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Publié le 25 Février 2016

Le centenaire oublié de Pierre Emmanuel

Ne faut- il rappeler à la mémoire du plus grand nombre que les gloires connues de tous?

Par Michaël de Saint-Cheron, Philosophe des religions, publié dans le Blog du Huffington Post le 21 février 2016
 
Si, en 2011, certains purent s'indigner à juste titre que Louis Ferdinand Céline fût présent dans l'annuaire des Célébrations Nationales, volume par lequel le ministère de la Culture et de la Communication veut honorer la mémoire et l'œuvre de personnalités exemplaires ou au destin extraordinaire, qui, en 2016, se serait déjà indigné de l'oubli d'un grand poète du XXe siècle doublé d'un résistant, d'un écrivain et d'un grand commis de l'Etat: Pierre Emmanuel? Mais vous me direz: qui se souvient de Pierre Emmanuel?
 
Ne faut- il rappeler à la mémoire du plus grand nombre que les gloires connues de tous?
 
En 1916 naquit Noël Mathieu devenu à l'adolescence poétique Pierre Emmanuel. Il fut tour à tour poète, essayiste, résistant, journaliste. Il écrivit alors Combats avec tes défenseurs, Jour de colère, La liberté guide nos pas, en partie à Dieulefit, village de la Résistance, où il croisa ces années-là, Char, Aragon, Elsa Triolet, Clara Malraux, Pierre-Jean Jouve. Après la guerre il prit les commandes des services anglais puis américains de la Radiodiffusion Française, avant que Louis Joxe, directeur général des Affaires culturelles, ne l'envoie en mission dans six pays "derrière le rideau de fer" dont il rapporta un témoignage terrible du communisme soviétique dans une vaste poème nommé Babel, s'attirant les foudres de l'intelligentsia communiste dont le chef de file était Louis Aragon.
 
Ses pourfendeurs au sein de la mission des Commémorations nationales que préside Danièle Sallenave, de l'Académie Française, considèrent à n'en pas douter qu'il était trop chrétien pour mériter de figurer parmi les pluricentenaires, les centenaires ou cinquantenaires reconnus par le ministère de la Culture. Juge-t-on une œuvre, une vie humaine, à l'aune de la seule foi de celui ou celle qui l'a construite? Pierre Emmanuel ne voulait pas être catalogué "poète chrétien". C'est faire un faux procès à celui qui écrivait: "Dans ma grammaire, qui est une hiérarchie, le mot chrétien n'est pas un adjectif, mais un nom. Plus substantif et plus singulier que poète, il ne peut donc qualifier celui-ci." (Evangéliaire, Seuil, 1961).
 
Et Messiaen alors ou Dutilleux, n'étaient -ils pas chrétiens? Et Péguy, dont on célébra à juste titre le centenaire en 2014?
 
Son œuvre importante conduisit naturellement Pierre Emmanuel à se présenter et à être élu à l'Académie Française en 1968. En 1969, après le départ de Malraux du ministère d'Etat des Affaires culturelles, Edmond Michelet, sous le président Pompidou, le nomma président de la Commission des Affaires culturelles du VIe plan.
 
Mais le 29 novembre 1975, lorsque l'Académie élut Félicien Marceau, condamné par contumace dans son pays d'origine, la Belgique, pour avoir collaboré avec l'occupant nazi durant les premières années de la guerre, Pierre Emmanuel fut bien le seul à démissionner avec panache de la noble institution. Qu'il me suffise de citer ici ces quelques lignes de sa lettre de démission:
 
"Ce jugement n'est pas affaire de littérature, mais de conscience. Je ne me permets pas de douter de celle de M. Félicien Marceau. Celui-ci trouva en France un asile, puis il reçut notre nationalité. Je ne m'élève ni contre l'hospitalité qu'il reçut, ni contre sa naturalisation elle-même. (...) [J]e me regarderais comme infidèle à la parole humaine et au souvenir de ceux qui, pour l'amour d'elle et de sa vérité, ont péri dans l'Europe de Hitler, si j'acceptais cette élection et cette majorité comme le veut toujours la coutume."
 
Pierre Emmanuel présida de 1973 à 1976 le P.E.N Club international puis français. Sous Valéry Giscard d'Estaing, il fut le premier président de l'Institut National de l'Audiovisuel (1974-1979), avant d'imaginer pour Jacques Chirac, maire de Paris, la création de la Vidéothèque de Paris puis de la Maison de la Poésie.
 
Toute sa vie, Pierre Emmanuel combattit le racisme, l'antisémitisme, il fut un ardent défenseur des Refuznik... Lire l'intégralité.
 
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