Actualités
|
Publié le 12 Décembre 2016

#Crif Bordeaux - Rencontres judéo musulmanes

Ces rencontres étaient co organisées par le Crif autour du thème "Que faire face aux dérives fanatiques" à Bordeaux. Dans les salons de l'Hôtel de Rohan, juifs et musulmans se sont retrouvés pour une fin d'après midi conviviale. Buffet sucré et thé au jasmin ou à la menthe pour accueillir les participants, au nombre de 300 environ. Le temps fort de cette rencontre fut le débat entre Tareq OUBROU, recteur de la mosquée de Bordeaux et le Dr Hervé REHBY, co-président du Centre culturel Yavné de Bordeaux. Le thème choisi cette année: "Que faire face aux dérives fanatiques? La responsabilité des institutions devant une jeunesse désenchantée", débat modéré par P. CHAVOT.
 
Jeunesse désenchantée ? Que comprendre de cette expression utilisée par les jeunes eux-mêmes? Pour T. Ourouk, c'est le résultat de la perte des valeurs religieuses, de la méconnaissance des sources spirituelles. Pour H. Rehby, le désenchantement de la jeunesse procède de la privation progressive des étapes formatrices de l'enfance, perte des rêves, des mythes, des éléments du merveilleux. La jeunesse serait trop vite confrontée au réel, au concret, et donc à la peur de l'avenir, et à la terreur de l'échec. Les pouvoirs publics réagissent aux attentats de 2014 et 2015 par des mesures sécuritaires renforcées. Mais pas de réflexion en profondeur sur les racines du mal rongeant aujourd'hui la jeunesse, principalement musulmane, mais pas seulement. L'accent est mis rapidement sur la démission des familles, sur la disparition du lien verbal entre parents et enfants, confirmée par une psychiatre de l'assistance. Déresponsabilisation également de l'école publique incapable de s'adapter aux nouveaux défis de l'intégration et du vivre-ensemble.
 
Le déficit de connaissance est patent, insiste T. Ourouk, et plus encore le non apprentissage de la pensée, et des modalités de l'acte de penser. Doute nécessaire et interrogation permanente à retrouver de toute urgence. L'imam parlait alors presqu'en langage talmudique, comme le lui faisait remarquer H. Reh by. Nécessité de réinvestir aussi l'incertitude comme paramètre constituant de l'être en formation, et la subjectivité qui permettrait, pour H. Reh by, d'échapper aux jugements hâtifs de l'essentialisation de l'Autre, et aux dérives violentes. Le monde à détruire pour cette jeunesse en mal d'action et d'héroïsation, est celui des pères. Ils s'en remettent donc, pour T. Oubrou, à la régression la plus lointaine, celle des origines de l'Islam par exemple, celles des anciens compagnons du Prophète, démarche appelée salafisme. Et le recteur de la mosquée de Bordeaux de rajouter, sans détour ni langue de bois, que la lecture du Coran aujourd'hui, n'a pas bougé depuis l'époque médiévale. Profitant de l'occasion, H. Reh by rappelle à son interlocuteur, que la racine arabe "salaf" veut dire prêter, et aussi interpréter. Pourquoi dès lors, ne pas retravailler le salafisme en approche interprétative du texte, en herméneutique active. T. Ourouk acquiesce devant un parterre étonné et annonce travailler en ce sens dans l'avenir. 
 
H. Reh by explique quant à lui, que l'inertie des institutions à ne pas traiter efficacement les problèmes des dérives fanatiques ou radicales  est une conséquence du "politically correct" expression de la bien-pensance made in USA. A ne pas nommer les maux d'une civilisation en mal de repères, à vouloir édulcorer les faits pour ne pas être taxés de racisme ou de conduites discriminatoires, l'on finit par se vivre impuissants devant la réalité brutale. Il est plutôt temps d'analyser, de juger et d'agir en toute sérénité, déliés de cette contrainte morale insupportable du "politically correct". T. Ourouk rappelle aussi que le vivre ensemble passe par la connaissance de l'Autre en tant qu'il est Autre. Juif ou musulman, le qualificatif cache une infinie complexité de chaque être, caricaturalement appelé juif ou arabo-musulman. Et H. Rehby de surenchérir, en rappelant que la pire des catastrophes a été la désaffection rapide et massive des enfants juifs, insultés ou agressés, des écoles de la République, sans véritable ou courageuse réaction des élus locaux, et du gouvernement. La sanction de ce repli vers les écoles juives a conduit à la disparition de l'Autre dans le champ de vision de chacun, absence propice à toutes les formes de préjugés fantasmatiques, qui deviennent d'ailleurs réciproques.
 
Multiplier les rencontres. Redécouvrir l'Autre dans sa singularité et dans la richesse de ses promesses. Réhabiliter une estime de l'Autre qui passe par un retour à une estime de soi. Altérité quand tu nous tiens! Altérité quand tu nous manques? 
Débat intense, fécond et riche en références et citations. La rencontre s'est terminée par un cocktail apprécié de tous et par un concert magistral de guitare classique sur des pièces du répertoire arabo-judéo-andalou, par le guitariste israélien Yoram ZERBIB. Standing ovation. On en redemande.
 
Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance