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Publié le 19 Juin 2013

L’histoire juive au cœur du MuCEM

Par Robert Sender

 

Dans le cadre de Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture, le magnifique Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) vient d’ouvrir ses portes. Visite.

Inauguré par le président de la République, François Hollande, le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), œuvre de l’architecte Rudy Ricciotti, s’impose avec ses 15000 mètres carrés dans le paysage marseillais. Situé à l’entrée du port, le premier grand musée national consacré aux civilisations européennes du XXIe siècle est un site pluridisciplinaire où se croisent anthropologie, histoire, archéologie, histoire de l’art et art contemporain tout en prenant en considération les enjeux actuels du monde.

 

Il formule ainsi l’espoir de poursuivre un dialogue entre les États autour de la Méditerranée. Constitué de deux plateaux, le musée accueille sur le premier l’exposition permanente « La galerie de la Méditerranée ».

 

Deux expositions temporaires occupent le second jusqu’au 6 janvier 2014. « Le noir et le bleu. Un rêve méditerranéen » offre une traversée des imaginaires et des représentations de la Méditerranée ; « Au Bazar du genre, Féminin – Masculin en Méditerranée », met en avant un état des lieux sur la question du « genre » dans le contexte de bouleversements de l’ordre des sexes. Le site comprend aussi un espace pour enfants, un auditorium, une librairie, et un restaurant doté d’une terrasse avec vue panoramique.

 

À ses côtés, relié par une passerelle, le Fort Saint-Jean, monument historique du XIIe siècle, a rouvert et complète le MucEM par un choix lumineux d’expositions d’arts et traditions populaires. Avec un coup de cœur particulier pour « Le temps des loisirs » situé dans la Chapelle sur le passage des fêtes rituelles, et notamment celles du judaïsme allant de la circoncision au mariage.

 

À partir de 19 heures jusqu’au 31 août 2013 de nombreuses manifestations gratuites se déroulent en plein air, avec une programmation variée de cinéma, apéro-concerts, ou lectures et débats comme par exemple « Pourquoi Camus ? ». Comme pour Marseille-Provence 2013 où de nombreux artistes israéliens sont invités toute l’année, de nombreuses œuvres israéliennes ou liées au judaïsme jalonnent les expositions précitées.

 

« L’exposition est ma façon d’interpréter mon héritage » 

 

Zeev Gourarier, directeur scientifique des collections du MuCEM,  présente l’exposition permanente, « La galerie de la Méditerranée » dont il est le commissaire.

 

Quel est le parcours de l’exposition ?

 

On commence par une section sur l’agriculture du blé, on poursuit par les monothéismes, puis par la citoyenneté. Cette partie évoque le banquet grec montré sur des céramiques. Face à lui neuf femmes lui répondent, une Syrienne, une Italienne, une Espagnole, une Marocaine, et aussi parmi elles, une Israélienne chimiste. Cette dernière exprime ce que sont sa citoyenneté et son travail avec des savants arabes, y compris palestiniens. On termine par « Au-delà du monde connu », centrée sur la mer et les océans.

 

La section dédiée aux monothéismes part de Jérusalem. Pourquoi ce parti pris ?

 

La Méditerranée s’est conçue comme un bassin de civilisations existant depuis 10000 ans. Je me suis posé la question: est-il possible de parler de la Méditerranée du point de vue de ce qu’elle a de commun avec les autres bassins de civilisations ? Oui. Il y a eu des cités, des royaumes, des empires, des rituels d’inhumation, des écritures, des guerres, tout cela existe chez les Chinois ou dans la Mésoamérique par exemple. Mais, qu’est-ce qui fait la différence ? On trouve quatre singularités, d’où les sections de l’exposition, dont les monothéismes. Comme il était impossible d’aborder l’ensemble des monothéismes sur 400m2, et que les trois religions ont une centralité sur Jérusalem, voilà pourquoi une si grande place leur est consacrée.

 

Un formidable film d’animation clôt la partie sur « Jérusalem, une ville trois fois sainte ». Comment a-t-il été conçu ?

 

C’est la conclusion même de ce que l’on dit sur Jérusalem. Ce n’est pas seulement les trois monothéismes, c’est aussi le passé, le présent, et le futur. Le passé se réfère à David et Moïse, Jésus, Mohammed. C’est au présent, un lieu de pèlerinage et de prière pour les trois religions. Pour terminer, elle représente la fin des temps : pour les Juifs, l’arrivée du messie à Sion, pour les Chrétiens, le dessein de la Jérusalem céleste sur la Jérusalem terrestre, pour les Musulmans, le Jugement dernier. Du coup, la question est : que devient le paradis en attendant cette fin des temps ? Cette vision vient conclure en essayant d’exposer les différents paradis.

 

Dès la première partie, « Invention des agricultures, naissance des dieux » une œuvre israélienne inaugure l’exposition.

 

Sigalit Landau répond avec une création contemporaine à la question de la distribution des eaux. On a aussi dans la partie citoyenneté, une évocation du Mur de Berlin et du Mur israélo-palestinien, non pas parce que je veux condamner Israël, mais simplement parce que c’est un mur. Nous sommes collectivement responsables de mettre des murs entre nous par rapport aux droits de l’homme.

 

Vos origines vous ont-elles influencé dans vos choix ?

 

Bien sûr. Le devoir de tout intellectuel est d’essayer d’éviter qu’une autre Shoah puisse recommencer et de réfléchir sur ses causes. C’est pour cela qu’en prolongement de la mission des droits de l’homme, il paraît important d’organiser cette « Galerie de la Méditerranée ». Avec une dimension humaniste exprimant ma façon d’interpréter l’héritage qui m’a été donné. Ma mère était sur l’Exodus et mon père rescapé d’Auschwitz, ils se sont connus à Névé-Ilan. Je suis né à Jérusalem. Quand j’ai quitté Israël, j’avais deux ans. Au-delà de mes liens affectifs et familiaux avec ce pays, j’ai moins de temps en ce moment, mais j’appartenais à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, et j’ai réalisé une expertise sur le Beith Ha Tsoufsot.

 

Publié dans le n° 1258 d’Actualité Juive

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