Actualités
|
Publié le 12 Septembre 2012

Discours prononcé par M. Joël Mergui, président du Consistoire, à la Grande Synagogue de la Victoire, lors de la cérémonie du 9 septembre 2012, en mémoire des déportés et des victimes de la Shoah

La plus grande communauté juive d’Europe vous accueille aujourd’hui dans ce haut lieu du Judaïsme français- la Grande Synagogue de la Victoire- que des miliciens ont vandalisé, il y a 70 ans, pendant la rafle du Vel d’Hiv, détruisant et lacérant les plus saints de nos livres, les rouleaux de la Torah.

 

Il y a 70 ans, être juif voulait dire être raflé, vivre en sursis, résister, errer de cache en cache, être séparé de ceux que l'on aime, porter une étoile d'infamie, être dénoncé, pourchassé, spolié, exclu, arrêté, affamé, torturé, fusillé, gazé, brûlé, ignoré : juif.

 

Oublié de tous, sauf des Justes.

 

Six millions de Juifs que la mort a privé à jamais de postérité ont manqué à l’appel de la reconstruction de l’Europe, à sa vie quotidienne, à sa richesse, à son avenir et aussi bien sûr à son Judaïsme.

 

Pour eux, pour nous, je remercie les plus hauts représentants de l’État d’être aujourd’hui à nos côtés et d’inaugurer demain des musées et des lieux de mémoire - au Camp des Milles ou à Drancy-, ces antichambres françaises de la mort industrielle, de 76 000 juifs de France exterminés sans prière ni sépulture.

 

Mais dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans, quand la voix du dernier témoin se sera éteinte, et que tous les musées auront été inaugurés, qu’en sera-t-il ?

 

Qui viendra témoigner pour les déportés, pour les survivants, les Justes ?

 

Qui ? Sinon nous tous ?

 

Il nous appartient à tous de prendre le relais, de garder la mémoire de tous les rouages d'une idéologie qui voulait rayer d'Europe une présence juive vieille de 2000 ans.

 

Il nous appartient à tous d’éduquer la jeunesse, de marquer la conscience collective de tout ce que l’homme est capable de pire comme de meilleur.

 

Il nous appartient à tous, de dénoncer le nouveau visage de la haine antisémite qui, par haine des Juifs et d’Israël, tue en France des petits enfants juifs, parce que Juifs, des touristes israéliens en Bulgarie parce que juifs, ou qui veut anéantir l’État juif parce que berceau des Juifs.

 

Le premier meurtre idéologique d’enfants juifs depuis la Shoah a été perpétré cette année à Toulouse malgré des années de répétitions de « plus jamais ça !».

 

Malgré l’alerte donnée chaque année ici, nous venons de vivre un tournant grave.

 

Il y a 70 ans, l’Europe nazie exterminait sa population juive pour éradiquer le judaïsme.

 

Il nous appartient à tous, juifs comme non Juifs que l’Europe des Droits de l’Homme ne devienne pas :

-          le continent perdu de la diversité religieuse et culturelle, l’espace clos d’une histoire jonchée de musées, de plaques commémoratives et de cimetières juifs, sans Juif,

-          le territoire abandonné d'une fraternité qui aura sacrifié sa plus petite minorité sur l'autel de la facilité et de l’indifférence.

 

A côté du travail de mémoire, je veux croire à la volonté de la France de tout mettre en œuvre pour conserver sur son sol une communauté juive vivante et active.

 

Il nous appartient à tous, de permettre aux descendants et aux continuateurs des juifs d’Europe, de mener en sécurité une vie juive, sans que soient stigmatisés, entachés ou entravés notre liberté de culte et ce qui appartient à notre identité et notre patrimoine : l’alimentation casher, la circoncision, le respect du Shabbat et de nos fêtes, et la dignité pour nos morts.

 

Chaque semaine, Chabbat, les juifs chantent « Chamor » et « Zahor », souviens-toi et préserve, parce que le devoir de mémoire est indissociable du devoir d’avenir.

 

Sachons tous nous souvenir et préserver, en donnant -au seul culte que l’Europe du 20e siècle voulut anéantir-, toutes les conditions d’existence et d’épanouissement qui permettront à tous les juifs de déployer sereine identité au 21e siècle.

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance