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Publié le 27 Novembre 2018

Crif - Les menaces iraniennes contre Israël

Le 24 novembre 2018, le président iranien Hassan Rohani a qualifié l'État d'Israël de « tumeur cancéreuse » créée par les pays occidentaux. Ce genre d’attaques contre Israël est récurrent en Iran, malgré le contexte. Explications de Marc Knobel, historien et directeur des Etudes au Crif.

L’Iran, en pleine crise.

Commençons par rappeler le contexte.

A l’heure actuelle, l’Iran affronte une crise économique majeure, accentuée par les sanctions économiques décidées par le Président Donald Trump, fervent opposant à l’accord sur le nucléaire, signé en juillet 2015.

La devise iranienne, malmenée, a perdu 50 % de sa valeur depuis fin 2017. Pour enrayer le mouvement, les autorités ont instauré, en avril, un contrôle des changes avec un taux fixe de 42.000 rials pour 1 dollar (1). Conséquence ? Une grande partie de la population est appauvrie, durablement. Le fossé entre les classes laborieuses et dirigeantes s’accroit dangereusement. Les iraniens ont le sentiment que leur pays n'est pas géré comme il devrait et qu’une petite minorité seulement, détient le pouvoir. De plus, la corruption règne. Malgré deux ans de relative embellie économique (2015 – 2017), l’Iran ne s’est jamais remis des années de crise, constate Le Monde. Les Iraniens ont les poches vides, l’appareil productif rouille. Les ventes de pétrole libérées par l’accord ont bien apporté des devises, mais elles n’ont pas entraîné la création d’emplois en nombre suffisant pour absorber le million de jeunes rejoignant chaque année le marché du travail. Presque 30 % de la jeunesse demeure au chômage, selon le Fonds monétaire international, rapporte le quotidien (2).

Par ailleurs, les choix stratégiques et géopolitiques renforcent l’instabilité.

Plutôt que de soutenir sa population, de renforcer son économie et d’aider les plus pauvres, la classe dirigeante soutient des mouvements sécessionnistes (Yémen – Bahreïn…) et appuie la rébellion (terroriste) en plusieurs pays.

De fait, l’Iran dont les visées sont expansionnistes, menace plusieurs pays du golfe et l’Etat Israël. Or, cela a forcément un coût que d’aider la rébellion et des organisations terroristes. Justement, ce coût énorme greffe dangereusement le budget de l’Etat.

Précisons. Rohani avait peut-être essayé de remettre en cause cet état de fait, mais il a complètement échoué. Il faut rappeler cette évidence lorsque l’on parle de l’Iran. Institutionnellement, Rohani a moins de pouvoir que le Guide de la Révolution. Car, en Iran, la réalité du pouvoir est détenue par le seul Guide de la révolution, dont les positions sont connues. Le Guide représente la continuité du régime, il assure sa survie (3).

Or, depuis plusieurs mois, Rohani est la cible des conservateurs (du régime). Il est attaqué pour sa « naïveté » face aux Occidentaux, après le retrait de Donald Trump de l’accord sur le nucléaire (4). Sa situation est donc délicate.

Nous pouvons facilement admettre qu’il lui faudra alors assurer sa survie politique. Dans ces conditions, quoi de mieux que de dénoncer les ennemis extérieurs, que sont les Etats-Unis et Israël ? La tentation est grande et a toujours été grande en Iran de charger les ennemis du régime ou de dénoncer des puissances étrangères pour calmer les opposants et détourner le peuple des vrais problèmes.

L’Iran menace de détruire Israël

Et, ce n’est pas une nouveauté.

En mars 2008, un rapport officiel révélé par le quotidien israélien Yediot Aharonot affirmait qu’en cas de conflit avec le Hezbollah, il y aurait des « centaines de morts, des milliers de blessés, des tirs de barrage de missiles contre la région de Tel-Aviv, une paralysie totale de l'aéroport international Ben Gourion, des axes routiers bombardés sans relâche, l’effondrement du système d'adduction d'eau, de longues coupures d'électricité: c'est ce qui se passera durant la prochaine guerre » : bref, une pluie de missiles tirés par le Hezbollah chiite libanais et l'Iran s'abattrait sur Tel-Aviv et sa région en cas d'une guerre avec Israël.

Ce rapport, censé être secret, avait été rédigé par l'Administration pour l'économie d'urgence, un bureau gouvernemental chargé des situations d'urgence, et transmis aux ministères concernés ainsi qu'aux collectivités locales, précisait le journal.

Ce document affirmait que ce scénario catastrophe est le fruit d'une réflexion sur le déroulement de la guerre au Liban menée du 12 juillet au 14 août 2006 contre la milice chiite du Hezbollah pro-iranien.

Or, selon ce rapport, un conflit devrait se prolonger pendant environ un mois, et impliquerait également la Syrie. Celle-ci déclencherait des hostilités sur le plateau du Golan et tirerait des milliers de missiles Scuds contre les agglomérations de Galilée. Des missiles balistiques iraniens à ogives conventionnelles frapperaient aussi Israël, qui serait en outre la cible d'attaques suicide palestiniennes et de roquettes tirées depuis la bande de Gaza et la Cisjordanie (5).

En avril 2008, le ministre travailliste israélien des Infrastructures, Benyamin Ben Eliezer, avait menacé de « réduire à néant l'Iran » s'il attaque l'État hébreu. Mais, Ben Eliezer avait présenté aussi un/ce scénario apocalyptique d'une attaque combinée de la Syrie et de la milice chiite libanaise, expliquant que des centaines de roquettes seraient tirées sur Israël dans la phase initiale et que l'ensemble du territoire serait à portée des tirs (6).

Depuis de nombreuses années, Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien réaffirme plusieurs constantes.

1)      L’Iran poursuit son programme nucléaire. Par exemple, à la tribune des Nations-Unies, en septembre 2018, supports visuels à l'appui, Benjamin Netanyahou accuse l’Iran de dissimuler un « entrepôt atomique secret pour stocker des quantités massives d'équipement et de matériel pour (son) programme secret d'armes nucléaires ». « C'est ici, dans le quartier Turkuzahbad de Téhéran », déclare Netanyahou en brandissant une photo. « Ils ont retiré 15 kilogrammes de matières radioactives pour les retirer et les répandre autour de Téhéran dans le but de cacher les preuves. » Benjamin Netanyahou avait invité le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le japonais Yukiya Amano à envoyer une mission pour « inspecter immédiatement ce site », qui pourrait, selon lui, renfermer 300 tonnes de matériaux liés au nucléaire, « avant que les Iraniens ne le vident » (7).

2)     Selon Israël, l’Iran menace plus que jamais de détruire totalement Israël et de le rayer de la carte.

3)   Benjamin Netanyahou n'a pas cessé de dénoncer ces dernières années les agissements de Téhéran en Syrie et dans la région.

Il est incontestable que l'Iran cherche à s'implanter de manière beaucoup plus prononcée dans la région. Et, la nouveauté, tient au fait que l’influence iranienne est perçue dans la région comme étant plus problématique aujourd’hui que le conflit israélo-palestinien.

Pour rappel :

 -- Les pays du Golfe sont menacés par l’Iran et mobilisent face à l’influence perse sur leurs territoires. Plus généralement, les États arabes sunnites apparaissent comme vulnérables et l’Iran est la principale menace pour la stabilité régionale.

-- L’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran, chiite, ont rompu leurs relations diplomatiques en 2016 et, dans leur lutte d’influence, soutiennent des camps rivaux au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen.

-- En Syrie, depuis 2011, l’Iran est le principal soutien du régime de Bachar Al-Assad. Assad est membre de la communauté alaouite, une branche du chiisme, et son principal relais dans la région. L’Iran apporte à ce régime un soutien militaire conséquent et financier.

-- Au Yémen, les Houthis - une rébellion d’obédience zaïdite (un courant du chiisme) - sont plus ou moins liés à l'Iran. L’Iran cherche à déstabiliser le Yémen, par conséquent plus directement l’Arabie saoudite. Même si Téhéran assure que les armes fabriquées en Iran et utilisées par les Houthis contre les Saoudiens auraient été récupérées sur des bases militaires abandonnées des anciennes autorités.

-- Au Bahreïn, les tensions entre la majorité chiite et la minorité sunnite dirigeante se sont intensifiées depuis 2009. La famille qui dirige le Bahreïn est d’obédience sunnite et gouverne un état qui serait majoritairement peuplé de chiites (de 60% à 75%.) Dans ce contexte tendu, l’Iran cherche à déstabiliser la monarchie bahreïnie qui se méfie de l’instrumentalisation iranienne sur les minorités chiites arabes.

-- Le Qatar est accusé d'être à la fois proche de Téhéran et des Frères musulmans.

Dans cette configuration régionale, l'Iran est en quelque sorte devenu le nouvel ennemi commun d’Israël et de pays arabes sunnites.

Pour rappel également :

-- Le Hezbollah est l'allié indéfectible de l'Iran.

Le Hezbollah, qui avec le soutien des conseillers militaires iraniens, a contribué de façon décisive au maintien au pouvoir à Damas de Bachar Al Assad, représente également un immense risque pour Israël. L’Iran continue d’armer dangereusement sa milice chiite libanaise, son bras armé au Levant. Les israéliens estiment que le Hezbollah serait doté de plus de 120.000 missiles. En cas de conflit contre Israël, cette milice terroriste utiliserait cet arsenal contre les villes (Tel-Aviv, Haïfa, Dimona…) et les centres stratégiques et/ou industriels du pays.

-- Enfin, les Gardiens de la Révolution islamique, (GRI), le bras armé du régime des mollahs, se sont installés durablement en Syrie. Ils renseignent, arment et entraînent l’armée de Bachar. Au-delà, ils constituent une grave menace pour le territoire israélien.

Les dernières tensions entre l’Iran et Israël

Le 11 février 2018, un drone piloté par des Iraniens basés en Syrie pénétrait dans l'espace aérien israélien. Il a été abattu et en représailles, l'aviation israélienne a attaqué la base iranienne d'où était parti le drone. Mais, fait rare, un des appareils israéliens ayant participé à l'opération a toutefois été touché par la défense antiaérienne syrienne. Cet avion a été atteint en territoire israélien par un missile tiré de Syrie, preuve que « les missiles ne connaissent pas de frontière », a relevé sur la radio militaire le général Amnon Ein Dar, de l'armée de l'air (8).

Quelques jours plus tard, le 20 février 2018, un haut-responsable de la république islamique menaçait. Si Israël attaque l’Iran, la ville de Tel Aviv sera « entièrement rasée » et le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne pourra échapper à la mort.

En mai 2018, après les frappes israéliennes contre l’aéroport de Tiyas en Syrie, le ministre de la Défense iranien, le général de brigade Amir Htamai, déclarait « qu'il est préférable pour nos ennemis de ne pas mettre à l'épreuve nos capacités de défense, car n'importe qu'elle erreur dans leurs calculs sera sanctionnée par une riposte qui leur fera mal ».

Cependant ces vociférations et ces menaces ne sont pas nouvelles.

En réalité, elles sont consubstantielles au régime des Mollahs. Le premier à déclarer Israël ennemi de l’Islam fut l'ayatollah Khomeiny. En 1979, l’Iran rompt ses relations diplomatiques avec Israël. Depuis, l’Iran n’a pas cessé de menacer Israël de destruction totale.

Et, à l’heure actuelle, nous sommes dans une période de tension extrême où le risque de guerre est le plus élevé depuis plusieurs décennies.

 

Note :

1)      « Avec le retrait de l’accord sur le nucléaire, l’économie iranienne se prépare au pire », Le Monde, 9 mai 2018.

2)      « En Iran, la réalité du pouvoir est détenue par le Guide de la révolution », Le Monde, 14 mars 2008.

3)      Idem.

4)      « En Iran, Rohani est la cible des conservateurs », Le Monde, 19 mai 2018.

5)      7 sur 7, 7 avril 2008.

6)      Le Figaro, 8 avril 2008

7)      « Netanyahou accuse à nouveau l'Iran de cacher une installation nucléaire », Le Figaro, 28 septembre 2018.

8)      Cité par Le Point, 12 février 2018.    

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