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Publié le 3 Mars 2017

#Crif - Parlez-nous d’art… 5 questions posées par Marc Knobel à Franck Torjmann, artiste.

Marc Knobel pour le Crif interroge le sculpteur Franck Tordjmann

Question: Franck Tordjmann, vous exposez actuellement au Centre Rachi, à Paris. Il s'agit de plusieurs affiches de cinéma, d'une taille variable, par exemple, "La Rafle". Le film réalisé par Rose Bosch avec Mélanie Laurent, Jean Reno, qui raconte la rafle tragique du Vélodrome d'Hiver ou 13.000 Juifs furent arrêtés. Dans le film, la famille de Joseph Weismann, un enfant juif d'une douzaine d'années, et leurs voisins sont arrêtés après avoir tenté par plusieurs moyens d'y échapper. Le père de Joseph aurait pu échapper à cette arrestation si Joseph ne l'avait pas malencontreusement dénoncé alors que sa mère s'était prétendue veuve auprès de miliciens. Mais, dans votre œuvre artistique, les affiches sont plus ou moins lacérés et à certains endroits on ne voit plus les noms des artistes ou de la production. Que voulez-vous dire?

 

« L’effacement est évidemment volontaire, c’est plus pour souligner l’évènement historique. Ces affiches lacérées, c’est avant tout un travail de mémoire, de transmission, de conservation d’objets rares comme ces affiches originales du cinéma français, américain et italien.

C’est lacérer pour sublimer, à la fois l’œuvre mais surtout l’histoire et l’événement que ce film relate.

 

Dans cette exposition hommage au cinéma, il y a une trentaine d’œuvres uniques et originales. Ce sont pour la plupart des monuments cinématographiques: « Autant en emporte le vent », «  Il était une fois en Amérique », «  West Side Story ». Des films qui m’ont marqué et sur lesquels j’avais envie de travailler.

 

Question: Il y a aussi l'affiche du film américain réalisé par Cecil B. DeMille, sorti en 1956: "Les Dix Commandements". Pourquoi ce choix, précisément?

 

« Film mythique si il en est ! Peut être l’un des premiers que j’ai vu. Si vous regardez bien l’œuvre vous verrez que les lacérations sont en lien avec le sujet. Comme si chaque lacération correspondait à des éclairs, aux tables de la Loi brisées par Moise. C’est notre histoire, une histoire universelle et un film incroyable. Il n’existe plus beaucoup d’affiches originales de ce film, à chaque fois c ‘est une véritable chasse au trésor pour trouver ces affiches et un grand bonheur ensuite de pouvoir travailler dessus et créer une œuvre d’art unique à partir de cette affiche.

 

Question: Comment devient-on sculpteur? Comment sait-on que l'on peut-être un artiste? Qu'exprime votre œuvre?

 

«  Il n’y a pas de mode d’emploi pour être sculpteur. Je suis totalement autodidacte. C’est le fruit du hasard. J’ai eu la chance de faire une rencontre qui a bouleversé ma vie .C’était en 1992 avec César, l’un des plus grands artistes du XXème siècle .Quand vous regardez mon travail de sculptures, vous sentez son influence évidemment. Et puis je me suis lancé. Les débuts furent difficiles. Et au fur et à mesure des années différentes galeries dans le monde m’ont fait confiance et m’ont exposé.

Cela fait plus de 15 ans maintenant.

Mon travail est très divers : sculptures sous plexiglas avec des instruments de musique surtout des violons, photocompositions sur des villes, bouquets d’instruments, compressions d’instruments.

 

J’ai la chance aussi d’avoir de nombreux collectionneurs, et quelques personnalités importantes qui possèdent certaines de mes œuvres : Shimon Pérès zal, Woody Allen, Madonna, Nicolas Sarkozy.

 

 Avec un aboutissement en 2006 lorsque l’un des tableaux de ma collection «  Les grands hommes d’Israël » a été intronisé à la Knesset. Il y est en exposition permanente et c’est un honneur immense d’être le deuxième artiste français après Chagall à avoir une œuvre au Parlement israélien.

 

On ne sait pas qu’on peut être artiste, à mon sens on ne le sait jamais.  C ‘est une remise en question au quotidien à chaque nouvelle sculpture. La définition pour moi de l’artiste c’est de traduire des émotions et d’être un témoin de son temps, de son époque à travers son travail. Si léonard de Vinci avait vécu à notre époque, il aurait fait des choses très différentes, des hologrammes, des vidéos et des tas d’autres choses.

 

Mon œuvre est basée sur la mémoire, la transmission, l’émotion. C ‘est ce qu’il y a de plus important pour moi.

 

Question: Vous définissez-vous comme un artiste Juif? qu'est-ce que cela veut dire?

 

C ‘est une question qu’on me pose souvent. Je me considère d’abord comme juif  et après comme un artiste. Mais évidemment l’ADN de mon travail étant sur la mémoire c’est très juif ! C’est ma manière de penser, de travailler. Je suis un être humain juif qui fait de l’art on va mettre dans cet ordre-là. Après il y a différentes façons d’être un artiste juif ou de faire  de l’art juif  ce qui est différent d’ailleurs mais c’est un trop vaste débat !

 

Question: L'art peut-il vaincre de la haine?

 

Ce n’est pas son but premier mais cela peut être un outil oui .Dans les régimes totalitaires les artistes sont souvent attaqués, on brûle des livres, on démonte des sculptures ... L‘art peut aussi se mettre au service d’une cause, d’idées et devient ainsi un moyen de combat. Dessiner, peindre, sculpter écrire peuvent être des actes de résistance.