Pourriez vous nous expliquer ce qui se passe à l'heure actuelle à Jérusalem ?
 
Les événements ont débuté le 14 juillet dernier, lorsque deux policiers israéliens ont été assassinés, sur le Mont du Temple, par une cellule de trois terroristes arabes israéliens, munis d'armes à feu. En réaction, les autorités israéliennes ont décidé d'installer des portiques de sécurité équipés de détecteurs de métaux aux abords du Mont du Temple, ou Esplanade des Mosquées.
La décision a été perçue par les autorités religieuses gérant les lieux saints musulmans, le Waqf, comme une atteinte au statu quo prévalant sur le site depuis juin 1967. Tant que les portiques ne seront pas démantelés, disait-on alors au Waqf, les fidèles musulmans ne se rendront pas sur l'esplanade. De violents affrontements ont éclaté par la suite, principalement dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est.
Au cours de ces heurts, cinq Palestiniens ont été tués. Le 21 juillet, un terroriste palestinien a assassiné trois membres d'une même famille, les Salomon, dans leur domicile de l'implantation de Halamish. Il affirmait vouloir "sauver la mosquée d'Al Aqsa".
 
Parallèlement, un incident diplomatique a éclaté avec la Jordanie, lorsqu'un agent de sécurité de l'ambassade à Amman a tué, alors qu'il était en état de légitime défense, deux ressortissants jordaniens. Conséquence probable de cet incident, le cabinet restreint israélien a décidé, le 25 juillet, de retirer les fameux portiques et de les remplacer, dans les prochains mois, par un nouveau dispositif de sécurité reposant essentiellement sur des caméras équipées d'un mécanisme de reconnaissance faciale. De son côté, le Waqf campe sur ses positions et ne permet toujours pas un retour à la situation qui prévalait avant le 14 juillet.
A l'heure ou ses lignes sont écrites, le calme n'est toujours pas revenu à Jérusalem.
 
Quelles sont les réactions dans la classe politique israélienne ?
 
Une part importante de la droite a considéré l'installation des portiques aux abords du Mont du Temple comme l'expression de la souveraineté israélienne sur les lieux. Lorsque le cabinet restreint a décidé du démantèlement des portiques, deux ministres du parti national-religieux, le Foyer juif, et un du Likoud, se sont opposés.
Du coté de l'opposition de centre-gauche, on reproche au gouvernement d'avoir agi avec précipitation en décidant de l'installation des portiques au lendemain de l'attentat du 14 juillet, en dépit de l'avis réservé, voire de l'opposition des services de sécurité intérieure (Shabak) et des renseignements militaires.
Le nouveau président du parti travailliste, Avi Gabbay, a demandé à son parti de déposer une motion de censure contre le gouvernement, malgré la situation sécuritaire tendue.
 
Va-t-on vers l'apaisement ?
 
Pour Benyamin Netanyahou, cette crise constitue un dilemme difficilement gérable. Le premier ministre israélien était en effet écartelé entre deux constances de sa politique : une très grande prudence dans les situations de crise sécuritaire d'une part, la volonté de ne pas froisser l'aile droite de son électorat de l'autre.
En décidant de retirer les portiques il a finalement choisi de privilégier la première option, prenant ainsi un risque politique certain. D'autant plus qu'il n'est pas garanti que la décision du cabinet restreint permette une réelle accalmie.
Les événements ont leur propre logique, et c'est malheureusement celle d'une tension se nourrissant elle-même. La motivation d'ordre religieuse des émeutiers et des terroristes palestiniens semble centrale, ce qui , là non plus, n'incite pas vraiment à l'optimisme quant à l'éventualité d'une sortie de crise rapide. Israël, mais aussi, malgré les déclarations intempestives de son président, l'Autorité palestinienne, ont intérêt à un retour au calme.
 
C'est également le cas des pays arabes sunnites avec lesquels Benyamin Netanyahu veut renforcer ses relations. Les Etats-Unis sont eux aussi impliqués dans les efforts diplomatiques déployés pour parvenir à l'apaisement sur le terrain. Or les éléments radicaux incitant aux violences n'ont aucune considération pour ces différentes puissances. Une note d'optimisme, pourtant : l' ''Intifada des couteaux'', qui avait débuté à l'automne 2015 et avait été déclenchée, elle aussi, par de fausses rumeurs sur la volonté israélienne de remettre en cause le "statu quo'' sur l'Esplanade, avait été jugulée, grâce à une politique sécuritaire tout à la fois efficace, pragmatique et prudente.