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Publié le 10 Mars 2017

#Crif - Le drame de l'école Ozar Hatorah de Toulouse par Marc Knobel

Retour sur l'horreur du 11 au 19 mars 2012

Le 11 mars 2012, dans le quartier tranquille de Montaudran, à Toulouse, le maréchal des logis-chef Imad Ibn Ziaten, 30 ans, gare sa moto sur une esplanade. Il est en civil. Quelques jours auparavant, il avait mis sa moto en vente sur un site Internet, une Suzuki 650 cm3. Sans doute avait-il rendez-vous avec un acheteur potentiel. Justement, un homme arrive en scooter et s’arrête à sa hauteur. Bizarrement, il garde la visière de son casque rabattue. Sortant une arme à feu de sa poche, il tire, quasiment à bout portant, ne laissant au militaire aucune chance de s’échapper. Imad Ibn-Ziaten est abattu froidement par cet inconnu. La balle a traversé la pommette gauche, jusqu’à l’aplomb de l’œil.

Quelques jours plus tard, le jeudi 15 mars, à Toulouse encore, le soldat de première classe Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad, 24 ans, retire de l’argent dans un distributeur. Il est accompagné par deux camarades. Un homme à scooter, casqué et vêtu de noir ralentit, s’approche des militaires par derrière et ouvre le feu. Il abat Mohamed Legouad et son ami Abel Chennouf. Quant à Loïc Liber, il est touché à la moelle épinière1 . 

C’est encore à Toulouse, dans le quartier Jolimont, que le lundi 19 mars, peu avant 8h30 du matin, à l’heure où les élèves de l’école Ozar Hatorah s’apprêtent à entrer en cours, que l’homme casqué gare son scooter. Il s’avance d’un pas tranquille, sort une arme et ouvre le feu sur un groupe de personnes massées devant l’établissement. Un professeur de religion du collège, Jonathan Sandler, 30 ans, est atteint au ventre. Il s’écroule au pied de son fils Arieh, 5 ans, mortellement touché lui aussi. Le tueur fait quelques pas dans la cour, ouvre le feu à nouveau. La fille du directeur de l’école, Myriam Monsonego, 7 ans, tente de s’échapper. Elle ne fait que quelques foulées, avant d’être atteinte d’une balle dans le dos. Le tueur tire alors sur le petit Gabriel Sandler, 4 ans. Puis, il revient vers Myriam, l’empoigne férocement par les cheveux et l’achève d’une balle dans la tête, avant de prendre la fuite sur son deux-roues. Un autre adolescent est grièvement blessé. Les enfants crient dans tous les sens.

C’est l’horreur. Des élèves et des membres du personnel emmènent les victimes dans la salle de prière. La plupart des élèves prient, d’autres pleurent. L’agitation règne un peu partout. Un jeune de 16 ans, secouriste, tente vainement de réanimer l’un des enfants. Le désespoir se lit sur les visages. Lorsque, quelques minutes plus tard, les parents viennent chercher leurs enfants, ceux-ci se blottissent dans leurs bras, en larmes ou hébétés.

À 9 heures du matin, l’alerte est donnée par la préfecture pour sécuriser tous les établissements de confession juive et les synagogues du département. À 10 h 15, le procureur de la République de Toulouse confirme que le tueur « a tiré sur tout ce qu’il avait en face de lui, enfants et adultes ». Au même moment, Nicolas Sarkozy donne une interview sur Radio France Outre-mer (RFO), quand il apprend la nouvelle : la tragédie de Toulouse le frappe de plein fouet. Aussitôt, il donne ses instructions : 1. Claude Guéant, son ministre de l’Intérieur, suivra les opérations depuis Toulouse. 2. Il recevra ensemble les représentants des communautés juive et musulmane, pour manifester l’unité nationale. 3. Il interrompra enfin pendant quelques jours toutes ses activités de campagne électorale2 . Sur le champ, le chef de l’État se rend à Toulouse : « C’est une tragédie nationale», déclare-t-il en demandant « une minute de silence dans toutes les écoles de France à la mémoire de ces enfants martyrisés ». Sur place arrivent François Hollande, accompagné de Manuel Valls, Pierre Moscovici et Élisabeth Guigou, puis en fin d’après-midi, François Bayrou.3 A 16 h 30, une conférence de presse est organisée par les représentants de la communauté juive de la région. La voix troublée par l’émotion, Nicole Yardeni, présidente du CRIF Midi-Pyrénées, raconte les images de la tuerie qu’elle vient de visionner: « On voit un homme casqué très déterminé, très calme, très professionnel, au sens nazi du terme. Qu’on puisse poursuivre des enfants dans une école. Pour les abattre. (Silence) Ces enfants, ce sont nos enfants, mais ce sont aussi les enfants de tous. Nous parlons comme Juifs, mais pas seulement. Ce qui nous inquiète, nous inquiète pour tout le monde. »

À 17 heures, une cérémonie religieuse est organisée. La synagogue est pleine à craquer. Plus tard, à Paris, une marche silencieuse entre République et Bastille rassemble plusieurs milliers de personnes, préfigurant celle du dimanche suivant, à laquelle appellent les responsables des communautés juive et musulmane4 . L’opinion publique est donc sous le choc. La classe politique décrète une trêve dans la campagne. Mercredi 21 mars, vers 1h du matin, Mohamed Merah appelle Ebba Kalondoa, rédactrice en chef de France 24. Il est alors 1 h du matin, et la jeune femme vient de terminer son service quand son assistante lui transmet l’appel de Mohamed Merah. Le présumé tueur se montre très clair, très précis et très calme, et affirme avoir filmé les tueries et qu’elles seront bientôt sur la Toile : « Il m’a dit : ‘‘Bonsoir madame, j’appelle pour revendiquer les attentats à Montauban et à Toulouse.’’ […] Il était très à l’aise avec le langage de la violence. Il parlait des actes, il parlait des opérations très techniques, presque militaires. Il disait ‘‘les cibles’’, il était très détaché par rapport à l’humanité de ses victimes. […] Il disait : ‘‘J’ai tiré deux coups pour la première victime, vous pouvez demander à la police parce qu’ils ont dû se demander pourquoi il n’y a pas les douilles sur les lieux, c’est parce que je les ai ramassées.’’ Il a dit que deux choses pouvaient l’arrêter : soit on l’attrape et il ira en prison la tête haute, soit il rencontrera la mort avec un sourire. […] Il a mis en garde en disant qu’il y aurait d’autres attentats. Il a reparlé de Toulouse, mais aussi de Lyon, Marseille et Paris. Il a répété sans cesse que ce n’était que le début5(...)

 

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Auteur : Marc Knobel
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