Actualités
|
Publié le 23 Novembre 2015

Le CRIF Rhône-Alpes a reçu Alain Bauer mardi 17 novembre 2015

Malgré les terribles évènements du vendredi 13 novembre, Monsieur Alain Bauer a tenu à honorer l’invitation que le CRIF Rhône - Alpes lui avait adressée en juin dernier
Plus de 100 personnes ont assisté à sa passionnante conférence et malgré le temps très court de son passage, il a accepté quelques échanges directs avec nos invités.
Universitaire des deux côtés de l’Atlantique et formateur pour de nombreuses polices dans le monde, Alain Bauer est un expert en criminologie, discipline peu connue en France. 
 
Alain Bauer replace le terrorisme dans l’histoire de la France comme une question ancienne qui apparaît dès 1793 lors de la Révolution  pour éliminer les opposants politiques.
Il en fut ainsi de 1793 à 1989, et pendant la Guerre froide, Moscou ou Washington étaient alternativement à la manœuvre. D’ailleurs, le terrorisme d’extrême gauche (ETA, IRA, Action Directe…) s’effondre avec la fin du communisme et la chute du mur.
S’ensuivent alors trois types de terrorisme qui vont cohabiter :  
l’« hyper terrorisme » avec de grosses opérations très bien préparées, type 11 septembre, Madrid, Londres…
- le « gang terrorisme » comme les derniers attentats de Paris 
- et le « lumpenterrorisme » ou terrorisme de proximité : les couteaux, le terrorisme ubérisé….
 
Pour Alain Bauer le problème des services antiterroristes est qu’ils sont mal préparés et ne savent pas analyser, diagnostiquer à partir des informations qu’ils reçoivent en particulier aujourd’hui celles d’Internet, de YouTube et autres media car pour lui le terrorisme doit se traiter comme une maladie : « Diagnostic avec recherche des causes, pronostic, moyens thérapeutiques … ».
De leur côté, les terroristes tiennent leurs promesses et préméditent leurs crimes alors que les services formés au contre-espionnage et contre le crime organisé sont souvent victimes d’aveuglement stratégique et de défaut d’anticipation.
Le manque de partage des informations avec l’étranger, notamment du fait des barrages du contre-espionnage, avec de surcroît l’absence de frontières sont très préjudiciables aux services d’investigation à la recherche d’indications précises : c’est un temps long alors que les terroristes frappent vite…
 
Par ailleurs, la dimension culturelle est insuffisamment prise en compte et nombre de nos dirigeants ont du mal à bien nommer les choses.
C’est ainsi qu’on préfère dire DAESCH plutôt qu’ « Etat Islamique », pourtant stricte traduction bien compréhensible de tous.
 
Alain Bauer illustre ses propos par quelques exemples de ces incompréhensions.
- 1995 fut un tournant dont on n’a pas immédiatement compris l’importance avec l’apparition du premier terroriste hybride, le lyonnais, Khelkal, simple délinquant de quartier devenu agent terroriste du «  Front islamique du Salut (GIA) » sur notre territoire. Il a été longtemps considéré comme un cas isolé, « loup solitaire » alors qu’il était le prototype d’un phénomène de fond.
 
- On a assisté ensuite à l’augmentation du nombre de ces hybrides avec Mohamed Merah, Kouachi, Coulibaly, tous connus des services de police mais dont les dossiers n’avaient pas été suffisamment analysés. 
Pourtant, Coulibaly est un chef connu dans sa prison. Il est l’artificier du groupe Belkacem. Quand il sort de prison, il disparaît des écrans car personne ne le surveille alors qu’il est coordinateur des attentats avec l’état islamique.
 
-On a pris Ben Laden pour le chef d’Al Quaida, alors qu’il n’était que le porte-parole de ce qui s’appelait en réalité «  Front International de lutte contre les Juifs et les croisés » ! D’ailleurs son élimination n’a rien changé.
Ces défauts d’analyse, ces aveuglements stratégiques dus à un manque d’adaptation sont qualifiés par A.Bauer de « syndrome d’Azincourt », bataille de la guerre de cent ans perdue par la cavalerie française.
 
Aujourd’hui, l’adversaire est l’état islamique.
Alain Bauer nous explique que ce groupe né de Al Bagdadi, qui dispose de plus de 50.000 combattants, de chars en parfait état de marche, qui exploite le pétrole de la région via le marché noir, qui trouve de l’argent via tous les trafics d’art, de drogue, de femmes, d’enfants… est une armée de barbares qui utilise des méthodes terroristes.
C’est un » proto-état » qui bénéficie de la complexité géostratégique de la région depuis la chute du shah d’Iran.
Pour Alain Bauer, pas de doute… à qui profite le crime ? l’Iran…. ! Et il s’accorde à nous dire que même si le premier ministre israélien  B.Netanyaou est un bien mauvais communiquant en matière de relations internationales, son analyse à propos de l’Iran est la bonne.
 
Les derniers attentats de Paris sont l’œuvre de l’état islamique et avaient été prévus. Les salles de concert sont des cibles connues et annoncées.
Les terroristes n’ont rien inventé et avaient des armes classiques. Ils étaient mal préparés et proches, selon le criminologue, de l’amateurisme. Pour preuve ils se sont fait sauter devant le Stade de France sans faire le carnage prévu. Le 18 ième arrondissement était aussi visé sans avoir été atteint.
La principale caractéristique de ces terroristes est d’être des « amateurs déterminés », déterminés à mourir…  ce qui génère de très nombreuses victimes.
 
Mais face à ce terrorisme diversifié, il faut, pour conclure, a souligné Alain Bauer, assumer la peur et défendre les valeurs de la liberté. La lutte contre le terrorisme est ici, et aussi là-bas contre l’état islamique.
 
Une note d’espoir, comme l’histoire nous l’enseigne, le terrorisme a toujours une fin….
 
En réponse à quelques questions, s’agissant du choix stratégique à prendre face à la Syrie, et en s’appuyant sur l’exemple de Kissinger face à l’Iran et l’Irak et qui avait considéré que le mieux était que les deux états perdent, A Bauer nous dit : « mieux vaut un dictateur sanglant qu’une dictature sanglante ».
 
Concernant la décision à prendre pour le maintien ou non de la fête des lumières, A. Bauer nous répond : Lyon ville capitale de la résistance devrait maintenir la fête des lumières… ! Il n’a pas été entendu.