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Publié le 8 Juin 2018

#Crif #ContreLaHaine - Google et YouTube : éthique ou profit ?

Le 6 juin 2018, la chaîne YouTube du multirécidiviste Alain Soral était fermée par Google. Le Crif avait vivement salué cette décision. Mais hier, en fin d'après-midi, nous apprenions la ré-ouverture du compte YouTube. Entre interrogations et inquiétudes, le Crif réaffirme son engagement dans le combat contre toutes les haines.

Le 6 juin 2018, la chaîne YouTube du multirécidiviste Alain Soral a été fermée à la suite d’un troisième avertissement en trois mois pour «non-respect du règlement de la communauté» des Youtubeurs, écrit Le Monde, du 7 juin.

Cette chaîne compte 100.000 abonnés qui se nourrissent de délires complotistes, antisémites et négationnistes. Rappelons que l'essayiste d'extrême-droite a été condamné plusieurs fois par la justice de notre pays.

Une vidéo mise en ligne sur la chaîne d’Egalité & Réconciliation avait fait l’objet d'un signalement, selon un message de YouTube cité sur le site d’Alain Soral, qui mentionnait explicitement l’«incitation à la haine ou à la violence.»

Mais, nous apprenions ce 7 juin, en fin de journée que YouTube vient de rouvrir la chaine YouTube ERTV. Selon eux, les infractions aux conditions d’utilisation n’étaient pas caractérisées, selon les informations transmises par Google à Robert Ejnes, directeur de l’institution.

"Après examen de votre compte YouTube, nous vous confirmons qu'il est conforme à nos conditions d'utilisation. En conséquence, nous avons annulé la suspension du compte. Il est donc à nouveau actif et opérationnel", écrit YouTube.

Incroyable et gravissime affirmation de YouTube.

Quel niveau de crasse, quel niveau d’horreur, quel niveau d’insanités, quel niveau de bouffonneries complotistes, quel niveau de monstruosités antisémites et de pourritures négationnistes faut-il atteindre pour que YouTube ferme cette chaîne ? Le monde virtuel doit-il être le refuge de toutes les provocations, haines et violences qui bafouent constamment la nature humaine, qui salissent constamment la nature humaine, qui heurtent la conscience humaine ?

Sommes-nous alors des censeurs, nous qui nous battons pour que le Net soit régulé de ces scories ?

Sommes-nous des censeurs, nous qui considérons que le racisme et l’antisémitisme ne sont pas une opinion, mais des délits ?

Sommes-nous des censeurs, nous qui nous appuyons sur les conventions, chartes et traités internationaux, dûment signés et acceptés par tant de pays et de peuples ?

Je rappelle ici que les restrictions à la liberté d’expression peuvent être considérées comme légitimes pour lutter contre le racisme, non seulement sur la base de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales (articles 4 et 1 notamment) et selon la jurisprudence établie par le CERD mais en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Bien plus, concernant l’article 4 de la CIDR, on insiste aujourd’hui sur l’application effective de celui-ci. L’article 4a est en effet particulièrement clair à ce sujet : la diffusion active de propagande raciste est punissable pénalement. Et de rappeler, à propos des libertés en général, que « celles-ci ne pourront en aucun cas s’exercer aux dépens des droits d’autrui reconnus par l’ONU dans l’ensemble de ses instruments internationaux et en particulier au chapitre i de la Charte de l’ONU et à l’article 30 de la Déclaration universelle. » Il ressort ainsi clairement de cette disposition, que « la liberté d’expression ne peut être utilisée pour promouvoir le non-respect des droits de l’homme. »

Si l’on se réfère à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les dispositions existantes s’appliquent aussi aux nouveaux médias. Si le droit à la liberté vaut pour Internet, les restrictions à celle-ci s’appliquent également. Internet n’étant qu’un instrument et non un but en soi, il ne peut être tenu pour affranchi des lois nationales et internationales.

Enfin, est-ce nous qui sommes dangereux ou les autres? Ceux qui se taisent lorsque des pages attisent la haine, discriminent, poussent au meurtre? Ceux qui se nourrissent de ces contenus ? Et foulent au pied les plus élémentaires des droits: les droits de l'homme

Dernière question. Que fait la justice ?

Marc Knobel