ce sont les prises de position du CRIF. Ce que j’ai dit, depuis le début de notre entretien, c’est le fait de dire que les Juifs sont attaqués par des jeunes d’origine maghrébine etc.


JPE : Qu’est-ce que vous avez appris de lui aujourd’hui, comme lui a dû apprendre de vous en vous écoutant face à face ?


FA : Parce que monsieur Cukierman continue à dire qu’il s’agit de jeunes maghrébins.


RC : ce n’est pas moi qui le dit, c’est la réalité, c’est les faits. Moi je n’invente rien. Vous savez, je constate, simplement.


FA : Vous constatez, monsieur Cukierman qu’il s’agit d’actes de délinquance, premièrement, et que si il y avait un observatoire de tous les actes racistes, on verra que la même délinquance touche en même temps des enfants de confession musulmane.


JPE : Il a déjà répondu oui. Est-ce que ça veut dire, Roger Cukierman que si monsieur Alaoui vous invitait à parler devant les siens, qu’est-ce que vous répondriez ? Vous appelleriez aussi Inch Allah ?


RC : Non je lui dis oui, sans invoquer D.ieu, sans invoquer Allah.


FA : J’espère que nos positions mutuelles évolueront dans un sens positif. (membre de phrase inaudible)


JPE : On peut imaginer que vous recommenciez à vous parler ?


FA : Il n’y a aucun obstacle à ça.


JPE : On peut imaginer que vous alliez avec un chrétien peut-être aussi voir monsieur Villepin, monsieur Perben, monsieur Raffarin, monsieur Chirac, pour lutter contre toutes les formes de racisme.


RC: Tout à fait d’accord.


FA : Mais c’est la proposition que je fais actuellement. Au lieu que ce soit juste une question d’observatoire et que le gouvernement travaille avec le CRIF, ce qui est tout à fait légitime et louable sur la question des actes antisémites, que ce soit un peu plus large, pour que les trois religions monothéiste représentatives sur le territoire national puissent s’asseoir autour d’une table pour réfléchir.


RC : Mais l’urgence des faits aujourd’hui, c’est l’accumulation des actes antisémites qui sont beaucoup plus nombreux que tous les autres.


JPE : Mais il va vous aider à lutter contre ces actes.


RC : Tant mieux


JPE : Et parce qu’on ne se contente pas de ces belles phrases et de ces fausses vraies promesses qui n’engagent pas, vous pensez que vous pourrez l’un et l’autre quand il le faudra mener des actions en commun.


RC : Et bien que monsieur Alaoui vienne au CRIF, à la commission, on débattra, et on fera des propositions, on essaiera de progresser avec la volonté d’aboutir à une paix civile totale.


JPE : Et vous répondrez quand, Monsieur Alaoui ?


FA : Je répondrai Inch Allah


JPE : Mais quand ? Parce qu’il faut que lui aussi s’explique devant ses amis. Quand vous aurez consulté vos amis et Inch Allah, réponse quand pour Roger Cukierman ?


FA : Très prochainement.


JPE : Est-ce que vous avez bien fait de venir l’un et l’autre ?


FA : C’est toujours bien de se rencontrer.


RC : Je pense que oui.


JPE : Merci. Je vous offre « Jésus et Israël » et « L’enseignement du mépris», pour méditation. Ces deux grands livres de l’historien illustre Jules Isaac. Dimanche prochain l’invité sera Philippe Douste Blazy pour la réforme de l’assurance maladie.

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