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Publié le 12 Septembre 2012

Discours du Grand Rabbin de France prononcé lors de la cérémonie à la mémoire des martyrs de la déportation, dimanche 9 septembre 2012

Au sortir de la guerre, la révélation du génocide commis contre le peuple juif a plongé dans la stupeur le monde occidental. Ce qui a provoqué cette stupeur, ce n’est pas seulement que les juifs aient été les victimes désignées : nous le savons, les nations d’Europe avaient quelques mauvaises habitudes, et jamais la Shoah n’aurait été possible sans les vingt siècles de persécutions et de haine antijuive qui, partout, ont préparé le terrain.

De fait, la stupeur est née de la découverte insoutenable que l’antisémitisme a pu aboutir à une pareille extrémité sans précédent dans l’histoire de l’Humanité. Si la passion antijuive a conduit à Auschwitz, alors l’antisémitisme doit être banni à jamais et doit être rendu impossible.

 

A travers le massacre organisé, planifié, bureaucratique de six millions de juifs, l’espèce humaine a pris la mesure vertigineuse des possibilités criminelles que l’être humain est capable de commettre contre lui-même. Et c’est bien l’espèce humaine – en tant que telle – qui est atteinte en son cœur par le crime monstrueux perpétré par les nazis contre le peuple juif. Pour juger de ce qui s’est passé à Auschwitz, aucune loi ordinaire et déjà existante n’était adéquate. Alors il a fallu recourir à un concept entièrement nouveau : celui de Crime contre l’Humanité.

 

Il s’agit bien d’un crime contre l’essence humaine, d’un crime métaphysique, commis contre l’Être même de l’Homme sur la personne de chaque juif assassiné. Le cri qui montera jusqu’à la fin du monde dans le ciel d’Auschwitz et de Treblinka témoigne de la limite indépassable d’inhumanité que l’homme est capable d’atteindre.

 

Près de 70 ans après la Shoah, on assiste à un extraordinaire phénomène de rejet. L’antisémitisme renait un peu partout de ses cendres sous ses masques anciens, ou celui – plus moderne et, disons-le, plus facile – de l’antisionisme. A l’Est comme à l’Ouest, on cherche à se délivrer de la culpabilité dont l’antisémitisme a infecté les nations. Infection dont l’historien Raül Hilberg a rappelé la nature dans une formule sèche. Je le cite : « Les missionnaires de la chrétienté disaient trop souvent aux juifs : vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous en tant que juifs. Les chefs séculiers qui suivirent avaient proclamé : vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous ». A la fin, les nazis décrétèrent : « vous n’avez pas le droit de vivre ». Voici où nous en sommes 70 ans plus tard. La question n’est pas seulement comment Auschwitz a été possible, mais comment est-il possible, moins de 70 ans après, qu’on tue aujourd’hui en France, froidement, des juifs parce qu’ils sont juifs : Ilan Halimi, Myriam Monsonego, Jonathan, Arieh et Gabriel Sandler…

 

Qu’est devenu le «plus jamais ça», ce serment sacré auquel nous avions cru, après Auschwitz, que souscriraient les nations? Qu’est devenu ce serment ?

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