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Publié le 12 Juillet 2010

Yigal Palmor : «Le Hamas ne veut pas devenir un interlocuteur d’Israël»

Le porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères, Yigal Palmor, répond aux questions de swissinfo.ch.




Des Suisses projettent d’affréter un bateau pour Gaza fin juillet. Que leur dites-vous ?



Yigal Palmor : Nous avons toujours le même message. Si quelqu’un souhaite faire entrer de l’aide humanitaire à Gaza, il faut qu’il se coordonne avec les autorités sur place (l’ONU, le gouvernement palestinien, Israël ou l’Egypte, selon la voie choisie). Si l’option choisie est d’outrepasser toutes ces autorités pour aller directement sur le terrain, nous sommes en droit de penser qu’il ne s’agit pas d’aide humanitaire. Gaza est depuis juin 2007 aux mains d’une organisation reconnue comme terroriste qui impose un état de guerre à Gaza, y compris contre l’Autorité palestinienne et l’Egypte. C’est la raison du blocus. Vouloir le briser n’allègera pas le sort de la population.



Mais ce blocus n’a fait que renforcer le Hamas.



Le Hamas ne l’a jamais caché : ce parti s’appuie sur l’Iran. Si le Hamas retrouve un accès libre à la mer, il ne fait aucun doute que le lien direct entre l’Iran et Gaza se rétablira en quelques semaines. Ce blocus ne peut être levé sans le moindre contrôle des côtes de Gaza.



Précisément, n’est-il pas temps pour Israël de négocier avec le Hamas sur une base élargie, comme le préconise David Grossman (un écrivain israélien proche du Camp de la Paix) et des hauts gradés de l’armée israélienne ?



Des perches ont été tendues à plusieurs reprises au Hamas. Pour ce faire, le Quartette (Etats-Unis, Russie, UE, ONU, ndlr) a mis des conditions loin d’être insurmontables (reconnaissance des accords passés entre Israéliens et Palestiniens, reconnaissance d’Israël et cessation des actes terroristes). Or le Hamas a toujours répondu par une fin de non recevoir, même quand il lui était demandé de n’accepter qu’une seule de ces conditions. Le Hamas a toujours refusé la moindre condition à une reprise du dialogue.



N’est-il pas logique que le Hamas refuse de faire des concessions préalables qui sont autant de cartes à jouer pour de futures négociations ?



Là encore le Hamas avait tout à gagner d’une réconciliation palestinienne. Or il refuse toujours que des représentants de l’Autorité palestinienne soient présents à Gaza pour, par exemple, participer au contrôle des point de passage vers Gaza. En fait, le Hamas ne veut pas devenir un interlocuteur d’Israël, même aux conditions qu’il aurait posées.



La « flottille de la liberté » a montré qu’il était possible d’obtenir un succès politique majeur sans l’aide de roquettes et d’attentats suicide. N’est-ce pas un changement stratégique majeur pour Israël ?



Il faut en effet proclamer haut et fort qu’il y a des moyens autres que la lutte armée à même de porter leurs fruits. C’est le sens de notre politique à l’égard de la Cisjordanie qui consiste à encourager l’activité économique et la vie politique. Nous montrons qu’un gouvernement palestinien luttant sur le plan politique et diplomatique qui choisit la négociation peut obtenir beaucoup de choses. Mais la « flottille de la liberté » n’a pas été pacifique. Son objectif était de se confronter directement à l’armée israélienne. De plus dans le passé, certains bateaux pour Gaza ont pu atteindre leur destination, mais ils ont été instantanément encadrés et instrumentalisés par le gouvernement du Hamas. Les pacifistes qui entendent envoyer des bateaux doivent se demander s’il est légitime d’encourager ainsi des terroristes.



Qu’en est-il du projet européen de monitoring aux frontières de la bande de Gaza ?



Y.P. : Constituée en 2005, la mission d’observation et de surveillance de l’Union européenne pour le point de passage de Rafah à la frontière de l’Egypte et de Gaza a été chassée par le Hamas en 2007, qui n’a jamais accepté son retour. Il serait d’ailleurs utile de discuter d’un élargissement des responsabilités européennes concernant la sécurité et les points de passage. Mais il faudrait déjà que cette force européenne puisse se redéployer.



Ce qui passe une fois de plus par des négociations avec le Hamas.



Bien sûr. Mais cela passe par des contacts qui ont toujours été maintenus entre l’Egypte et le Hamas.



Depuis les dernières élections palestiniennes, la Suisse préconise et maintient des canaux de communication avec le Hamas. Vous reconnaissez donc que de tels canaux peuvent s’avérer utiles.



Trois pays - vous me dites qu’ils sont quatre avec la Suisse – ont annoncé dès le départ qu’ils allaient maintenir des contacts ouverts avec le Hamas, même en cas de rejet des conditions du Quartette. Ce sont la Turquie, la Norvège et la Russie. Cette politique d’ouverture a-t-elle donné quelque chose, un assouplissement même symbolique du Hamas dans quelque domaine que ce soit ? La réponse est malheureusement : rien du tout.



(Article publié le 11 juillet 2010)



Photo : D.R.