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Publié le 4 Mars 2014

Discours de Nicole Yardeni lors du Diner du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées

Jeudi 27 février 2014

 

Je voudrais, Monsieur le Ministre, prendre quelques instants pour remercier tous ceux qui oeuvrent dans un esprit d'ouverture, de rassemblement et d'union qu'ils soient serviteurs de l’Etat ou membres d'’associations ou d'institutions, qu’ils soient Juifs, Catholiques, Protestants, Musulmans ou Laïques.  Un spectre hante l’Europe, le spectre de la haine. Il y a un peu moins de deux ans maintenant, par un pâle matin de mars, la haine a meurtri nos vies, de Citoyens, de Toulousains, de Juifs. Car à Toulouse et à Montauban, des hommes ont juré au nom de leur haine de mettre la République à genoux. 

Cette Haine, Monsieur le Ministre, cette Haine brute, cette haine ne nait pas du néant, elle ne se nourrit pas d'elle-même, elle est stimulée et elle se transmet, aujourd’hui sur internet, hier dans le journal d’extrême droite « Je suis partout ». Mais la haine n'existe pas sans des hommes et des femmes pour l'entretenir.  Qui sont-ils ? Des islamistes à l'extrême-droite en passant par l'ultragauche, ils ne se singularisent que par une chose, leur haine de la République. Car ne nous trompons pas de combat, même dissimulée sous le masque de l'antisionisme, la haine est présente ! Quand des individus contestent les droits d'autrui, quand des nervis scandent des slogans antisémites et racistes, quand des salles entières, hypnotisées par leur haine, rigolent aux propos de Monsieur M’bala M’bala, c’est la Haine de la République qui est à l'oeuvre. Des tavernes munichoises des années 30 au Théâtre de la Main d(Or, c'est toujours la haine de la République, qu’elle soit Française ou de Weimar, qui transpire. Alors, je sais votre combat contre ce petit entrepreneur de la Haine, mais votre seule volonté, et je le regrette, n'est malheureusement pas suffisante.  Si la liberté est la règle et l'interdiction l'exception, que faisons-nous pour toutes les choses que la haine nous interdit ? Où est notre liberté de manifester quand nous sommes pris à parti par des fascistes? Où est notre liberté d'éducation quand, l'extrême droite dessine des croix gammées à l’Université ? Où est notre possibilité de déterminer librement notre identité, quand les mots juifs ou sionistes sont devenus des injures ? N’avons-nous pas nous aussi droit à la liberté ?  Nous appartenons à la France autant que la République nous appartient, nous, citoyens, nous sommes meurtris, par cette haine qui divise la société française, qui morcelle notre Pays. Un vieux proverbe yiddish disait « heureux comme un juif en France », et nous aimons la France profondément, mais la France que nous aimons, ouverte, tolérante, garante du vivre ensemble, la France d'Hugo, Zola, Clemenceau, Mendes France ou Malraux. Cette France souffre, notre pays serait-il plein de larmes ?  A Paris il y a quelques semaines, des manifestants répondant à l'appel de « jour de colère » défilaient aux cris de « Juifs la France n’est pas à toi ! », il y a quelques jours j’ai été interdite de manifester contre l'antisémitisme et l'homophobie, par une extrême gauche, qui instrumentalise le racisme pour en sélectionner ses victimes. Alors il nous faut plus que de simples déclarations, il nous faut davantage que des appels à la raison, car dans ces événements la Haine à fait chavirer la raison.  Que faut-il de plus Monsieur le Ministre ? Il y a presque deux ans, des militaires  étaient exécutés lâchement parce qu’ils portaient l'’uniforme et les valeurs de la France. Des enfants et un jeune père abattus de sang froid dans une école qui pour être juive, n'en est pas moins celle de la République. Ces crimes terroristes, sont révélateurs de l'état de déliquescence morale dans lequel se trouve notre pays. Mais nous ne pouvons assister patiemment au naufrage de nos valeurs, nous ne pouvons rester impuissants face à l'inversion de ces valeurs, quant au nom de l'’antiracisme on en devient antisémite, quant au nom de la défense des peuples, certains nient le droit à l'existence d'un très vieux peuple. Le combat n'est pas rhétorique, il en va de l'’essence même de notre république.  Mais ce combat ne peut être uniquement celui des Juifs, cet affrontement ne peut se faire entre bourreaux et victimes, il appartient à la République à son tour de défendre ses défenseurs. Chaque génération a son moment fondamental, Nous y sommes. Doit-on tolérer les intolérants ? Doit-on laisser des mouvements fascistes se déguiser en agneaux ? Doit-on au nom de la fraternité laisser entrer Caïn ?  Dans les années 30, les ligues voulaient détruire « la gueuse », en 2012 ils voulaient mettre notre République à genoux. Dans les années 30, les fascistes boycottaient les magasins juifs, en 2014 ils appellent à boycotter l’Etat juif.  Mais que tous les fascistes d'extrême droite comme d'extrême gauche le sachent : jamais nous ne nous résignerons, non pas uniquement pour nous, mais pour notre République. Car notre République a été la première dans l’histoire de l’Europe à connaitre les juifs comme des citoyens. Car notre République a été la première en Europe à reconnaitre aux Juifs des droits politiques. Car notre République a inventé la laïcité, qui a permis aux juifs de s’émanciper pleinement. Car c'est grâce à la République qu'a émergé des générations entières de Français Juifs ou de Juifs français qui ont contribué au rayonnement de notre pays. Combien de Leon Blum ? Combien de Amadeo Modigliani? Combien de Georges Charpak ? Car l'identité juive se conjugue parfaitement avec l’identité républicaine.  Et ce que les partisans de la Haine, ne comprendront jamais, c'est que  les identités ne s'opposent pas, elles se complètent. Quand elles se rencontrent, elles ne s'affrontent pas, mais s'enrichissent. Et il existe une constante dans l'histoire : ceux qui s'en sont pris à la République s'en sont toujours pris aux juifs, et quand les juifs sont excédés, peu après c'est la République qui cède.  Nous savons Monsieur le Ministre que vous ne céderez pas, mais face à la haine, il nous faudra tous ensemble, sortir de la réaction pour aller vers l'’action, car ce qui permet à la haine de perdurer c’est l'...inaction des hommes de bien.

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