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Publié le 30 Juin 2014

"La bête immonde", c'est lui!

Au nouveau spectacle de Dieudonné, «système, juifs et homos»

Par Sylvain Mouillard, publié dans Libération le 27 juin 2014

L'humoriste se produisait à la Main d'or jeudi 26 juin 2014, pour la première représentation de «La bête immonde».

«Mesdames et messieurs, la haine !» Le rideau de la scène du théâtre de la Main d’or s’ouvre. Dieudonné apparaît, hilare. Il porte un pyjama orange de détenu de Guantanamo, traîne des fers aux pieds. Un détail, le mot «quenelle» brodé au niveau de la poitrine. Le décor est minimaliste. Seule la réplique d’un Famas, fusil mitrailleur de l’armée française, attire l’attention sur son pupitre. «L’humoriste» présente ce jeudi soir son nouveau spectacle, «La bête immonde», dans son fief du XIe arrondissement parisien.

Il y a six mois, son précédent show, truffé de saillies antisémites, avait été interdit par le Conseil d’Etat. Dieudonné s’en souvient bien, et ne se prive pas d’en jouer. Il est «l’antéchrist», «le mal». Comme à son habitude, il se met rapidement la salle dans la poche. Il y a «eux» - comprendre le «système» -, et il y a «nous». Les éventuels ennemis, «journalistes et huissiers» qui seraient venus assister à sa première, sont immédiatement raillés. Le public, «venu rigoler avec la bête immonde», est aux anges.

Dieudonné ne traîne pas. D’emblée, il en vient à son fond de commerce, «les juifs». Le mot est prononcé des dizaines de fois en début de spectacle. Le polémiste flirte avec la ligne jaune, mais il reste sur ses gardes, sûrement échaudé par ses précédents dérapages, notamment contre Patrick Cohen. Le journaliste de France Inter n’aura le droit qu’aux chuintements de la salle quand son nom est prononcé, ainsi que celui de l’acteur Pascal Elbé. Cette mimique imagée, doigt pointé vers le ciel et yeux plissés, en prononçant «Au-dessus, c’est le soleil», est un classique de la galaxie «Dieudonné». Elle signifie que lorsqu’on parle de certains sujets, la Shoah surtout, on s’attaque à ce qu’il y a de plus sacré.

Dieudonné désigne son régisseur, Jacky Sigaud, placé au fond de la salle : «Si on lui met un pyjama et une kippa, il y a moyen de gratter des subventions !», lance-t-il. Et d’enchaîner contre les médias, en faisant mine de tirer dans le public, son Famas de pacotille à la main : «Si je tuais un journaliste, de surcroît juif, ça serait grave»… Lire la suite.