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Publié le 20 Juillet 2015

"En 2015, 71 ans après l'indicible, l'antisémitisme tue encore, la haine est vivace, aveugle et le terrorisme est dans nos murs"

Discours de Maitre Martine Ouaknine, représentant Christian Estrosi, Député-Maire de Nice, lors de la cérémonie du 19 juillet 2015

Je veux remercier tout d’abord les équipes de la Préfecture, de la SNCF, des polices Municipale et nationale que je remercie plus  particulièrement pour leur travail quotidien de sécurité aux côtés de nos soldats. Les équipes de la ville avec Monique Voltarel.
 
Je veux dédier ce discours â notre ami Charles Gottlieb dont le siège est désormais vide mais qui conserve une grande place dans nos cœurs et vivra dans nos actions.
 
Je veux aussi dédier ce discours aux victimes de janvier 2015, et à celles qui ont péri depuis, toutes innocentes et sacrifiées sur l'autel de l’idéologie intégriste.
Chers Amis, et vous tous les jeunes présents avec nous sur ce quai no1 d'où sont partis des citoyens français parce que juifs, pour ne jamais revenir.
 
Cette commémoration constitue un acte républicain de première importance, souligné par Jacques Chirac lors de son allocution du 16 juillet 1995, « il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Il est difficile de les évoquer parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français.»
 
Des membres des forces de l’ordre, obéissant aux injonctions de l’autorité de fait dite « Gouvernement de l’Etat français », et répondant ainsi aux exigences des nazis, procédaient à l’arrestation au petit matin et à leur domicile de près de dix mille femmes, enfants et hommes juifs parmi lesquels se trouvaient des Anciens Combattants de la Première Guerre mondiale.
 
Christian ESTROSI, que j’ai l’honneur de représenter, a mesuré depuis longtemps sa responsabilité d'élu dans la portée pédagogique de cette transmission.
 
Le travail de mémoire est à ses yeux, le socle commun de notre histoire mais aussi la base fondatrice des règles du Vivre Ensemble.
 
Il y croit fermement autant que dans les actions placées sous la bannière de la FRATERNITE.
 
L’année dernière, dans une question au gouvernement, il en appelait à la plus grande fermeté, soulignant déjà le danger ((attaquer un commerce au motif qu’il vendrait des produits juifs, investir des synagogues, proférer des slogans antisémites traduisant une haine inouïe à l’égard de citoyens français)).
Les faits lui ont donné raison : la tuerie de Charlie Hebdo ou de l’hyper cacher, l’assassinat de la policière municipale devant l’école juive, l’agression d’un soldat devant le consistoire de Nice, un enfant entendu pour apologie raciale, une jeune femme tuée sans raison, un chef d’entreprise décapité, des attentats déjoués, le Mur des Justes dégradé, de nombreux jeunes embrigadés par DAESCH.
 
Quel est donc ce monde qui ne tire pas les leçons du passé ?
 
Nous vivons une période très grave : en 2015, 71 ans après l'indicible, l'antisémitisme tue encore, la haine est vivace, aveugle et le terrorisme est dans nos murs.
 
Si les protagonistes changent, la haine subsiste, vivace et encore plus aveugle : la liste des actes, menaces ou violences antisémites comme terroristes est terrifiante.
 
Va t'on se résigner ?
 
Certainement pas car l'histoire se construit aussi jour après jour et notre responsabilité est collective.
 
Les juifs ne doivent pas être seuls face à l’antisémitisme, les familles musulmanes ne doivent pas être seules face à la contamination intégriste de leurs enfants.
 
Le poète italien Filippo PANANTI a dit « Une histoire est utile non pour y lire le passé mais pour y lire l’avenir »
L’histoire est surtout ce qu'en font les hommes qui se battent pour des valeurs, ce qu’ensemble, NOUS en ferons. 
 
Nous devons accorder une place centrale, aux cérémonies commémoratives pour le message qu’elles véhiculent. 
 
Mais nous devons aussi désormais nous battre pour des valeurs essentielles qui disparaîtront si nous n'y prenons garde pour laisser la place à d'autres valeurs portées par des hommes qui ne connaissent pas le doute.
 
Je veux évoquer l'extrême droite et l'intégrisme radical.
 
Il est de notre responsabilité, comme nous y exhortent Serge et Béate Klarsfeld, d’éteindre les incendies des fanatismes et des haines, eux qui n'ont jamais baissé les bras ni reculé devant de multiples enjeux de notre société : que ce soit contre Papon ou Touvier, pour extrader les criminels nazis d’Allemagne ou d’Amérique Latine, pour les droits de l’homme en Argentine ou à Téhéran : c’est la survie et la dignité de l’être humain, qui a guidé leurs actions et influencé les gouvernants.
 
Ils sont un modèle autant que le fut Charles Gottlieb qui inlassablement a parcouru les allées désertes d'Auschwitz Birkenau pour transmettre, encore et encore.
 
Aucun d’eux n’a véhiculé un message de haine ou d’une volonté de revanche qui aurait pu se concevoir et c’est remarquable.
Plus la haine les avait meurtris, plus la volonté de rendre la vie meilleure, les animait.
 
Comment ne pas prendre exemple ? 
 
Le Devoir de Mémoire, auquel Christian ESTROSI accorde une importance capitale, demeure une exigence croissante. Les Voyages sur les sites des camps d’Auschwitz et Birkenau ont ainsi permis à des milliers de collégiens des Alpes-Maritimes, à leurs enseignants ainsi qu’aux représentants des Pouvoirs publics et des cultes de mesurer ce que fut le plus monstrueux génocide d’un 20ème siècle qui en connut d’autres.
 
Nous avons commémoré cette année le centenaire de celui qui provoqua la mort d’un million et demi d’Arméniens et dont la survenance, dans une indifférence coupable des nations du monde, rendit possible l’Holocauste.
 
Aujourd’hui, et plus que jamais, le souvenir des journées des 16 et 17 juillet 1942 doit vivre en nous. L’horreur fut un long processus, dont l’internement au Vélodrome d’Hiver dans d’indicibles conditions ne constitua que le début, pour aboutir dans la souffrance, les séparations familiales, la faim, la soif, la brutalité et les différentes formes de torture, à la mort dans les camps d’extermination.
 
Alors que l’humanité sombrait dans la barbarie, des femmes et des hommes exemplaires apportèrent ce que Marek Halter nomme « la Force du Bien ». Ces Justes n’ont nullement détourné leur regard, ces âmes vaillantes ont choisi, en toute conscience, la voie périlleuse de l’aide aux Juifs.
 
Femmes et des hommes mus par le commandement biblique « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ils appartenaient à toutes les classes sociales, à toutes les professions, depuis les paysans et les manœuvres jusqu’aux intellectuels, aux militaires, aux hommes d’Etat et d’Eglise.
 
Le mur des Justes, édifié sur un vote unanime du Conseil municipal du 11 octobre 2013, constitue l’une des nombreuses réponses apportées par le Ville de Nice pour lutter contre la mécanique  de l’effacement et du blanchiment par l’oubli, sur lesquels reposait le crime nazi.
 
Nous avons contracté une dette éternelle de reconnaissance et de respect envers les Justes. Car pour défier une Gestapo ou une Milice mortellement dangereuses, il fallait se hisser sur les cimes de l’héroïsme.
 
Notre devoir, celui de tous les vivants, est de graver aussi en nos cœurs la noblesse de comportement des Justes, afin que la mémoire de leurs actes s’inscrive dans l’Histoire mais aussi qu’elle guide nos pas.
 
Les honorer permet de s’opposer à tous les assassins de la Mémoire mais aussi de transmettre et d’expliquer de génération en génération, la conscience du Bien et du Mal. 
De cette conscience, les Justes ont été, et resteront à jamais, l’incarnation.