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Publié le 6 Mars 2019

Crif/Opinion - Qui sont les enfants de l'Etat Islamique (et que vont-ils devenir) ?

Après vous avoir proposé un article sur les questions que posent le retour des djihadistes français, nous nous intéressons aujourd'hui au sort des enfants de Daesh.

Les chiffres officiels font état de 130 à 150 français détenus par les FDS (Forces Démocratiques Syriennes), qui seraient susceptibles d'être rapatriés. Parmi eux, 70 à 80 mineurs, dont trois quart ayant moins de 7 ans.

Ceci signifie que beaucoup de ces enfants sont nés sur place, et n'ont jamais rien connu d'autre. Des questions légitimes se posent alors : que faire de ces enfants ? Faut-il les rapatrier ? Si oui, comment les prendre en charge ? Comment leur redonner une enfance normale, comment effacer le traumatisme (ou leur apprendre à vivre avec) ?

L'avocate Marie Dosé ne mâche pas ses mots. Le 26 février, elle a déclaré "Ces gosses de moins de cinq ans sont en train de crever en zone de guerre. Que fait la France pour ces enfants, qui sont ses enfants, depuis 18 mois ? C'est un désastre humanitaire". Des enfants, plusieurs étant orphelins, sont détenus dans des camps, avec les prisonniers. Leurs grands-parents, restés en France, exhortent le président de la République à trouver une solution rapide pour les rapatrier.

L'ONG Save the Children a fait état de 2500 enfants de 30 nationalités différentes, qui sont répartis sur trois camps dans le nord-est de la Syrie, depuis le recul irrémédiable de l'Etat Islamique.

Ces enfants, qui sont soit nés sur place, soit arrivés très jeunes, souffrent de nombreux traumatismes. Physiques d'abord : certains sont blessés, ont été privés de sommeil, d'eau et de nourriture. Certains ont besoin d'être hospitalisés et soignés. Psychologiques, ensuite : les témoignages des enfants qui sont rentrés récemment font froid dans le dos : ils sont décrits comme étant sans émotion, sans réaction à l'annonce du décès probable de leurs parents, et bien évidemment hantés par ce qu'ils ont vu et vécu sur zone. Il n'est pas rare que les enfants aient en effet assisté à des égorgements (ou regardé des vidéos). Certains ont même été utilisés pour abattre des prisonniers : en 2016, dans une vidéo de propagande intitulée "sur les traces de mon père", deux enfants français abattent des prisonniers syriens à bout portant.

Les laisser dans les camps, sans autorité parentale valide, pourrait les amener à une radicalisation plus importante. L'autre risque est qu'ils soient utilisés comme monnaie d'échange ou moyen de pression par les djihadistes aux abois. Les faire rentrer, sans système et encadrement adapté, pose aussi de nombreux problèmes. C'est pourquoi experts dans le domaine de la Justice et de l'Education se sont penchés sur cette situation inédite afin d'apporter une réponse qui aura pour priorité le bien être de l'enfant.

A ce jour, il existe trois cas de figure: certains enfants ont été rapatriés car orphelins (il reste encore des orphelins sur zone, les plus "médiatiques" étant les enfants Maninchedda, de 1 et 3 ans, que leurs grands-parents souhaitent rapatrier, soigner, et éduquer en France), d'autres ont été rapatriés avec accord de leurs parents restés sur place, et d'autres enfin sont toujours sur place, leurs parents refusant d'en être séparés.

C'est dans cette situation que le problème est le plus épineux : si les parents sont rapatriés avec les enfants, ils iront alors directement en prison. Et le rapatriement des adultes est encore une question en suspens, qui jusqu'ici se fait au "cas par cas".

Deux tiers des français sont opposés à ce retour. Le sujet, il est vrai, suscite les passions, la France étant traumatisée par les récents attentats.

Néanmoins, ces enfants doivent-ils être tenus responsables des actions de leurs parents ? La France n'a-t-elle pas les moyens de les accueillir et les soigner, puis de les intégrer dans la société ? Et enfin, quel "avenir" pour ces enfants si on les abandonne à leur sort ? Ces questions soulèvent des débats sans fin. La loi quant à elle est claire : les enfants nés sur place sont irresponsables pénalement, et seuls ceux âgés de plus de 13 ans peuvent être jugés en France.

Vraisemblablement, une grande partie des enfants sur zone va être rapatriée. Reste à définir les cadres juridiques et éducatifs qu'il faudra déployer.

Sophie Taïeb

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