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Publié le 20 Mai 2019

Israël - Institut Français : Israël, l’autre pays du jazz

Dans le sillon des figures importantes comme Yaron Herman, Omer Avital ou Avishai Cohen, la nouvelle scène jazz israélienne s’affirme comme l’une des plus dynamiques du moment. En témoigne la semaine du jazz israélien, organisée fin juin dans le cadre de la saison France-Israël 2018. La Saison France-Israël 2018 (juin-novembre 2018) est mise en œuvre par l'Institut français, le ministère des Affaires étrangères de l’État d’Israël, et les ambassades des deux pays.

Du Paris Jazz Festival, qui a ouvert sa programmation 2018 avec un week-end consacré au jazz israélien au Parc Floral, au très couru Jazz in Marciac, la programmation des plus grands festivals de jazz français et internationaux fourmille, depuis quelques années, d’artistes venus d’Israël. À tel point que Tel-Aviv est devenue une des places fortes du genre, aux côtés des historiques New York et Paris.

Au début de l’été, la capitale française a ainsi mis en valeur une poignée de musiciens issus de cette scène qui a émergé dans les années 2000, pendant une semaine de concerts exceptionnels, entre le Trianon – carte blanche à Yaron Herman, le 25 juin – et les salles mythiques du quartier des Lombards, dans le cadre du « Focus Jazz Israélien » du Paris Jazz Club (26, 27 et 28 juin). L’occasion de se pencher sur ce mouvement singulier et bouillonnant.

Jazz, pop et improvisation

Il y a encore quelques années, la géographie du jazz mondial tenait essentiellement en deux villes : Paris et New York, capitales historiques du genre. L’arrivée sur la scène mondiale de musiciens israéliens aussi talentueux qu’Avishai Cohen ou Omer Avital, au début des années 2000, a immédiatement placé Tel Aviv sur la carte. Avec des labels aussi novateurs que Raw Tape Records (au sein duquel officie le Buttering Trio), un festival international et certains des clubs les plus réputés du monde comme le Beit Haamudim, « la ville sans interruption » fait émerger une nouvelle génération de talents.

Présent en ouverture de la semaine du jazz israélien, Yaron Herman est l’une des figures les plus représentatives de cette nouvelle scène jazz israélienne. Le pianiste au style électrisant, biberonné à MTV et à la culture des années 1980, aurait pu devenir basketteur, mais une blessure et la rencontre avec un pédagogue iconoclaste, Opher Brayer, à Tel Aviv l’ont définitivement fait basculer du côté du jazz.

Un jazz qui s’ouvre vers les harmonies foisonnantes de la pop, particulièrement dans les reprises qui l’ont rendu célèbre – « Toxic » de Britney Spears et « No Surprises » de Radiohead –, ainsi que dans ses collaborations avec des artistes comme Mathieu Chedid (-M-). Sa musique est aussi portée par un goût de l’improvisation permanente qui en fait un des auteurs les plus prisés dans le monde du jazz contemporain. Yaron Herman n’est jamais aussi brillant que quand il crée ses morceaux en direct.

Un axe Paris / New York / Tel Aviv

Autre pionnier, Omer Avital joue un rôle particulièrement important dans le métissage propre au jazz israélien. Invité au Duc des Lombards, dans le cadre du « Focus Jazz Israélien », et en ouverture du Paris Jazz Festival – pour le projet « Avital meets Avital » où il s’associe à un autre Avital, le mandoliniste Avi Avital –, ce contrebassiste d’origine maroco-yéménite instille dans son swing âpre des arrangements opulents qui évoquent l’univers des musiques arabes.

Avital est aussi un personnage clé dans la transmission du genre en Israël. Parti à New York dans les années 1990, il revient à Jérusalem au début des années 2000 pour enseigner à la Rubin Academy of Music et y former une partie de la génération suivante. À travers sa trajectoire et celle de Yaron Herman, désormais installé à Paris, se dessinent les liens forts qui unissent les deux grands berceaux historiques du genre au jazz israélien.

Compagnon de route de nombreux artistes de cette première génération, Yonathan Avishai vit en France depuis plusieurs années et fait figure de passeur. Ce pianiste tellurique qui a accompagné Avishai Cohen entretient surtout un long dialogue avec Omer Avital. Ensemble, ils forment un duo alliant l’incandescence de la contrebasse au sens du contrepoint du pianiste. Membre de nombreuses formations israéliennes contemporaines (Three CohensThird World Love, etc.), il creuse une veine plus contemplative, puisant dans des rythmes proches du blues. En duo, comme sur la scène du Sunside, en compagnie de Sylvain Rifflet, ou en accompagnement des deux Avital, au Paris Jazz Festival, sa capacité à jouer avec le silence fait merveille.

De jeunes talents aux influences multiculturelles

Dans le sillon du métissage porté par les pionniers, une nouvelle génération de musiciens, souvent ancrés en dehors des frontières d’Israël, fait entendre un son qui explore les liens entre rythmes originels et musiques venues d’ailleurs. Présent avec deux projets – en duo avec Yinon Muallem pour l’ouverture du Paris Jazz Festival et en trio sur la scène du Sunside –, le pianiste Guy Mintus propose un jazz multiculturel qui sonne autant comme du folklore gitan que comme un air traditionnel de pop israélienne. L’extraordinaire richesse musicale de ses compositions en fait un des artistes les plus prometteurs du jazz israélien.

Enfin, le tableau ne serait pas complet sans une voix marquante. De ce point de vue, celle, lumineuse, de Mika Hary a électrisé la légendaire scène du Duc des Lombards le 27 juin. Si les comparaisons flatteuses ne manquent pas à son propos, la chanteuse basée à New York évoque souvent la musique folk de Joni Mitchell. Il y a en tout cas quelque chose de léger dans les morceaux éthérés de Mika Hary qui rappelle les grandes heures d’une Norah Jones et montre que le jazz israélien a l’avenir (radieux) devant lui.