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Publié le 13 Février 2013

Ilan Halimi : « La mort d’un pote »

 

Aujourd’hui, comme chaque 13 février depuis 2006, nous marquons l’anniversaire de la mort d’Ilan Halimi. Émilie Frèche est écrivain. Elle a notamment écrit « La mort d’un pote », ainsi que « 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi »  avec Ruth Halimi. Elle répond aux questions de Jonathan Curiel pour JSSNews. Rencontre.

 

JSSNews : En 2006, après l’assassinat d’Ilan, vous écrivez un livre : « la mort d’un pote », pourquoi un tel titre ?

 

Émilie Frèche : Parce que j’appartiens à la génération SOS-Racisme qui marchait dans la rue en scandant « touche pas à mon pote », et que la mort d’Ilan marque la fin de cette époque-là. La fin de l’union sacrée des minorités contre un ennemi commun, le FN. Le début d’une autre ère, l’avènement du communautarisme.

 

Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à l’écriture de ce livre ?

 

En 2004, suite à une résidence d’écrivain où j’avais travaillé avec une classe de seconde sur la question du racisme et de l’antisémitisme, j’ai publié un roman qui s’appelle « le sourire de l’ange » et qui raconte la difficile intégration d’un jeune juif dans la banlieue de Mulhouse. Ce roman se termine mal. Et quand j’ai appris la mort d’Ilan, j’ai eu le sentiment que je l’avais annoncé dans ce roman. J’étais si en colère que j’ai pris ma plume. Ça a donné « la mort d’un pote », qui est un texte à chaud, un cri du cœur.

 

Vous étiez au cimetière de Pantin, à la Synagogue de la Victoire puis à la grande manifestation pour dénoncer ce crime antisémite…autant de moments marquants . Quels souvenirs en gardez-vous ?

 

Un sentiment de solitude inconsolable… Et la preuve, une fois de plus, que le temps du communautarisme était venu, comme si l’antisémitisme était un problème juif, alors qu’il est évidemment un problème républicain, comme toutes les autres atteintes aux droits de l’homme. Un million de personnes avait défilé à Carpentras, contre la profanation des tombes, avec Mitterrand en tête de cortège… J’ai regretté ce grand soulèvement national.

 

Vous avez également co-écrit avec Ruth Halimi la mère d’Ilan, un livre s’intitulant « 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi ». Cet ouvrage écrit 3 ans après les faits a-t-il changé votre perception des choses par rapport à l’écriture de « La mort d’un pote » ?

 

C’est la « mort d’un pote » qui a précédé ma rencontre avec Ruth, et donc l’écriture de « 24 jours ». C’est un témoignage, pas un essai, et je pensais qu’il était important, pour que les gens mesurent quel avait été ce drame, de s’identifier à la douleur de cette mère. Car cette douleur-là est universelle. D’ailleurs, j’ai écrit ce texte à la première personne…

 

Emma, l’appât d’Ilan Halimi a été remise en liberté. Sans commenter cette décision de justice quel est votre sentiment face aux condamnations des différents protagonistes du gang des barbares?

 

Les condamnations sont toujours proportionnelles, c’est le propre du droit. Ce qui m’a dérangé, c’est que ce procès ne soit pas public. On aurait pu très bien mener à huis clos le procès des deux accusés mineurs au moment des faits, et rendre public celui des vingt autres inculpés. Je crois que la France a raté là l’occasion d’un grand examen de conscience.

 

Quel regard portez-vous sur l’antisémitisme en France ?

 

En regard inquiet, car malgré l’attitude irréprochable des pouvoirs publics, leur condamnation sans appel de l’antisémitisme, le très beau discours de Hollande à la commémoration du Vel d’Hiv’…  les pires clichés antisémites, comme celui du juif et de l’argent qui a tué Ilan, ont refait surface. Il suffit d’une balade sur le net pour s’en rendre compte, ou de se souvenir de l’épisode du hashtag « lebonjuif » sur Twitter. Or, rien n’est plus difficile que de lutter contre des préjugés…

 

Malgré le choc provoqué par l’assassinat d’Ilan Halimi, la barbarie antisémite était de retour en France avec l’attentat contre l’école Ozar Hatorah à Toulouse où quatre innocents, dont trois enfants, ont lâchement été assassinés parce que juifs. Pour vous quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour éviter que de tels actes se reproduisent?

 

L’éducation, le tissu associatif, l’art, la culture… Je ne crois pas à la répression comme traitement de fond. On n’oblige pas les gens à s’aimer. On le leur apprend, depuis leur plus jeune âge.

 

« 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi » va être porté à l’écran. Qu’attendez-vous de cette adaptation cinématographique?

 

J’aimerais que le spectateur réalise qu’Ilan Halimi a été ciblé parce qu’il était juif, ce qui rend alors irréfutable le caractère antisémite de cet acte. Aujourd’hui beaucoup de gens, sans même connaître les dessous de l’affaire, refusent d’y voir autre chose qu’un simple fait divers. Il faut dire ce qui est, car comme disait Camus « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

 

Propos recueillis par Jonathan CurielJSSNews

 

http://jssnews.com/2013/02/13/ilanh/