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Publié le 14 Mars 2013

Camps des milles : « Des femmes à ne pas oublier - des femmes pour ne pas oublier »

 

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le Site-Mémorial du Camp des Milles a organisé le 8 mars 2013 son premier Forum annuel « Femmes debout, Femmes en résistances ». Environ 250 personnes sont venues entendre les témoignages éclairants des invitées de la table ronde. 

 

Dafroza Gauthier et Beate Klarsfeld ont témoigné d’abord de leur combat long et difficile pour la Justice et pour que soient punis les responsables d’actes génocidaires, contre les Tutsis au Rwanda, contre les Juifs en Europe.

 

 « J’ai vu le « mur des actes justes », à travers cela on voit que chacun peut résister », a précisé Dafroza Gauthier. « C’est tout simplement être un citoyen responsable de  refuser ce qui est inacceptable. Il n’y a pas d’autre manière d’être debout que de refuser ce qui est inacceptable ». En présentant son combat en tant que Rwandaise, elle a fait part de son expérience avec une émotion simple, mais forte : « Devant la perte de ses proches, devant l’horreur, pour ne pas sombrer il faut agir, l’action est une forme de résilience. Sur le coup, on essaye de vivre le deuil, mais on est perdu. (...) Pour éviter de sombrer, on essaye de faire quelque chose (...). Il y a des coupables. (...) on s’organise et on résiste. (...) Ça n’est pas de la vengeance, c’est pour la mémoire des victimes. Même parmi les survivants, il y a des êtres violés, cassés. Rien que pour eux, cela vaut la peine de se battre. »

 

Beate Klarsfeld a témoigné de son parcours après son arrivée en France. « En tant qu’Allemande, je ne suis pas coupable, mais j’ai une responsabilité morale et historique », a-t-elle souligné avec conviction. Elle a affirmé la nécessité de faire des actes forts, symboliques : « il fallait violer la société allemande, faire des choses inhabituelles ». Elle a cité la mémorable gifle qu’elle asséna au chancelier au congrès de son parti, ses actions spectaculaires dans la chasse aux nazis avec son mari, en Allemagne, en Syrie, en Argentine, au Paraguay, ses séjours en prison, l’affaire Barbie... Elle a décrit son engagement pour transmettre la mémoire de la Shoah au travers de la recherche des noms des déportés. Elle a enfin salué l’importance du Camp des Milles dans l’éducation des jeunes générations.

 

Claudia Bourdin, universitaire italienne, a présenté l’œuvre de Charlotte Salomon, jeune peintre assassinée à Auschwitz dont l’œuvre constitue une action de résistance intellectuelle et artistique à la déshumanisation dont elle fut la cible. Elle a souligné que « l’art peut permettre l’explication, l’illustration de mécanismes historiques ». L’œuvre de Charlotte Salomon, composée de 1300 gouaches, raconte la vie qu’elle a eue, l’antisémitisme dont elle fut la victime, l’angoisse, la fuite et les espoirs.

 

Edmonde Charles-Roux, retenue à Paris pour raison de santé, avait accepté immédiatement et avec amitié d’être présente à ce premier forum, apportant son soutien au Site-Mémorial du Camp des Milles et à cette initiative « C’est ce qu’il faut faire aujourd’hui ! » avait-elle indiqué avec force et conviction

 

Les témoignages forts et poignants firent surgir de nombreuses questions du public.

 

Auparavant, Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, avait présenté les objectifs de ce forum : rendre hommage aux femmes souvent peu connues, mais essentielles à la Résistance, et au travers de ces exemples, affirmer la capacité de chacun à réagir, à résister, chacun à sa manière.

 

Si les actions des hommes et des femmes n’existent pas les unes sans les autres, il s’agit ici de rendre hommage aux femmes souvent oubliées qui se sont élevées face à la barbarie, à celles qui se sont engagées dans le combat contre l’oubli, à celles qui surent, par leurs gestes parfois simples, aider les victimes de l’inacceptable.

 

Il a rappelé l’action de Denise Toros-Marter, déportée à 16 ans à Auschwitz et l’une des initiatrices du projet de Mémorial du Camp des Milles, elle aussi souffrante, et d’Yvette Impens, résistante aixoise  active dans les débuts de ce projet jusqu’à sa disparition. Il a cité les femmes « Justes » du Camp des Milles, Nelly Bartoloni, Marie-Jeanne Boyer, Françoise Donadille, Georgette Donnier et Alice Manen, aujourd’hui disparues, et dont le souvenir est souvent occulté par celui de leurs époux.

Un hommage a été rendu à la vie d’engagements de Françoise Seligmann, résistante juive qui sauva des jeunes enfants en les faisant passer en Suisse, plus tard présidente d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, ainsi qu’à la sœur de Mme Simone Veil, Denise Vernay, elle aussi résistante et déportée à Ravensbrûck, toutes deux récemment décédées.

 

Pour Alain Chouraqui, cette génération disparaît, et « nous sommes de plus en plus seuls responsables de l’avenir ». D’où l’importance particulière d’un lieu de mémoire comme le camp des Milles, lieu témoin qui prend le relais des témoins, lieu de mémoire, mais aussi d’éducation citoyenne et de culture.

 

Ont enfin été présentés en écho à la table ronde deux films (« Rosenstrasse » et « Sophie Scholl, les derniers jours ») illustrant l’action efficace de femmes remarquables, anonymes pour la plupart pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

La présence et l’action de toutes ces femmes vient illustrer le « Mur des Actes justes », dispositif clôturant la partie réflexive du parcours de visite du Site Mémorial et montrant la variété des actes de résistance et de sauvetage possibles et la grande diversité des hommes et des femmes qui nous ressemblent et qui ont su réagir efficacement pour ne pas laisser faire l’inacceptable.

 

Le succès de cette Journée encourage la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation à souhaiter que ce Forum soit le premier de beaucoup d’autres dans le Site-Mémorial.

 

www.campdesmilles.org