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Publié le 17 Septembre 2018

Crif - L’attentat de la rue de Rennes : Paris à feu et à sang

L’attentat de la rue de Rennes (17 septembre 1986) est le dernier d’une série de quatorze commis en 1985-86 par un réseau terroriste pro-iranien, pour le compte du Hezbollah libanais.

Par Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif

Il est 17 h 25, deux hommes à bord d'une BMW noire lancent une bombe devant le magasin Tati, rue de Rennes (Paris VIe). C'est un mercredi, jour des enfants, dans une des artères les plus commerçantes de la capitale. Lorsque la bombe chargée de limaille explose devant le 140 de la rue de Rennes à Paris, un magasin d’artisanat contigu au magasin Tati.

René Bastong, Audrey Benghozi, Claudie Béral, Amil Mamadali, Linda Medioni Lajus, Micheline Peyrat et Moktar Tahirali sont les sept victimes de l’explosion qui fait également 55 blessés.

Paris, à feu et à sang !

«J’ai été projetée en l’air (...) c’était un spectacle d’horreur : des bras, des jambes, des mutilations terribles… puis je me suis regardée et j’ai vu que je n’avais plus que la moitié d’une jambe et que mon sang coulait.» Deux minutes auparavant, Colette Bonnivard flânait encore insouciante devant les vitrines des magasins. Mais comme tant d'autres Parisiens, elle avait tout de même en tête les images d'horreur qui inondaient les médias cette année-là (1).

Le 17 septembre 1986, Francis Counot était l’une des victimes de l’attentat de la rue de Rennes, à Paris. Il raconte.

«A 100 m de la Tour Montparnasse, j'ai entendu une explosion. Un bruit assourdissant. Ce qui m'a choqué, pendant longtemps, c'est l'immense silence qui s'est installé aussitôt après, alors qu'une foule immense s'agitait peu avant. » Francis Counot pense immédiatement à l'explosion d'une conduite de gaz. Ça arrive souvent, à Paris. Non ? 

Non. Ce jour-là, il devient sans le savoir victime d'un attentat. Une bombe bourrée de clous de tapissier, déposée dans une poubelle par un réseau terroriste pro iranien, pour le compte du Hezbollah libanais. «Je n'ai pas senti le souffle mais j'ai vu comme l'effet d'un orage de grêle avec des pare-brise étoilés ou cassés, autour de moi. J'ai ressenti une douleur. Du sang coulait de ma main et à mon sourcil (2) »

L'explosion. Le silence. Puis les hurlements de douleurs des victimes. Les sirènes entêtantes des secours, enfin. «Il y avait trois à quatre cents personnes à terre. Tous les gens que je voyais autour de moi avaient du sang sur eux. Parfois de haut en bas. J'ai mis très longtemps à me séparer de cette image.»

Depuis l'explosion de plusieurs bombes dans les Galeries Lafayette et au Printemps le 7 décembre 1985, Paris essuie en effet une série d'attentats sanglants, dont six dans le seul mois de septembre 1986.

Pour le compte du Hezbollah libanais

L’attentat de la rue de Rennes est le dernier d’une série de quatorze commis en 1985 et 1986 par le réseau terroriste pro-iranien de Fouad Ali Saleh pour le compte du Hezbollah libanais. Ces attentats ont fait au total 13 morts et 303 blessés. Leur but : obtenir la libération d’autres terroristes détenus en France (3).

L’attentat de la rue de Rennes est le dernier et le plus meurtrier des quatorze attentats revendiqués par le «Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient», fomenté par Fouad Ali Saleh pour le compte du Hezbollah libanais avec pour objectif de faire cesser le soutien apporté par la France à l’Irak dans le conflit qui l’oppose à l’Iran et d'obtenir les libérations de trois terroristes détenus en France : Anis Naccache (réseau iranien) (4), Georges Ibrahim Abdallah (réseau libanais FARL) (5) et Varadjian Garbidjan (6) (réseau arménien ASALA).

Qui est Fouad Ali Saleh ?

Fouad Ali Saleh est un Tunisien né en France, converti au chiisme. Il était jugé comme organisateur d’une partie des attentats terroristes commis à Paris en 1985-1986, en relation avec des péripéties de la guerre civile libanaise. Le chef du commando terroriste responsable de cette campagne d’attentats, Fouad Ali Saleh, a été arrêté en mars 1987.

Pour comprendre qui est vraiment Fouad Ali Saleh, lisons les exaltations de ce terroriste meurtrier et fanatisé (Extraits des déclarations de Fouad Ali Saleh publiées dans Le Monde et Libération les 30 et 31 janvier, 5 et 11 février 1990) :

« Au nom de Dieu tout-puissant, destructeur de l’Occident, que soient maudits les fils mécréants d’Israël et de Jésus [...]. Je ne m’appelle pas Fouad Ali Saleh, je m’appelle la mort de l’Occident [...]. Les juifs et les chrétiens, fils de porcs, n’ont pas le droit de parler quand un musulman s’exprime, [...] ces chrétiens anthropophages qui mangent leur Dieu au cours d’un rituel maçonnique, ils le mangent dans l’Eucharistie [...]. Il faut mener la guerre sainte pour purifier la Terre de la puanteur judéo-chrétienne [...]. Le sida est le chef-d’œuvre de l’esthétique judéo-chrétienne [...]. L’Occident n’a plus le droit à l’existence ! Les crimes que vous avez commis depuis des siècles justifient votre anéantissement total [...]. Le terrorisme, c’est le prêche, c’est la guerre sainte ! Dieu ordonne de posséder des armes pour se défendre. Comment les Afghans ont-ils fait et les Vietnamiens et les Algériens ? Je prêche la guerre sainte contre l’Occident qui menace les musulmans. Les juifs veulent faire de la planète un camp de concentration, avec les chrétiens comme gardiens et comme bourreaux [...]. La perestroïka, voilà le terrorisme, c’est un complot contre l’Islam [...]. L’Occident sera sanctionné sans pitié jusqu’à l’extermination du dernier Européen de la planète, judéo-chrétien, gréco-romain blanc et occidental [...]. C’est la guerre sainte. Il est fini l’Occident. Quatorze millions d’enfants sont morts cette année à cause de l’Occident [...]. Le Hezbollah vous écrasera. Faites votre deuil et préparez votre cercueil, chrétiens, vous les ennemis de Dieu. Je suis là pour votre malheur [...]. Musulmans, attaquez les centrales nucléaires, les usines chimiques. Que la justice déferle par vagues. L’islam a tout le temps. De l’Iran, nos frères partiront livrer bataille et iront sur Paris, Londres et Washington... (7) »

Le 14 avril 1992, Fouad Ali Saleh, est reconnu coupable et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité,  assortie d’une peine de sûreté de dix-huit ans.

Notes :

1) Le Parisien, 17 septembre 1986 et les éditions suivantes.

2) La Nouvelle République, 11 juin 2017.

3) La Croix, 16 septembre 2016.

4) Anis Naccache et quatre membres d’un commando avaient tenté d’assassiner en France, en 1980, l’ex-premier ministre iranien Chapour Bakhtiar. Condamnés en 1982, sauf un, à la réclusion criminelle à perpétuité, et détenus depuis dix ans, les cinq hommes sont aussitôt expulsés vers l'Iran. A la suite de la libération d’otages français, le président François Mitterrand avait accepté de gracier Anis Naccache, le 27 juillet 1990, expulsé le jour même vers Téhéran.

5) En 1980, ce chrétien aujourd'hui âgé de 63 ans avait fondé, avec plusieurs membres de sa famille, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupe marxiste pro-syrien et anti-israélien qui a revendiqué cinq attentats, dont quatre mortels, en 1981-82 en France. Il avait été arrêté à Lyon le 24 octobre 1984 et jugé coupable de complicité dans l'assassinat de deux diplomates. Trente ans sous les verrous mais pas un seul regret.

6) Varadjian Garbidjan est un ancien membre de l'ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie), il est le chef du commando de l'attentat du 15 juillet 1983 perpétré à l'aéroport d'Orly où une bombe explose et tue huit personnes au comptoir de la compagnie Turkish Airlines. Condamné à la prison à vie le 3 mars 1985, il est libéré dix-sept ans plus tard (notamment grâce à sa bonne conduite en prison, et car l'ASALA a été dissoute). Il est expulsé dès sa sortie de prison vers l'Arménie en 2001.

7) Cité par https://www.cairn.info/revue-herodote-2002-3-page-3.htm

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