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Publié le 3 Septembre 2012

En marge de la crise iranienne, la tenue a Téhéran du sommet des pays non-alignés

Extrait de la revue de presse de l’Ambassade de France en Israël, semaine du 26 au 31 août 2012 (articles de la presse israélienne sélectionnés et traduits de l’hébreu par le service de presse de l’Ambassade).

 

Dimanche 26 août 2012 dernier s’est ouvert à Téhéran le 16e sommet des non-alignés, faisant craindre aux Etats-Unis et à Israël un regain d’influence iranienne. A l’issue de ce sommet, l’Iran a en effet pris la tête du mouvement pour trois ans. La tenue du sommet à Téhéran a suscité de nombreuses polémiques avec, en toile de fond, la question du programme nucléaire iranien et la guerre civile en Syrie, dont l’Iran reste un allié fidèle. 

Pour le régime iranien, ce sommet a été avant tout l’occasion de défendre la légitimité de son programme nucléaire. Le ministre des Affaires étrangères iranien, Ali Akbar Salehi, a indiqué en ouverture de la conférence que l’un des principaux objectifs du mouvement était l’élimination des arsenaux nucléaires dans le monde d’ici 2025. Il a rappelé qu’Israël, contrairement à l’Iran, avait toujours refusé de ratifier le traité de non-prolifération nucléaire et ajouté que le programme nucléaire iranien avait une visée uniquement pacifique.

 

 Présent à la conférence en dépit les vives critiques américaines et israéliennes, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, s’est adressé aux représentants d’une centaine de pays non alignés (dont 29 chefs d’Etat ou de gouvernement) pour « transmettre les inquiétudes et les attentes de la communauté internationale sur des sujets sur lesquels il est urgent de coopérer et de progresser ». Il a ainsi exhorté l’Iran à « se conformer totalement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et coopérer avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ». Il a par ailleurs dénoncé la négation de l’Holocauste et la négation du droit à l’existence  d’Israël – sans pour autant citer nommément l’Iran dont le président Mahmoud Ahmadinejad a récemment décrit Israël comme « une tumeur cancéreuse ».

 

 Cette conférence a également été l’occasion d’une reprise de contacts politiques entre l’Iran et l’Egypte : le président égyptien Morsi s’est brièvement rendu au sommet pour transmettre à l’Iran la présidence du mouvement et a ainsi effectué la première visite en Iran d’un chef d’Etat égyptien depuis la révolution de 1979. Evoquant le dossier Syrien, le président égyptien a semé la discorde et provoqué le départ de la délégation syrienne de l’assemblée après avoir dénoncé « le régime oppressif » syrien.

 

En Israël, la tenue du sommet a provoqué des condamnations unanimes. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré : « plus de  120 pays sont réunis à Téhéran et saluent un régime qui non seulement nie l’Holocauste, mais s’est engagé à annihiler l’Etat juif, et brutalise son propre peuple tout en étant complice du meurtre de milliers de Syriens innocents ». Après les déclarations du ministre palestinien des Affaires Etrangères dénonçant à l’occasion du sommet la colonisation israélienne  en Cisjordanie et la « judaïsation des territoires palestiniens », le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman s’est insurgé, affirmant que « si le discours était signé sous le nom de Goebbels, personne n’aurait su la différence ».

 

Le nouveau pharaon / Eli Avidar – Maariv

 

Deux mois après son élection, Mohamed Morsi s’avère être un président brillant et rusé qui a intelligemment su ne pas s’enfermer dans des idéologies réductrices et dans des alliances contraignantes. Ses récentes décisions ont dicté l’ordre du jour en Egypte et offert au nouveau président une marge de manœuvre confortable lui permettant d’asseoir son pouvoir. Certes, Morsi est resté fidèle à l’objectif stratégique des Frères musulmans,  celui de l’instauration d’un Etat islamique régi par la loi coranique, mais il semble avoir parfaitement assimilé la nature des décisions tactiques à prendre pour atteindre cet objectif par étapes. 

 

L’assassinat des soldats égyptiens par des terroristes musulmans à la frontière israélo-égyptienne pourrait rester gravé dans nos mémoires comme l’épisode qui  a bâti la stature du président Morsi. Le cruel attentat, perpétré par les alliés naturels du pouvoir – de surcroît pendant le mois du Ramadan - aurait pu consolider le pouvoir militaire et faire de Morsi un pantin à la solde de l’armée. Mais Morsi a pris les généraux à contre-pied et  d’une main de maître a fait porter la responsabilité à l’armée en destituant le gouverneur du nord du Sinaï et le chef des Renseignements militaires.  Dès lors, le limogeage du général Tantaoui et du chef d’état-major pouvait être opéré sans trop d’encombres. Parallèlement, Morsi a su récupérer les prérogatives constitutionnelles que le Conseil Supérieur des Forces armées (CSFA) avait tenté de lui confisquer. De cette manière, en trois décisions expresses, le président a réussi, non seulement à créer la base légale nécessaire à ses actions, mais aussi à faire émerger  à la tête de l’armée une jeune garde d’officiers plus fidèle au nouveau régime.

 

Morsi mène la politique de « Checks and Balances » audacieuse qui a toujours caractérisé les grands dirigeants du monde arabe. L’armée égyptienne a lancé une vaste opération  dans la péninsule du Sinaï, mais immédiatement après avoir fait une démonstration de force, Morsi y a dépêché une délégation pour négocier avec les militants salafistes et obtenir un cessez-le-feu temporaire. Par ailleurs, le président égyptien n’a pas hésité à violer le traité de paix avec Israël  pour faire entrer ses blindés dans le Sinaï, mais, dans le même temps, s’est empressé d’adresser un message d’apaisement à ses voisins. Ces deux décisions parallèles, manœuvre de troupes et déclarations publiques, ont  été prises pour une seule et même raison : imposer son pouvoir à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. 

 

Mais ce qui est le plus impressionnant chez Morsi,  c’est sa compréhension brillante de l’équilibre des intérêts politiques  sur la scène internationale. En effet, le président islamiste a parié juste sur l’enthousiasme affiché par Washington au lendemain du limogeage de l’élite militaire de l’ancien régime pour laquelle  Obama ressent une profonde aversion.

 

Pourtant, c’est en Chine que Morsi a tenu à se rendre pour son premier déplacement à l’étranger. Une manière de faire comprendre à l’Oncle Sam que la plus grande puissance du monde arabe n’est à la botte de personne. Après huit semaines passées au pouvoir, Morsi semble prédestiné à devenir  l’un des plus grands dirigeants qu’ait connu la région.  Il devra pour cela déjouer la menace immédiate que constitue pour son pouvoir la crise économique  égyptienne.  Jusqu’ici, il est parvenu avec brio  à manœuvrer entre les jihadistes et l’armée, entre Israël et l’Iran et entre Washington et Beijing. Saura-t-il  trouver le moyen de nourrir les affamés de son pays pour que son mandat soit aussi long qu’il le souhaite ?

 

Les propos de  Dempsey reflètent l’état d’esprit d’Obama / Dan Margalit - Israel Hayom

 

(…) La présence massive des pays invités à participer au Sommet des non-alignés à Téhéran constitue une victoire de taille pour le régime des Ayatollahs qui ne demande qu’à sortir de son isolement international. Même le Secrétaire des Nations unies, Ban Ki Moon, s’est rendu dans la capitale de l’axe du Mal, ignorant ainsi la vive opposition du Premier ministre Netanyahu. Toutefois, après les propos du guide spirituel iranien Ali Khaminei, Ban Ki Moon a condamné le régime obscurantiste sur son territoire.  Il a vivement critiqué l’Iran pour avoir appelé, en violation de la charte des Nations unies, à la destruction d’un Etat membre de l’ONU et a demandé à ses hôtes de cesser de nier l’existence de la Shoah. Ce fut donc un mal pour un bien, car ces propos ont eu beaucoup plus de retentissement médiatique que n’aurait eu son absence. 

 

(…)  La Maison-Blanche a certes exprimé sa préoccupation suite à la publication du rapport de l’Agence internationale à l’énergie atomique, mais dans un même temps, le chef d’état-major américain, le général Martin Dempsey, s’est rendu à Londres pour déclarer qu’il ne souhaitait pas être impliqué dans une attaque unilatérale israélienne contre l’Iran. Il a confié ne pas connaître les intentions de l’Iran. S’il n’a pas reçu l’ordre de la Maison-Blanche de présenter sans ambages sa démission, c’est que ses propos reflètent l’état d’esprit du chef Barack Obama.  

 

(…) L’Iran sort-il renforcé de la conférence des non-alignés ? Rien n’est moins sûr. Certes, pour la première fois depuis trente ans, un président égyptien s’est rendu sur son territoire, mais le discours de Morsi, qui a critiqué le soutien de Téhéran à la Syrie, a embarrassé son hôte. Voir les deux invités de prestige, Ban Ki Moon et Morsi, se rendre sur le territoire du « Mal » pour le critiquer librement et sans crainte a toute son importance. 

 

La journée d’hier a une nouvelle fois prouvé que l’Iran n’a pas renoncé à son programme nucléaire et que des sanctions plus lourdes doivent être adoptées pour être efficaces. Le dernier acte de la bataille politique  devrait se jouer prochainement à l’ONU au mois de septembre. (…)